Intervention de Véronique Louwagie

Séance en hémicycle du 6 juin 2016 à 21h30
Transparence lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique - protection des lanceurs d'alerte — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Louwagie :

Suite aux préconisations concernant les groupes de pression du rapport du magistrat Jean-Louis Nadal sur la transparence de la vie publique, il est donc prévu un répertoire numérique des lobbyistes.

Le projet de loi innove également en créant, sur le modèle américain, une agence nationale de détection et de prévention de la corruption destinée à remplacer le Service central de prévention de la corruption __ le SCPC __ et qui ne disposera pas de pouvoir d’enquête mais centralisera et exploitera des informations permettant d’appréhender ce phénomène.

Il convient, néanmoins, de s’assurer que toute nouvelle création d’agence soit effectuée dans une logique d’efficacité et de pragmatisme et d’éviter tout doublon ou concurrence.

Si chacun ici, sur nos bancs, est désireux de renforcer la lutte contre la corruption, cela implique, impérativement et nécessairement, des moyens – tant humains que financiers – supplémentaires.

Aussi la réforme des sanctions des abus de marché passe par un renforcement du rôle de l’AMF pour sanctionner les infractions boursières.

S’agissant du reporting, vous préconisez, à l’article 45 bis, une méthode publique, pays par pays et applicable aux entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 750 millions d’euros.

Outre les questions de confidentialité et de divulgation d’informations stratégiques, qui posent la question de la compétitivité, il aurait été souhaitable de retenir un dispositif communautaire et d’attendre que la directive imposant cette mesure, actuellement en discussion à Bruxelles, ait abouti.

Enfin, ce dispositif risque d’être censuré par le Conseil constitutionnel. En décembre 2015, il avait en effet validé le reporting pays par pays dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2015, mais à condition qu’il ne soit pas rendu public.

Je rappelle ici les propos tenus en décembre dernier par M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget : « Nous pensons qu’il y a quelques risques en matière de compétitivité de nos entreprises ». Il avait également indiqué que 8 000 sociétés étaient concernées.

Ce qui était vrai il y a quelques mois l’est toujours. En outre, nous nous interrogeons quant à l’abaissement de 750 millions d’euros à 50 millions d’euros du seuil pour le reporting entre administrations fiscales.

Par ailleurs, l’article 28 prévoit un dispositif de protection des particuliers victimes d’escroqueries en ligne via des publicités leur promettant des gains financiers rapides et importants. Le fait que les auteurs de ces escroqueries opèrent le plus souvent depuis l’étranger complexifie d’autant les recours judiciaires.

Toutefois, le dispositif proposé soulève certaines difficultés qui peuvent compromettre l’objectif visé : assainir le marché des services d’investissement.

En effet, en interdisant la publicité par voie électronique, ce dispositif porte atteinte à l’activité des opérateurs légaux qui respectent, eux, leurs obligations de transparence et d’information en application tant de la législation existante que du règlement général de l’AMF.

J’ai déposé un amendement visant à imposer aux opérateurs un mécanisme de régulation et à encadrer, de manière stricte, le régime des communications à caractère promotionnel, et ce, au-delà des seules communications par voie électronique.

Si le dispositif prévu par le projet de loi était adopté en l’état, il aurait en effet pour conséquence de compromettre les objectifs qu’il vise : lutter contre la fraude fiscale et le blanchiment d’argent. Des opérateurs légaux peu scrupuleux, y compris ceux qui sont basés en Europe, ainsi que des acteurs illégaux domiciliés dans des pays tiers ne feraient en effet que peu de cas d’une interdiction de publicité.

Au contraire, ils tireraient avantage de cette même interdiction qui ne s’appliquerait qu’aux opérateurs exerçant dans un cadre légal, au titre de leur passeport européen, ce qui faciliterait ainsi l’évasion fiscale, voire le financement d’activités illicites.

Enfin, on peut s’interroger sur la solidité juridique de ce dispositif, tant au niveau français qu’européen, au regard de la proportionnalité d’une telle interdiction visant la publicité en ligne, alors qu’internet est au coeur du modèle économique des prestataires de services d’investissement légaux.

Afin de lever ces difficultés tout en poursuivant l’objectif d’assainissement du marché et de protection des particuliers, je proposerai par cet amendement d’une part d’imposer un mécanisme de régulation aux opérateurs, d’autre part, d’encadrer de manière stricte le régime des communications à caractère promotionnel, et ce, au-delà des seules communications par voie électronique.

Les articles 37 et 39 du projet de loi visent à apporter une certaine souplesse au statut des autoentrepreneurs. Je suis ravie qu’en commission des finances, les arguments militant en défaveur de l’assouplissement, avec un mécanisme de lissage, aient été entendus. Ainsi, le dispositif du lissage pendant deux ans a été exclu du texte qui nous est ici soumis.

Il faut à mon sens garantir un peu de stabilité au régime des autoentrepreneurs. Un certain nombre de dispositifs le concernant ne s’appliquent que depuis peu : je pense à la fusion du régime avec celui du micro-entrepreneur, à l’immatriculation au répertoire des métiers et au registre du commerce, à la généralisation du paiement de la cotisation foncière des entreprises ainsi qu’à l’ouverture obligatoire d’un compte bancaire réservé à l’activité.

Or l’article 39 prévoit la suppression de l’obligation pour les micro-entrepreneurs de détenir un compte bancaire dédié à leur activité professionnelle, alors que cette disposition n’a été adoptée qu’il y a deux ans – via l’article 94 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 – et qu’elle n’est entrée en vigueur que le 1er janvier 2015 !

Un mot de l’exigence de qualification : elle ne constitue aucunement un frein au développement des activités artisanales, mais plutôt une garantie de qualité et de savoir-faire.

Aussi l’article 43 nous inquiète-t-il, tout comme le monde de l’artisanat, car il remet en cause les obligations de qualifications professionnelles applicables aux activités artisanales.

Actuellement, ces qualifications professionnelles sont déterminées en fonction du risque pour la santé et la sécurité des personnes ainsi que de la complexité des métiers.

La réforme proposée peut être préjudiciable tant pour les activités artisanales que pour les consommateurs, d’autant plus que la loi du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, les TPE, dite loi Pinel, avait permis de trouver un équilibre globalement satisfaisant s’agissant de ce dispositif. Pourquoi donc remettre aujourd’hui en cause ce qui fonctionne ?

Quant aux relations entre nos agriculteurs et la grande distribution, dont la place est une exception française, il convient de saisir l’occasion qui nous est donnée pour apporter des solutions concrètes et pragmatiques à l’épineuse et récurrente question des marges.

La contractualisation des produits agricoles vise à inclure dans les contrats une référence à des indicateurs publics de coûts de production en agriculture ainsi qu’à des indices publics des prix des produits agricoles ou alimentaires.

Ce dispositif est finalement proche de celui figurant à l’article 1er de la proposition de loi déposée par notre groupe en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire, qui a été adoptée par le Sénat. Nous l’avions inscrite dans notre journée d’initiative parlementaire du 4 février dernier. Or, rappelons-le, elle a été rejetée par la majorité.

J’ai noté l’amendement du rapporteur de la commission des affaires économiques demandant au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur l’opportunité de favoriser des contrats tripartites et pluriannuels entre les agriculteurs, les transformateurs et les distributeurs.

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