Intervention de Joël Giraud

Séance en hémicycle du 1er juin 2016 à 15h00
Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d'information à grande échelle — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Giraud :

La suppression des frontières intérieures dans l’espace Schengen a conduit l’Union européenne à instaurer des systèmes informatiques permettant de mettre en oeuvre les politiques de coopération policière, de gestion des frontières, de migration et d’asile. Il s’agit principalement du système d’information Schengen, qui est un fichier de signalement à des fins policières, du système d’information sur les visas, qui rassemble les données liées aux demandes de visa d’entrée dans l’espace Schengen, et du système Eurodac, qui recense les empreintes digitales des demandeurs d’asile. Ces différents systèmes sont composés de bases de données centrales reliées à des bases nationales.

Le système d’information Schengen de première génération a été exploité par la France à Strasbourg pour le compte des autres États membres dès sa création en 1995. En 2006 a été décidé le passage à un SIS de seconde génération. Ce dernier constitue une « frontière électronique dématérialisée », mise en oeuvre à chaque instant depuis environ 500 000 terminaux d’interrogation répartis dans les 29 États connectés. Il contient des informations sur des personnes recherchées et des objets volés ou égarés. Peuvent être signalées des personnes ayant fait l’objet d’une décision de l’autorité judiciaire, de l’autorité de police ou d’une autorité administrative.

Le SIS II se différencie du SIS I en ce qu’il inclut des données biométriques – empreintes digitales et photographies – et des données relatives aux mandats d’arrêt européens. Il contient également de nouvelles catégories d’objets tels que les matériels industriels, embarcations ou aéronefs. Le passage au SIS II a en effet été motivé par l’élargissement de l’Union européenne et par la volonté de développer de nouvelles fonctionnalités. Le système d’information compte 64 millions de signalements de personnes ou d’objets, dont 5 millions émanant de la France. La plupart des signalements concernent des documents signalés volés ou perdus. Y figurent également environ 800 000 personnes recherchées, pour la plupart pour refus d’entrée dans l’espace Schengen, 3 millions de véhicules et plus de 400 000 armes à feu.

Lors du passage au SIS II, en 2006, la Commission européenne a envisagé de gérer directement le système ou d’en confier la gestion à une agence européenne. En 2011, la seconde option a été retenue, avec la création de l’Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice. Cette instance, créée sous la forme d’une agence de régulation dotée de la personnalité juridique, est chargée depuis 2012 de la gestion du SIS II et, depuis 2013, du VIS et d’Eurodac. En matière de protection des données, le contrôle de cette agence, dite Eu-LISA, est réalisé par le contrôleur européen de la protection des données.

La réglementation européenne prévoit en outre que l’Agence peut se voir confier d’autres systèmes d’information à grande échelle, mais uniquement « sur la base d’instruments législatifs pertinents ». Il pourrait s’agir des systèmes actuellement à l’état de projet que sont le système d’entréesortie, le programme d’enregistrement des voyageurs, le programme de surveillance du financement du terrorisme ou encore le PNR européen. Dans cette perspective, l’Agence a d’ores et déjà démarré le projet de réaménagement et d’agrandissement du site de Strasbourg, pour un budget d’environ 22 millions d’euros.

Au cours des négociations relatives à la création de l’agence Eu-LISA, l’Estonie et la France se sont toutes deux portées candidates pour héberger la nouvelle instance. L’Estonie pouvait se prévaloir des conclusions du Conseil européen de décembre 2003, selon lesquelles la priorité devrait être donnée aux nouveaux États membres dans l’attribution du siège de nouvelles agences. La France, de son côté, pouvait faire valoir qu’elle avait déjà développé les capacités nécessaires à l’accueil de la nouvelle agence, puisqu’elle héberge le site central du SIS depuis 1995.

Une solution de compromis a finalement été trouvée, aux termes de laquelle le siège de l’Agence est situé à Tallinn, où sont effectuées les tâches relevant de la gouvernance, de la stratégie et de la conception des programmes, tandis que le développement et la gestion opérationnelle des systèmes sont effectués à Strasbourg. La France a cédé pour un euro symbolique le terrain, les bâtiments et les locaux du site central du SIS à l’agence Eu-LISA, l’Estonie met gratuitement à disposition le site accueillant le siège de l’Agence. Rappelons que quatre autres agences européennes sont déjà implantées en France : l’Office communautaire des variétés végétales à Angers, l’Agence ferroviaire européenne à Valenciennes, et l’Autorité européenne des marchés financiers et l’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne à Paris.

Des négociations entre la France et la Commission européenne pour fixer le contenu de l’accord de site de Strasbourg ont alors été engagées à partir de mai 2012 et se sont poursuivies jusqu’en septembre 2013. L’objet de ces négociations a porté essentiellement sur le statut du personnel de l’Agence, la réglementation de 2011 prévoyant que « le protocole sur les privilèges et immunités de l’Union européenne s’applique à l’Agence ». Des dispositions supplémentaires étaient toutefois nécessaires pour mettre en oeuvre certains articles du protocole et préciser les conditions de la collaboration de la France au fonctionnement de l’Agence. En conséquence, l’accord, signé en décembre 2013, régit le statut juridique de l’Agence et définit les modalités selon lesquelles la France met à sa disposition des locaux et d’autres soutiens et confère à ses personnels des privilèges, immunités et autres avantages.

Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste soutient cet accord parce qu’il renforce les systèmes d’information actuels et futurs au niveau européen, parce qu’il traduit l’engagement de la France dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice, et enfin parce qu’il permet de renforcer encore la dimension européenne de la ville de Strasbourg.

Mais permettez-moi, monsieur le secrétaire d’État, de profiter de cette tribune pour vous dire, en tant que parlementaire frontalier, que des décisions certes éloignées du sujet aujourd’hui évoqué, je pense aux dispositions récemment votées à l’unanimité par le Parlement qui rétablissent l’autorisation de sortie du territoire pour les mineurs, vont poser un problème sérieux dans certains espaces frontaliers.

La sécurité est évidemment une priorité et je comprends très bien que l’Assemblée nationale ait voté unanimement l’amendement présenté par notre collègue Les Républicains Éric Ciotti. Des enfants qui partent faire le djihad, c’est bien sûr choquant. Je doute cependant que ces enfants-là empruntent des circuits « réguliers » et passent par des postes frontières gardés en présentant des papiers.

Nous devons garder à l’esprit que L’Union européenne est aussi une union des citoyens. Or, dans certains territoires frontaliers, ce type de mesure provoquera des dysfonctionnements assez graves. J’habite une région où, quand un élève se rend au lycée agricole de Chambéry, il passe quatre fois une frontière – et les élèves sont évidemment mineurs. J’habite une région…

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