Intervention de Gabriel Serville

Séance en hémicycle du 24 mai 2016 à 15h00
Statut des magistrats et conseil supérieur de la magistrature - modernisation de la justice du xxie siècle

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGabriel Serville :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, s’il est de rares sujets bénéficiant d’une ambition partagée sur l’ensemble des bancs de cette assemblée, celui de la modernisation numérique de l’État et, au-delà, des collectivités et de la société en général, en fait bien partie.

Aussi l’annonce, l’année dernière par le Gouvernement, de sa volonté de relancer ce processus d’accessibilité des services publics, garant de l’égalité des hommes et des territoires, a-t-elle été vécue par tous comme une véritable bonne nouvelle. L’attente est d’autant plus forte dans les territoires dits isolés ou encore insulaires qu’ils subissent lourdement le poids du recul de la présence physique des services publics, quand cette présence physique a un jour existé.

Améliorer et simplifier les prestations rendues aux usagers, trouver un nouvel équilibre entre les fonctions de contrôle et de conseil aux collectivités, améliorer les missions de contrôle des entreprises par les services de l’État, renforcer les dispositifs de prévention et de gestion des risques et de la sécurité, renforcer la cohésion sociale, soutenir les projets des entreprises, des collectivités territoriales et des associations, conforter le rôle et les missions de l’État en matière d’économie et d’emploi, ou encore soutenir la culture dans les territoires sont autant d’objectifs, certes ambitieux et louables, mais qui laissaient malheureusement présager l’éminence d’un échec, ne serait-ce que partiel.

Il faut avouer que nous partions de très loin car le retard accumulé en matière de transition numérique était important. Il était donc urgent que nous nous attelions à user des moyens numériques pour renforcer l’État dans les territoires et le rendre ainsi plus efficace, sa plus grande proximité avec l’usager garantissant à celui-ci l’accès à des services publics de plus en plus absents des bassins de vie. En somme, il s’agit d’user de cette transition numérique comme d’un levier de démocratisation de l’action publique.

Vous aurez compris que mon enthousiasme, devant une telle perspective, ne pouvait qu’être décuplé en raison des caractéristiques du territoire que je représente : plus de 20 % de la population y vit dans des villes et villages dits isolés, et l’accès aux services publics les plus élémentaires, quand il existe, y est très restreint. Malheureusement, cet enthousiasme s’est très rapidement heurté aux réalités budgétaires. Depuis le début, en effet, c’est là que le bât blesse.

C’est vrai, la Cour des comptes a salué, en quelque sorte, le bilan honorable de votre action qui a permis de hisser la France à la treizième position européenne en termes de modernisation numérique de l’État. Mais nous le savons tous, il s’agit en réalité d’un semi-échec puisque les services publics numériques ne jouent pas le rôle de moteur qui leur revient et que les usagers ne font toujours pas du numérique leur mode d’accès privilégié aux services publics, et cela même lorsque l’offre existe.

Se pose alors la question de l’accès à l’offre existante. Je m’explique : si l’idée qu’un Guyanais de l’intérieur vivant à trois heures de pirogue de l’offre physique de services publics puisse faire une grande partie de ses démarches administratives en ligne, voire suivre un cursus éducatif numérisé, est très séduisante, encore faut-il que ce citoyen ait accès à internet. C’est là qu’apparaît tout le paradoxe de notre politique. Pour une partie de nos citoyens, on a mis la charrue avant les boeufs puisque de nombreux Français, en 2016, sont encore maintenus dans des déserts numériques. J’ai d’ailleurs une pensée particulière pour les habitants de Camopi, deuxième commune de France par sa superficie, qui font depuis plusieurs mois les frais d’un réseau de téléphonie et d’internet plus que perfectible.

Monsieur le secrétaire d’État, c’est là tout l’objet de mon intervention. Si je connais votre volontarisme en la matière, les retards accumulés dans le déploiement des réseaux d’accès à internet dans certains de nos territoires d’outre-mer sont tout simplement inacceptables. Comment, dès lors, juger de l’efficacité de la transition numérique de l’État dans cette partie du territoire français ?

C’est d’autant plus dommage que cette transition, cela est parfaitement établi, permettrait de rendre plus supportables les réductions d’effectifs imposées par la politique d’austérité dont les services de l’État comme les collectivités subissent les effets.

Je compte donc sur votre mobilisation, monsieur le secrétaire d’État, afin que cette transition numérique, qu’elle émane ou non de l’État, devienne enfin une réalité palpable dans nos territoires d’outre-mer. D’avance, je tiens à vous en remercier.

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