Intervention de Laurent Lasne

Réunion du 19 mai 2016 à 9h15
Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Laurent Lasne, président du syndicat national des inspecteurs en santé publique vétérinaire, SNISPV :

… faute d'être en mesure d'y répondre.

Formellement, la direction de l'abattoir est l'interlocuteur principal du service d'inspection, même si, évidemment, des relations se nouent au quotidien avec les ouvriers ou l'encadrement. Il n'appartient pas aux services d'inspection de l'État de gérer telle ou telle situation individuelle d'un salarié qui aurait des difficultés psychologiques ou autres. Si nous sommes confrontés à cette situation, nous en référons au directeur de l'abattoir qui devra réagir. Je ne sais pas si les fédérations d'abattoirs ou les abatteurs intègrent ces risques psychologiques, mais j'espère que c'est le cas, car les métiers en question sont particuliers.

Madame Allaux, sommes-nous contents que les problèmes des abattoirs aient été mis en lumière par cette affaire ? Nous le sommes en partie, car cela valorise le secteur industriel de l'abattage, mais aussi l'activité de nos services dans les abattoirs qui est méconnue – notre activité dans les restaurants ou contre les maladies animales comme l'influenza aviaire, en ce moment, dans le Sud-Ouest, l'est bien davantage. Cela valorise, en conséquence, un métier qui peut être jugé ingrat, mais qui est utile : on a rappelé nos trois missions principales.

La médiatisation nous aide aussi à faire passer nos messages. Nous sommes longtemps restés avec l'abatteur dans une relation bilatérale, de contrôleur à contrôlé, en vase clos, une sorte de jeu de chat et de la souris. Cela pose deux difficultés.

Comme nos collègues techniciens, nous devons sensibiliser l'ensemble de la chaîne hiérarchique, de notre direction jusqu'au préfet. La situation en la matière dépend du département concerné, mais les choses sont devenues plus compliquées avec la réforme de l'administration territoriale de l'État. Les directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) ont un champ d'intervention très large, qui va de l'hébergement d'urgence pendant le plan grand froid jusqu'à l'intégration des réfugiés politiques. Dans un périmètre aussi vaste, la protection animale en abattoir peut ne pas se trouver sur le haut de la pile des priorités du directeur ou du préfet. Et en toute honnêteté, je ne connais pas d'abattoir qui ait été jusqu'à présent fermé en France uniquement pour des raisons de protection animale : on a vu des abattoirs fermés en raison de conditions d'hygiène qui mettaient en péril la santé publique – décision peu facile, en raison des emplois directs et indirects à la clé –, mais jamais pour non-respect de la protection animale. Sans être catégorique, je ne crois pas qu'il existe de précédent de ce genre. Il est bon que ce sujet soit mis en avant : cela va sensibiliser les abatteurs.

Je travaille dans le secteur depuis vingt ans : les objectifs de sécurité des aliments ont été largement intégrés. Personne ne remet aujourd'hui en cause l'objectif de produire des viandes saines, mais il a fallu du temps. Cela sera peut-être aussi le cas pour l'intégration pleine et entière des enjeux de protection animale. Les aspects générationnels – les ouvriers d'abattoirs étaient souvent recrutés autrefois sur leur capacité à être durs au mal, et un peu insensibles – et la féminisation du personnel feront sans doute évoluer les choses.

Afin d'éviter que la « boîte » ne se referme lorsque les feux de l'actualité se seront détournés, nous avons une proposition à vous soumettre : ne pourrait-on imaginer une sorte de comité d'éthique des abattoirs, à l'image de ce qui existe dans d'autres secteurs d'activité, comme l'expérimentation animale ? Il peut être nécessaire de tester des médicaments sur les animaux, et les entreprises concernées se dotent généralement de comités d'éthique qui permettent à la société civile d'avoir un regard sur ce qui se passe dans les laboratoires. On pourrait de la même façon envisager des comités d'éthique rattachés aux abattoirs, où la société civile serait représentée par des bouchers, des éleveurs, des consommateurs, des associations de protection animale… Cela nous éviterait de retourner dans un face-à-face entre le service de contrôle et l'abatteur.

Certains abattoirs fonctionnent-ils mieux que d'autres ? Bien sûr, comme dans tout secteur d'activité. La différence en la matière se fait-elle forcément entre grosses et petites structures ? Je ne sais pas. Cela dépend beaucoup de la prise en compte, au plus haut niveau de l'abattoir, des enjeux de protection animale.

Monsieur Dumas, vous m'interpellez sur la responsabilité du directeur auquel il revient de superviser ses équipes. Je ne sais pas si cela passe par l'utilisation de caméras, mais je confirme que cette tâche lui incombe, et qu'il ne peut pas se dissocier de ses équipes. Nous ne pouvons pas admettre qu'un directeur puisse dire : « Cela s'est produit à cinq heures du matin, je n'étais pas là, ce n'est pas de ma responsabilité. »

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