Intervention de Elisabeth Pochon

Séance en hémicycle du 31 mai 2016 à 15h00
Rénovation des modalités d'inscription sur les listes électorales — Présentation commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaElisabeth Pochon, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Monsieur le président, monsieur le ministre de l’intérieur, monsieur le président de la commission des lois, chers collègues, les trois propositions de loi qui vous sont soumises sont l’aboutissement d’un travail mené conjointement par M. Jean-Luc Warsmann et moi-même dans le cadre d’une mission d’information créée par la commission des lois en septembre 2014.

Dans notre rapport d’information, adopté à l’unanimité le 17 décembre 2014, nous avions dressé un constat alarmant : un nombre trop élevé de nos concitoyens se trouvent éloignés du processus électoral. On peut en effet estimer à 3 millions le nombre des non inscrits et à 6,5 millions celui des mal inscrits, c’est-à-dire des personnes inscrites dans un bureau de vote qui ne correspond pas à leur lieu de résidence effectif. Notre rapport contenait une série de propositions visant à lutter contre ce phénomène, afin de renforcer la participation aux élections tout en garantissant la sécurité du processus électoral.

Les trois propositions de loi que nous avons déposées le 9 décembre 2015 visent à mettre en oeuvre l’essentiel de nos propositions d’ordre législatif. La première, ordinaire, rénove les modalités d’inscription sur les listes électorales en France. La deuxième, organique, transpose aux listes consulaires cette réforme. La dernière, elle aussi organique, l’applique aux listes complémentaires servant à la participation des ressortissants de l’Union européenne aux élections municipales : conformément à l’article 88-3 de la Constitution, elle devra être votée dans les mêmes termes par les deux assemblées.

La rédaction de ces trois textes a fait l’objet d’une concertation étroite avec le Gouvernement, puisque nous avons eu de nombreux échanges au cours de l’année 2015 avec le ministère de l’intérieur, lequel a conduit, parallèlement à ces échanges, une concertation interministérielle. Par ailleurs, le volet administratif et technique de la réforme a fait l’objet d’un travail d’expertise mené conjointement par les inspections générales des finances, de l’administration et de l’Institut national de la statistique et des études économiques, qui ont rendu un rapport extrêmement complet en septembre 2015.

Enfin, compte tenu des enjeux de cette réforme, nous avons proposé au président de l’Assemblée nationale de saisir pour avis le Conseil d’État en application du dernier alinéa de l’article 39 de la Constitution. Le Conseil d’État a approuvé les objectifs des propositions de loi, soulignant « l’intérêt général qui s’attache à la réussite de cette réforme pour le renforcement de la démocratie et de la participation électorale, comme en termes de simplification des démarches et de modernisation des relations entre le public et l’administration », et formulé plusieurs recommandations, principalement d’ordre technique, qui nous ont amenés à proposer plusieurs amendements, lesquels ont été adoptés par la commission des lois.

La réforme que nous vous proposons d’adopter assouplit le calendrier d’inscription sur les listes électorales grâce à la suppression de la période annuelle d’inscription et de révision : tout électeur aura la possibilité de s’inscrire jusqu’à trente jours avant un scrutin. Nous avons en effet constaté, dans le cadre de notre mission d’information, l’effet déterminant du calendrier d’inscription sur les phénomènes de non-inscription et de mal-inscription. Cette mesure de simplification permettra une meilleure adaptation du calendrier d’inscription au rythme électoral et à la mobilité résidentielle et professionnelle des électeurs. Nous avons veillé par ailleurs à ce que ce nouveau calendrier permette un examen des différents recours, hors cassation, avant chaque scrutin.

Un répertoire électoral unique, tenu par l’Institut national de la statistique et des études économiques – l’INSEE –, sera créé, avec pour seule finalité la gestion du processus électoral. Les listes électorales communales en seront extraites, ce qui permettra de les rendre plus fiables en garantissant l’unicité de l’inscription.

Les personnes ayant acquis la nationalité française seront inscrites d’office, comme c’est déjà le cas aujourd’hui pour les jeunes majeurs.

Les jeunes atteignant l’âge de 18 ans entre les deux tours pourront participer au second tour d’un scrutin.

La proposition de loi organique rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales des Français établis hors de France transpose la réforme aux listes consulaires. Elle organise la fin de la double inscription pour les Français établis hors de France, afin de remédier aux difficultés relevées par le Conseil constitutionnel lors des élections présidentielles de 2007 et de 2012. Une procédure d’urgence avait en effet dû être mise en place afin de permettre à de nombreux électeurs, affirmant être indûment inscrits comme « votant à l’étranger », de voter en France.

Enfin, nous proposons que la réforme entre en vigueur au plus tard le 31 décembre 2018, ce qui permettra de mener une opération de mise en cohérence des listes communales et du fichier général des électeurs tenu par l’INSEE. Pendant cette opération, les listes électorales existantes resteront bien entendu disponibles afin de permettre à tout moment l’organisation d’élections.

L’initialisation du répertoire électoral unique représente un important chantier technique et administratif, un projet quasi « industriel », ainsi qu’il a pu être qualifié lors des débats du Conseil d’État. Je salue le fait qu’un chef de projet ait d’ores et déjà été désigné pour coordonner la mise en oeuvre du nouveau système, qui nécessitera un important travail de formation des agents communaux.

La commission des lois a adopté des amendements sur plusieurs des points que j’ai évoqués.

Elle a souhaité que les modalités de constitution et de fonctionnement du répertoire électoral unique soient définies par décret en Conseil d’État, de même que les informations, autres que celles énumérées dans la loi, nécessaires à son bon fonctionnement. Cela permettra l’éventuelle extension du répertoire à d’autres usages, comme le développement d’un « compte électoral personnalisé » permettant aux électeurs d’accéder aux données les concernant et de demander leur mise à jour.

Une disposition transitoire pour la première année d’application de la réforme a été prévue : le délai d’inscription sera fixé à quarante-cinq jours environ au lieu de trente jours, afin de remédier à d’éventuelles difficultés dans la mise en oeuvre du nouveau système.

Mes chers collègues, je vous invite à voter ces trois propositions de loi, qui ont été élaborées dans un esprit transpartisan. Au-delà de l’objectif évident de simplification et de modernisation, la réforme des modalités d’inscription sur les listes électorales contribuera à renforcer la participation citoyenne aux élections, indispensable au fonctionnement de notre démocratie.

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