Intervention de Lionel Tardy

Séance en hémicycle du 31 janvier 2013 à 15h00
Indépendance de l'expertise en matière de santé et d'environnement et protection des lanceurs d'alerte — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLionel Tardy :

On a l'impression, en lisant cette proposition de loi, mais également le rapport, que vous ignorez l'existence de la loi du 13 novembre 2007 de lutte contre la corruption, qui traite de la protection des lanceurs d'alerte, ainsi que de la résolution 1729 du Conseil de l'Europe et de la recommandation 1916, datant de 2010, qui l'accompagne. En 2011, le G20 de Séoul a également émis des recommandations et l'OCDE a présenté des premières orientations en mai 2011.

Un cadre existe au niveau national comme international. Des procédures étant déjà prévues, il aurait été plus intelligent de les reprendre et de les améliorer, d'autant qu'il y a des besoins criants en la matière. Au lieu de cela, vous prétendez construire un dispositif ad hoc pour la santé et l'environnement qui, parfois, ne concorde pas avec l'existant.

Le principal problème français est la protection des fonctionnaires, qu'ils soient titulaires ou contractuels, une protection très mal assurée. Leur seul rempart est la jurisprudence des tribunaux administratifs, à part quoi il n'y a rien ou presque. Un fonctionnaire qui applique l'article 40 du code de procédure pénale qui l'oblige à dénoncer les crimes et délits dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions peut se retrouver sanctionné pour faute grave ! C'est une question sur laquelle il faudra revenir.

Cette proposition de loi, non seulement ne règle pas les problèmes, mais risque d'en créer davantage en désorganisant le cadre existant. Les règles que vous instituez ne concernent que les alertes en matière sanitaire et environnementale, créant ainsi une différence avec les alertes relatives, par exemple, aux détournements de fond ou aux autres violations du droit. Il faut un traitement unifié et commun à tous les lanceurs d'alertes. Or, on prend ici la direction opposée.

Parmi les critères communs de la recevabilité de l'alerte au niveau international, il y a la bonne foi, que l'on retrouve dans ce texte, mais également un minimum d'expertise de la part du lanceur d'alerte : il faut quand même qu'il sache de quoi il parle ! Or, dans votre texte, pratiquement n'importe qui peut lancer une alerte sur n'importe quoi, même sur un sujet auquel il ne connaît et ne comprend rien. On va ainsi avoir des alertes lancées par des personnes qui n'auront pas eu toute l'information ou qui l'auront comprise de travers.

Après enquête, on va s'apercevoir qu'il n'y avait rien et que c'est le lanceur d'alerte qui s'est trompé. Mais si cette alerte transpire et que la presse s'empare du sujet, le mal sera fait : des entreprises ou des organismes publics pourront déjà avoir subi de gros dégâts. Nous ne sommes pas tous experts et encore moins tous habilités à lancer des alertes sur tout – surtout sur des questions aussi techniques que la santé ou l'environnement, avec des conséquences parfois graves en cas de fausse alerte.

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