Intervention de Philippe Chalmin

Réunion du 25 mai 2016 à 9h30
Commission des affaires économiques

Philippe Chalmin, président de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires :

Elle est, en matière agricole, beaucoup plus libérale que ne le sont les États-Unis ou la Nouvelle-Zélande, et je suis sûr que s'il existait en Nouvelle-Zélande une autorité de la concurrence à l'européenne, le quasi-monopole de Fonterra sur les produits laitiers serait démantelé. D'un système stable et administré, on est passé à un système totalement instable, de plus en plus souvent fondé sur les prix mondiaux. Cela signifie que les agriculteurs français qui déversent du fumier à l'entrée des grandes surfaces se trompent de cibles, car c'est le marché mondial qui fait le prix, non la grande distribution. Les céréaliers le savent, qui ont pris depuis longtemps l'habitude de se référer aux cours de la Bourse de Chicago et aux prix du marché à terme de Paris. Pour le lait, c'est pour l'instant, faute de mieux, le système d'enchères de Fonterra qui donne des prix de référence, à peu près acceptés par tous, pour le beurre et la poudre de lait, à l'échelle internationale. Quant au prix du porc et de la viande bovine, ils sont, au minimum, fixés au niveau européen.

Les grands problèmes de nombreuses filières tiennent à ce que, en réformant la politique agricole commune, l'Union européenne a jeté le bébé avec l'eau du bain sans que les professionnels soient encore parvenus à définir les bonnes mercuriales : qu'est-ce que le prix du lait, du porc, de la viande bovine en Europe ? Il y a encore une certaine hétérogénéité alors que le marché fonctionne comme un ensemble. Nous sommes dans une phase intermédiaire du fonctionnement des marchés européens.

D'autre part, les prix agricoles ne couvrent pas les coûts de production. Il y a dans cette situation des raisons conjoncturelles et structurelles. Certains marchés connaissent des périodes de hausse avec de fortes tensions sur les prix, et des périodes de basses eaux. Le problème pour les agriculteurs et de s'adapter et de gérer cette instabilité sur le long terme, ce qu'ils peuvent parfois faire en recourant aux marchés dérivés ; c'est le cas pour les céréales, et ce le sera de plus en plus pour le lait. Il revient au législateur de faciliter la constitution de provisions pour fluctuations des prix. C'est une carence complète de la fiscalité agricole française de ne pas permettre aux agriculteurs de lisser leurs résultats de manière que les années de vaches grasses compensent les années de vaches maigres. En revanche, quelques productions sont structurellement dans le rouge ; c'est notamment le cas de la viande bovine.

Dans un schéma tel qu'il y a en même temps instabilité des prix agricoles et stabilité des prix de vente au consommateur, c'est le couple industrie - grande distribution qui joue le rôle d'amortisseur, et quand ce couple grince, des tensions apparaissent. À cela s'ajoute un « patrimoine génétique national » particulier : alors que la situation est la même dans tous les États européens, c'est en France seulement que les négociations donnent lieu chaque année à psychodrame et à du « sang sur les murs » à la fin des séances.

Malheureusement, à tout cela, vous ne pouvez rien.

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