Intervention de Bernard Cazeneuve

Séance en hémicycle du 31 mai 2016 à 15h00
Rénovation des modalités d'inscription sur les listes électorales — Présentation commune

Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, les trois textes, sur lesquels vous êtes appelés à vous prononcer aujourd’hui à l’initiative d’Élisabeth Pochon et de Jean-Luc Warsmann portent une réforme ambitieuse et moderne de l’accès au suffrage et de la construction des listes électorales.

Il y a quelques mois, dans ce même hémicycle, j’indiquais déjà à quel point le Gouvernement était soucieux de réformer en profondeur les listes électorales. Votre assemblée était alors réunie pour examiner un texte permettant de rouvrir de façon exceptionnelle, jusqu’au 30 septembre 2015, l’inscription sur ces listes afin de mettre le plus grand nombre possible de Français en situation de participer au scrutin régional des 6 et 13 décembre. Cette réforme, adoptée ici même le 13 juillet dernier, a connu, nous le savons, un franc succès puisque près d’un million de Français en ont bénéficié.

J’avais alors indiqué qu’il ne s’agissait que d’une première étape vers une réforme structurelle de plus grande ampleur. À l’origine de ces réformes, il y a, je veux le souligner, d’une part l’engagement du Président de la République en faveur d’une modernisation de l’accès au scrutin, grâce en particulier à la possibilité pour nos concitoyens de s’inscrire sur les listes électorales jusqu’à trente jours avant un scrutin, et d’autre part le rapport des députés Élisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann, remis en décembre 2014, dont je salue la qualité et qui a constitué la préfiguration des dispositions législatives que nous examinons aujourd’hui.

Ce rapport évalue à 3 millions le nombre d’électeurs non-inscrits et à 6,5 millions celui des électeurs mal inscrits. Ces chiffres éloquents suffisent à montrer la nécessité de moderniser notre système de gestion des listes électorales.

La majeure partie des préconisations du rapport, dont les plus ambitieuses, sont reprises par les propositions de loi aujourd’hui soumises à votre examen. J’ai souhaité que mes services se mettent à la disposition des parlementaires pour l’élaboration de ces textes et nous entretenons, depuis plus d’un an maintenant, des échanges réguliers qui nous ont permis d’aboutir.

Ainsi, le Gouvernement a missionné au printemps 2015 ses meilleures inspections générales – celle des finances, celle de l’administration, celle de l’INSEE et celle des affaires étrangères – afin de préciser les modalités concrètes de mise en oeuvre de la réforme. Elles ont défini les contours du répertoire électoral unique, innovation au coeur des textes qui vous sont présentés. Avec Élisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann, nous avons cherché à en mesurer les implications pratiques pour les maires, acteurs centraux du processus électoral, dont la compétence dans ce champ s’exerce au nom de l’État. Nous avons également cherché à adopter le point de vue de l’électeur, à qui cette réforme doit bien entendu bénéficier.

Les rapporteurs ont conduit de très nombreuses auditions pour affiner le dispositif afin de le rendre plus accessible aux citoyens et de le faire correspondre au mieux à ce que sont leurs pratiques.

Enfin, j’y insiste, cette réforme a vocation à servir l’intérêt général. Très symboliquement, elle est portée de façon bipartisane par deux députés que je veux remercier pour l’immense travail accompli ces derniers mois : ils ont toute ma gratitude et ma reconnaissance et je me réjouis de l’esprit qui a présidé à l’élaboration de ces textes.

Mesdames et messieurs les députés, les trois propositions de loi en discussion contiennent de nombreuses mesures. La plus emblématique d’entre elles est sans doute celle qui permettra à nos concitoyens de s’inscrire sur une liste électorale jusqu’à trente jours avant un scrutin. Ce rapprochement entre la date butoir d’inscription et le jour du scrutin permettra d’établir des listes électorales plus représentatives. Cette disposition permettra surtout à nos concitoyens de mieux faire coïncider le cycle de mobilisation électorale et le calendrier des démarches administratives nécessaires pour accéder au scrutin.

Deux autres dispositions m’apparaissent centrales en ce que, au-delà même de la modernisation des listes électorales, elles favoriseront l’acte d’inscription sur ces listes : l’inscription d’office des personnes venant d’acquérir la nationalité française et celle des jeunes atteignant la majorité entre deux tours d’un scrutin. L’accès à la nationalité doit en effet s’accompagner d’un plein accès à la citoyenneté ; il n’existe par ailleurs aucune raison de priver des jeunes majeurs du droit de participer à une élection. Vous le voyez, mesdames et messieurs les députés, la motivation fondamentale de cette réforme est d’assouplir les conditions d’accès au scrutin.

