Intervention de Michel Kerling

Réunion du 26 mai 2016 à 9h00
Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Michel Kerling, secrétaire fédéral de la Fédération générale des travailleurs de l'agriculture, de l'alimentation, des tabacs et des services annexes Force ouvrière, FGTA-FO :

Je crois savoir que les autorités religieuses délivrent une carte au sacrificateur, conformément, j'y insiste, à ce qui est prévu dans le cadre réglementaire. Les actes de maltraitance avérés qui ont été rendus publics dans les trois outils mis en cause n'ont pas, à ma connaissance, été commis dans le cadre d'un abattage, ni casher ni halal.

Pendant ma carrière professionnelle, j'ai participé à trois journées portes ouvertes en zone rurale, dans le nord du département de l'Eure. Même si l'on ne s'attarde généralement pas au poste d'abattage les réactions sont très différentes d'une personne à l'autre. Sur dix citoyens, vous aurez dix réactions différentes ; j'ai pu le constater moi-même. Voilà pourquoi il est indispensable d'avoir un cadre réglementaire afin de répondre aux attentes du plus grand nombre.

Dans le grand groupe dont on parle depuis le début de cette audition, une formation d'intégration est organisée. Elle est indispensable. Depuis la désindustrialisation des années quatre-vingt, nous recrutons des salariés venant de tous les horizons professionnels.

Suite à la dernière réforme de la formation professionnelle, les branches de l'industrie agroalimentaire, et plus particulièrement celles de la viande parce qu'elles y ont consacré davantage de moyens, sont en train de faire accepter les certificats de qualification professionnelle et de les faire agréer par le répertoire national des certifications professionnelles. Lorsque les CQP seront inscrits et reconnus par le RNCP, ils auront la même valeur que les diplômes de l'éducation nationale. Aujourd'hui, lorsque vous consommez un steak dans un restaurant, vous ne savez pas nécessairement s'il provient d'une boucherie artisanale ou de la boucherie industrielle. Or ce sont deux façons de travailler la viande, deux métiers différents, mais qui répondent tous les deux aux attentes du consommateur. Et les salariés auront des diplômes qui seront reconnus par le RNCP.

Une petite parenthèse : j'ose espérer, depuis qu'il n'y a plus d'obligation légale sur le plan de formation, qu'il existe encore un plan de formation dans les entreprises, car ce ne sont pas les fonds mutualisés des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) qui permettront de former les salariés…

Madame Alaux, les « pétages de plomb » peuvent être évités grâce à la rotation des postes. Lors de la négociation de l'accord sur la pénibilité, nous avons fait réaliser un audit qui nous a permis de constater que les salariés étaient attachés à trois éléments : la rémunération bien sûr, les conditions de travail, difficiles dans nos métiers, mais également la reconnaissance. Nous ne nous attendions pas à ce que ce troisième élément, qui a été porté à la connaissance des organisations professionnelles et des organisations syndicales au niveau de la branche, fasse autant d'audience.

Ces trois choses vont ensemble. Pour éviter les TMS, il faut faire de la rotation mais aussi de la formation. Quand on change de poste de travail, tout le monde essaie de faire de la pédagogie sans défendre nécessairement les mêmes intérêts même si, au bout du compte, ils sont convergents pour le salarié. Pour notre part, nous essayons de faire en sorte qu'il termine sa carrière en bonne santé, tandis que l'employeur souhaite qu'il soit rentable. Encore faut-il derrière que les diplômes soient assortis d'une rémunération adéquate. Nous y travaillons actuellement au niveau de la branche. La rémunération d'un salarié est fonction du niveau d'études, selon qu'il a le brevet des collèges, le baccalauréat ou un diplôme bac + 5 ; mais pour ce qui est de la reconnaissance professionnelle, on est vraiment dans l'entreprise. Il faut aussi que les entreprises du secteur de la viande voient bien toute la nécessité de la rémunération.

Pour ce qui est du travail sur l'ergonomie, j'ai vu certaines recherches que le grand groupe dont on parle est en train de faire, notamment sur le couteau. Je leur laisserai le soin de développer cela car je ne veux pas trahir de secret. Il y a une réelle volonté de la part de ce groupe de travailler sur la pénibilité. Nous ne croyons pas à une robotisation du métier à l'avenir, mais davantage, au moins dans un premier temps, à une « cobotisation », c'est-à-dire à une aide du salarié par le robot. Bien évidemment, il faudra inclure tout cela dans la formation.

Un mot sur les événements relayés par les médias et qui ont provoqué, et c'est bien normal, le travail que vous faites en tant que parlementaires. On se concentre beaucoup sur ce qui s'est passé, et c'est logique car de tels actes sont inadmissibles. Mais comme l'a dit notre organisation, notre société évolue. Un jour ou l'autre, elle se focalisera sur le poisson par exemple. On se demandera ce qu'il advient de tous ces poissons qui restent dans les filets, on s'interrogera sur la pêche industrielle, etc. Je partage les propos tenus par mon collègue de la CGT à partir de l'exemple de la vigne : le consommateur qui voudra boire un verre de vin se posera des questions sur ce que fait le viticulteur dans la vigne… Actuellement, c'est l'acte d'abattage qui est monté en épingle. Demain, d'autres secteurs d'activité seront touchés.

Enfin, j'ai été interrogé par un média national de la presse écrite qui a consacré cinq pages aux événements qui se sont produits dans les abattoirs, en faisant un procès à charge sans tenir compte de ce que nous avons pu lui dire. Nous regrettons ce procès à charge, dans lequel la défense n'a pas été écoutée.

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