Intervention de Sébastien-Yves Laurent

Réunion du 19 mai 2016 à 9h00
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Sébastien-Yves Laurent, politologue, professeur à la faculté de droit et de science politique à l'Université de Bordeaux :

Tout au long de l'année 2015 s'est fait entendre la demande que le renseignement soit amélioré. Cela peut se faire en améliorant les capteurs, humains ou techniques, ou en réorganisant les structures administratives et le cadre juridique, et cela a été fait, mais le véritable levier passe par l'analyse des informations dans une perspective d'anticipation.

Il s'agit d'un travail qualitatif sur la base d'informations factuelles. La principale difficulté de ce que j'appelle « l'analyse renseignement » est de dépasser la pure description des phénomènes pour faire de l'anticipation à l'échelle stratégique. Cette analyse renseignement fait l'objet de réflexions, de recherches opérationnelles et de formations, notamment à l'université, à l'image de différents masters, dont le master SGAT (sécurité globale et analyse trilingue) de l'Université de Bordeaux.

Les trois grands défis de l'analyse renseignement sont la temporalité – les analystes ou traitants du renseignement doivent réfléchir aux différentes échelles de temporalité qui font appel à des compétences différentes –, la spatialité et altérité – les intérêts français se situent sur des aires géographiques et culturelles extrêmement variées, et il est nécessaire que les analystes disposent des outils leur permettant de comprendre les phénomènes dans ces environnements qui ne sont pas ceux de la France et de l'Occident –, enfin l'incertitude. Sur ce dernier point, le directeur de la DGSE écrivait dans la Revue Défense nationale début 2014 qu'il faut réduire le champ de l'incertitude à défaut de réduire l'incertitude elle-même.

Pour relever ces trois défis, les services de renseignement ont deux atouts. Ils ont tout d'abord la possibilité de quitter le registre de l'intuition, parfois fragile, en s'appuyant sur des méthodes et des savoirs précis dans les sciences humaines et sociales. Ce ne sont pas là des savoirs théoriques mais des connaissances de terrain, concrètes, qui permettent de répondre à des questions précises, par exemple sur le passage à l'acte, que vous avez évoqué, monsieur le président. Le second atout est le recours aux « données massives », au big data ; il faut en faire du smart data et à cette fin réfléchir à la création de logiciels d'aide à l'analyse. L'analyse doit utiliser le quantitatif pour produire de l'information qualitative. Il convient, à mon sens, que ces logiciels soient produits sur la base des besoins des utilisateurs, qui peuvent participer à leur élaboration.

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