Intervention de Laurence Abeille

Réunion du 18 mai 2016 à 16h30
Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Abeille :

Je vous remercie, monsieur le ministre, pour votre présence.

La condition animale est devenue dans notre société un vrai sujet politique. La condition animale est-elle pour vous aujourd'hui un sujet politique, une priorité politique ?

La société s'est emparée de ce sujet parce que nos connaissances sur les animaux ont beaucoup évolué depuis quelques années. Dans le même temps, l'industrialisation de l'agriculture et de l'élevage a fini par désincarner la question de notre alimentation – et cela ne vaut pas seulement pour l'élevage. Il s'agit de consommation d'animaux, donc d'être vivants doués de sensibilité, comme le précise le code civil. La majeure partie de la population ne connaît pas ces animaux, qu'elle voit seulement dans des publicités où ils sont représentés gambadant dans les prés. Les morceaux de viande sont achetés dans des barquettes ; du coup, le lien entre l'animal qui gambade dans le pré et la barquette ne se fait plus du tout. Autrefois, la plupart des gens habitaient à la campagne et connaissaient davantage les animaux. Depuis, un changement s'est opéré dans la société : les animaux ne peuvent plus être considérés comme destinés à devenir de simples morceaux de viande puisque l'on sait aujourd'hui que ce sont des êtres intelligents, des êtres sensibles.

Les scandales soulevés par la diffusion de ces vidéos posent une vraie question de société. Va-t-on pouvoir, oui ou non, continuer à consommer des animaux ? Si oui, dans quelle proportion ? Une industrialisation toujours plus grande ne finira-t-elle pas par décourager un certain nombre de gens de consommer de la viande ? Je sais que tel n'est pas votre objectif même si, pour ma part, je défends ceux qui appellent à une non-consommation de viande ou à une consommation largement diminuée. La question de la souffrance animale est centrale : un animal élevé et abattu dans de bonnes conditions peut permettre à des gens de continuer à consommer de la viande, peut-être moins. Vous avez parlé de la rentabilité économique extrêmement faible des abattoirs. Nous avons demandé aux personnes que nous avons auditionnées jusqu'à présent quel était le prix de l'abattage, mais nous n'avons pas réussi à obtenir des réponses très précises. L'étiquetage ou la labellisation pourraient peut-être permettre de faire des choix en toute connaissance de cause, puisque le consommateur aurait la certitude que les animaux auraient été élevés et abattus dans les conditions les plus dignes possibles, sachant que la mise à mort d'un animal et son étourdissement a priori sont inévitablement facteurs de souffrance. Comptez-vous retravailler la question des techniques d'étourdissement des animaux, en particulier celle des porcs au CO2 ? Lorsqu'on lit l'article paru dans Libération, on se dit qu'il convient de poursuivre les recherches sur ce point : il semblerait que l'étourdissement ne supprime pas la souffrance des animaux, alors que, au-delà des parlementaires ici présents, la grande majorité de nos concitoyens souhaitent qu'elle diminue.

On a beaucoup parlé dans cette commission de la formation des personnels ; je n'y reviendrai pas. Certes, les caméras serviraient à surveiller les personnes qui travaillent et à améliorer la formation. Mais elles pourraient peut-être aussi permettre de vérifier que les animaux sont abattus dans de bonnes conditions, c'est-à-dire qu'ils ne souffrent pas et ne se réveillent pas après étourdissement : la question du réveil s'est posée à de nombreuses reprises.

À mon tour, je veux revenir sur la question des abattoirs mobiles qui existent dans certains pays d'Europe. Pourquoi êtes-vous opposé à cette solution qui peut permettre de réduire l'empreinte carbone et la souffrance des animaux transportés sur de longues distances ?

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