Cette réforme exige en parallèle de revoir en profondeur le processus d’élaboration et de mise à jour des listes électorales. Le temps est au coeur du processus d’inscription. Or nous avons désormais l’opportunité de tirer tous les bénéfices des nouvelles technologies. C’est pourquoi l’innovation majeure introduite par ces propositions de loi est la dématérialisation complète des échanges d’informations entre les communes et l’Institut national des études et de la statistique. Une telle dématérialisation est en effet indispensable pour permettre les inscriptions jusqu’à trente jours avant le scrutin : sans elle les nécessaires flux de documents sous format papier entre les communes, puis des communes à l’INSEE ne permettraient pas de respecter ces délais ambitieux.

La dématérialisation et la création du répertoire électoral unique permettront de traiter le problème des doubles inscriptions, autre dysfonctionnement majeur mis en évidence par le rapport des députés Élisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann. En effet, le système informatique que nous construirons pour agréger les listes électorales permettra de recouper les listes communales entre elles et, par conséquent, de simplifier des vérifications aujourd’hui complexes pour les communes.

De surcroît, cette réforme est positive par son postulat : remettre le maire au coeur du dispositif. Elle s’accompagne en effet d’une nouvelle distribution des compétences : ce sont désormais les maires, et non plus des commissions administratives, qui seront compétents pour procéder aux inscriptions et aux radiations des listes électorales ; ce sont leurs décisions qui alimenteront directement le répertoire électoral unique tenu par l’INSEE. Ils restent maîtres de leur liste communale, laquelle sera extraite du répertoire.

Enfin ces propositions de loi traitent d’un sujet qui fut à l’origine de nombreuses difficultés lors de précédents scrutins, notamment présidentiels : celui de la double inscription des Français établis hors de France qui peuvent, vous le savez, être inscrits à la fois sur une liste électorale consulaire et sur une liste électorale communale.

Si la double inscription a pu paraître nécessaire pour des raisons pratiques, l’évolution du droit électoral en faveur de cette catégorie d’électeurs a fait perdre toute légitimité à ce système totalement dérogatoire. En effet, depuis la création des mandats de députés des Français de l’étranger en 2009, les Français inscrits uniquement sur une liste électorale consulaire disposent d’une représentation parlementaire complète. Auparavant il fallait, pour exercer son droit de vote lors des élections législatives, être inscrit en France, ce qui justifiait la possibilité d’être inscrit sur deux listes distinctes. Avec la création des sièges de députés élus par les Français établis hors de France et la possibilité pour ceux-ci de voter lors des élections européennes, la double inscription semble perdre de sa pertinence.

Par ailleurs, l’extrême complexité des règles ou leur mauvaise compréhension – lesquelles conduisent à devoir préciser pour chaque scrutin si les intéressés sont autorisés à voter en France ou à l’étranger – ont été sources de difficultés, de nombreux électeurs étant persuadés qu’ils avaient le droit de voter à un endroit alors qu’ils auraient dû voter à un autre. Le sujet a été abordé il y a quelques semaines, dans ce même hémicycle, à l’occasion de la discussion de la proposition de loi organique réformant l’élection présidentielle, qui a apporté une première pierre à l’édifice : l’automaticité entre la désinscription du registre des Français de l’étranger et la radiation des listes électorales consulaires. Cette mesure ne règle pas tout, certes, mais elle apporte une réponse à la situation qui nous semblait la plus urgente, celle des Français résidant à l’étranger de bonne foi qui, se désinscrivant du registre, pensaient cette démarche suffisante et se trouvaient dans l’impossibilité d’accéder au suffrage en France.

Il est donc proposé, dans un souci de simplification et de clarté qui ne peut être que bénéfique à la sincérité du scrutin, de revenir sur cette possibilité : chaque électeur devra choisir entre l’inscription sur une liste consulaire ou sur une liste communale. Toutefois, je veux rassurer sur ce point les électeurs inscrits hors de France : ce volet de la réforme ne sera mis en oeuvre qu’après les échéances électorales de 2017,afin notamment de ne pas modifier le corps électoral à un an des échéances législatives.

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