Intervention de Alain Chrétien

Séance en hémicycle du 1er juin 2016 à 15h00
Réforme du système de répression des abus de marché — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Chrétien :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi est une mise en conformité avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Par deux décisions en date du 18 mars 2015, les sages ont demandé au Gouvernement de mettre fin à la double poursuite de l’Autorité des marché financiers et de la justice pénale en matière d’abus de marché. Le principe juridictionnel « Non bis in idem » prévoit en effet que l’on ne puisse pas être poursuivi, jugé et puni deux fois pour les mêmes faits.

Il s’agit donc de réformer le système français de répression des abus de marché en continuant à conjuguer, d’une part, une voie répressive administrative, confiée à l’Autorité des marchés financiers et à sa commission des sanctions, et d’autre part une voie répressive pénale, confiée à l’autorité judiciaire.

Ceci doit permettre de bénéficier des avantages des deux systèmes en cumulant des sanctions administratives rapides et importantes assurant la discipline des marchés et des professionnels, et des sanctions pénales, particulièrement adaptées aux cas les plus graves.

S’agissant de l’article 1er, à l’alinéa 7, le Sénat a prévu une concertation de l’AMF avec le procureur de la République avant toute notification des faits. L’AMF est également en mesure de présenter ses observations si le procureur financier n’est pas autorisé, dans le délai imparti, à mettre en mouvement l’action publique. Cette rédaction nous semble satisfaisante.

À l’article 2, s’agissant de l’impossibilité pour l’AMF de notifier les mêmes faits lorsqu’une action a été mise en mouvement par le procureur de la République, la rédaction semble plus simple avec le renvoi à l’article L. 465-3-6 du code monétaire et financier.

Je regrette néanmoins que l’article 2 ter prévoyant une coopération entre le parquet national financier et l’AMF ait été supprimé. Nous avons, sur ce point, entendu les explications du rapporteur. Le Gouvernement, quant à lui, considère qu’il existe un risque de déséquilibre. Il me semble que ce risque est surestimé puisque le dispositif du Sénat prévoyait un renforcement de la coopération entre le parquet national financier et l’AMF au stade de l’enquête, en instaurant notamment des obligations réciproques d’information. Il ne s’agissait pas de transférer des moyens d’action ou des capacités d’investigation de l’un vers l’autre mais d’un plus grand partage de l’information.

En ce qui concerne l’article 4, la version du Sénat prévoyait une obligation pour l’AMF d’assister à l’audience pénale lorsqu’elle a choisi de ne pas se porter partie civile. L’Assemblée avait préféré une rédaction simplifiée en abrogeant la seconde phrase de l’article L. 621-16-1 du code monétaire et financier. La version finale supprime la présence obligatoire de l’AMF pour la remplacer par une simple faculté.

Quant à l’article 4 bis A, qui prévoyait l’unification, au profit de la cour d’appel de Paris, des ordres de juridiction en cas de recours, sa suppression est regrettable. Il aurait permis d’unifier, devant le juge judiciaire, l’examen des recours formés contre les sanctions prononcées par l’AMF, que ces sanctions concernent un professionnel des marchés financiers ou une personne agissant à titre personnel.

Au total, ce texte permet de transposer la directive de 2014 conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Rappelons que la précédente directive relative aux abus de marché datait de 2003. En outre, ce texte participe à l’harmonisation nécessaire en vue de marchés européens intégrés, tant en matière administrative que pénale, tout en permettant à la législation de s’adapter à des pratiques qui ont évolué, notamment avec le développement du trading algorithmique et des produits dérivés, y compris pour les matières premières.

Ce texte est donc un symbole législatif fort, et c’est la raison pour laquelle nous le voterons. Nous saluons en outre, monsieur le rapporteur, la sérénité dans laquelle se sont déroulés nos travaux et l’investissement de chacun des députés et sénateurs qui y ont participé.

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