Intervention de Philippe Baumel

Séance en hémicycle du 1er juin 2016 à 15h00
Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d'information à grande échelle — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Baumel :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je souhaite à mon tour remercier le Gouvernement d’avoir accepté de débattre de ce projet de loi en séance, nous permettant ainsi d’avoir un échange très concret et pragmatique sur le texte lui-même, sans extrapolation, et sur l’utilité de l’Agence dans un contexte particulièrement sensible et fragile.

Comme mon prédécesseur, bien que d’une façon différente, je souhaite souligner l’importance de cette agence. Il convient toutefois de ne pas trop forcer le trait sur la peur ou les dangers que nous encourons, l’actualité récente ayant montré que nous avons su faire face à un certain nombre de dangers sans avoir à les vivre.

Il faut pour cela renforcer les outils de Schengen. Je crois sincèrement que cette agence nous y aidera. Trop de critiques sur l’espace Schengen, trop de critiques systématiques sur l’Union européenne elle-même conduiraient assurément à cultiver la peur, à provoquer l’inquiétude sur tous les sujets. Il convient au contraire d’apporter, avec un peu de raison, les réponses attendues par les populations de toute l’Union européenne.

Parmi ces réponses figure l’accord qui nous est proposé, relatif au site technique de l’Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, dite Eu-LISA. Cet accord a été signé entre le Gouvernement de la République française et l’Agence le 5 décembre 2013 à Bruxelles.

Comme vous le savez, l’Agence a été créée par le règlement no 10772011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 201l, afin d’assurer la gestion opérationnelle de ces systèmes d’information dans le domaine de la justice et des affaires européennes. Elle exerce les responsabilités qui lui sont confiées depuis le 1er décembre 2012.

Concrètement, cette agence est chargée de la gestion des trois systèmes existant dans ce domaine : le système d’information des visas, le système Eurodac, base de données reprenant les empreintes digitales des demandeurs d’asile, et le système d’information Schengen, dont la deuxième génération, SIS II, est entrée en fonction le 9 avril 2013.

L’accord que nous examinons est, je tiens à le rappeler pour éviter toute polémique excessive, d’abord et avant tout un accord de siège, ce qui limite quelque peu son impact. En effet, signé en 2013, l’accord qui nous est soumis fait du site de Strasbourg le site technique de l’Agence Eu-LISA chargé de la gestion de l’ensemble des systèmes précités.

Le choix de Strasbourg s’imposait de manière naturelle car les systèmes centraux du SIS II et du VIS y étaient préalablement implantés, et ce dans un centre de données appartenant à la France et gérée par elle. Cela renforce tout naturellement la place de Strasbourg au sein des institutions de l’Union européenne et a en outre un impact significatif en termes d’emploi local.

Dans le cadre de la négociation de cet accord, l’Estonie et la France, seules candidates pour accueillir l’Agence, ont trouvé un accord politique utile pour que cette dernière soit finalement implantée sur deux sites complémentaires.

Ainsi, le siège est implanté à Tallinn, en Estonie, où sont effectuées les tâches relevant de la gouvernance, de la stratégie et de la conception des programmes. Le développement technique et la gestion opérationnelle des systèmes actuels et futurs sont quant à eux réalisés à Strasbourg, site technique principal où a été développé, depuis plus de vingt ans, par le ministère de l’intérieur français et pour le compte du Conseil, le SIS de première génération. Enfin, par mesure de sécurité, un site technique de sauvegarde a également été mis en place en Autriche.

L’accord qui nous est soumis précise les conditions d’installation de l’Agence à Strasbourg. Il prévoit notamment la cession par la France d’un terrain adjacent au site existant, afin que les capacités nécessaires à la nouvelle agence puissent y être développées. Précisément, le périmètre du site est défini à l’article 4. Le site comprend des locaux, des bâtiments, les terrains et le parking du site central du système d’information Schengen, déjà occupé par l’Agence, le parking attenant, ainsi qu’un terrain contigu relativement important.

L’accord précise également les privilèges et immunités reconnus à l’Agence ainsi qu’à son personnel. Les immunités sont conformes au protocole no 7 sur les privilèges et immunités de l’Union européenne, et donc tout à fait classiques. L’accord contient également des dispositions relatives à la sécurité du site. Dans le contexte que nous connaissons, et compte tenu de la sensibilité des informations gérées, c’est une disposition que je crois essentielle. S’agissant, enfin, des aspects budgétaires, pour 2016, le budget prévisionnel est de 82,5 millions d’euros, dont 80,3 millions au titre de la subvention de l’Union européenne et 2,24 millions au titre de la contribution financière des pays associés.

En vérité, au-delà de ces dispositions techniques, cet accord est un élément clé du dispositif que nous tentons progressivement de mettre en place pour faire face au risque terroriste. Les systèmes d’information concernés sont indispensables pour garantir la sécurité à l’intérieur de l’espace Schengen et, simultanément, pour renforcer le contrôle efficace des frontières extérieures de l’Union.

La France souhaite, pour des raisons à la fois pratiques et de sécurité, que le SIS soit renseigné et consulté par tous les États membres de manière systématique. Mais il faut bien reconnaître qu’elle est malheureusement l’un des rares pays à utiliser toutes les potentialités du fichier, en partageant notamment avec les autres pays les fameuses fiches S éditées par la Direction générale de la sécurité intérieure. Cet échange doit naturellement se développer avec l’ensemble des pays membres. Il est également urgent, dans le cadre de la crise des migrants, que les pays de première entrée dans l’Union européenne se dotent de moyens de renseigner systématiquement le fichier Eurodac. C’est un enjeu essentiel en matière de traçabilité, de suivi, et donc de sécurité.

Au-delà, cet accord devrait favoriser la mise en oeuvre du projet dit de « frontières intelligentes », permettant d’enregistrer les entrées et les sorties des ressortissants de pays tiers dans l’espace Schengen et d’identifier plus facilement ceux qui y séjournent. Il est clair, et je tiens à le souligner, que cet accord, apparemment technique, est en réalité une réponse politique à ceux qui, il y a encore quelques semaines, prônaient l’abandon de Schengen.

Bien sûr, Schengen a des défauts ; il a même montré parfois ses limites. Il a néanmoins le mérite d’exister, et doit être perfectionné. Il nous faut donc le renforcer, et c’est ce à quoi contribue le projet de loi qui nous est soumis. De quelle manière ? Par un développement des capacités techniques dont Eu-LISA est partie prenante, à travers le programme « Smart Borders » et, à terme, par la gestion d’autres systèmes envisagés au sein du futur PNR européen.

Dans ce contexte, l’installation d’un tel outil, et tout particulièrement de son coeur technique, sur le territoire français, est primordiale. Elle permettra à notre pays de conserver la maîtrise de systèmes d’information dont l’importance est appelée à croître, et même à devenir déterminante dans un proche avenir. Pour toutes ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, à adopter sans réserve ce projet de loi.

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