Intervention de François Loncle

Séance en hémicycle du 1er juin 2016 à 15h00
Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d'information à grande échelle — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Loncle :

En tant que dernier intervenant de la discussion générale, vous me permettrez de profiter du débat sur le projet de loi concernant le système d’information Schengen pour exprimer ma conviction visant à inciter les responsables européens et les parlementaires que nous sommes à réformer Schengen.

Rapporteur de la convention de Schengen en 1991, je soulignais, huit ans plus tard, dans un rapport d’étape de la commission des affaires étrangères, les faiblesses mais aussi les potentialités de Schengen. Depuis 1995, l’accord de Schengen a éliminé les frontières intérieures entre 22 États membres de l’Union européenne et quatre pays associés. Couvrant 4 312 000 kilomètres carré et regroupant 420 millions d’habitants, ce vaste espace fut un défi audacieux, dans la mesure où il a entraîné un partage de la souveraineté nationale. En repoussant les contrôles aux frontières extérieures de l’Union européenne, il a été nécessaire en contrepartie d’accroître la collaboration judiciaire et policière, afin de combattre l’immigration illégale et tous les trafics. Mais ce ne fut manifestement pas suffisant pour affronter la crise migratoire de 2015.

Mes chers collègues, comme nous le disions en 1991, l’Union européenne ne peut être « ni une passoire, ni une forteresse ». Comment peut-on surveiller intégralement 14 000 kilomètres de frontières extérieures ? Comment la Grèce peut-elle contrôler 1 600 kilomètres de côtes et 3 000 îles – chère Marietta ? C’est pourtant la mission difficile qui échoit à Frontex. Créée en 2004, cette agence supervise le contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne, tout en luttant contre les filières clandestines et les réseaux de passeurs.

Mais Frontex reste une agence défaillante. Elle souffre de deux maux. D’une part, elle est dotée de ressources matérielles, humaines et financières insuffisantes, compte tenu des tâches immenses qui lui sont confiées, d’autant que ses moyens techniques sont fournis par les États pour une durée limitée. D’autre part, elle est pourvue d’un statut juridique opaque : en tant qu’agence autonome, elle ne dépend pas directement d’une institution européenne ; elle n’est pas non plus soumise au contrôle du Parlement européen ou des assemblées nationales.

Il faut corriger ces deux défauts, en créant un corps européen de gardes-frontières capable de procéder, à la fois, à la surveillance efficace des frontières extérieures, à la vérification de l’authenticité des documents d’identité et à l’enregistrement des personnes entrant sur le territoire européen. À cet effet, il convient d’interconnecter les registres nationaux de criminels et de développer le système d’information Schengen, qui renseigne sur les individus signalés. Dans la même optique, le nouveau fichier européen des données des passagers aériens, le PNR, si long à être voté et mis en oeuvre, s’avère un outil performant, notamment dans la lutte antiterroriste.

Schengen mérite d’être conservé, amélioré, remodelé. La fin de Schengen, ce serait la fin de l’Europe ; en tout cas, son abandon aurait de graves répercussions économiques. D’après l’organisme officiel de prospective France Stratégie, cela entraînerait une baisse de la fréquentation touristique, une contraction du trafic de marchandises, une réduction des investissements étrangers. À terme, les échanges commerciaux de notre pays diminueraient de 11 %. La fondation Bertelsmann confirme que le PIB européen perdrait en une décennie au moins 470 milliards d’euros.

En dépit des dernières crises, Schengen conserve parmi la population une image largement positive. C’est même, juste après la paix, la réalisation concrète la plus appréciée des citoyens européens : 55 % d’entre eux y restent très attachés. C’est pourquoi il convient de maintenir et de renforcer cet acquis essentiel de la construction européenne, pour que s’instaure enfin ce grand espace de liberté, de justice et de sécurité.

En renforçant le système d’information Schengen, en donnant des moyens suffisants à Frontex, en appliquant efficacement le PNR, l’on confortera Schengen et l’on confortera aussi notre Europe.

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