Intervention de Michèle Bonneton

Séance en hémicycle du 31 janvier 2013 à 15h00
Application du principe de précaution aux ondes électromagnétiques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle Bonneton :

Monsieur le président, madame la ministre déléguée, messieurs les présidents de commission, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, je regrette que le texte de ma collègue Laurence Abeille ait été trop allégé lors de son passage en commission.

Les éléments qui y subsistent ne sont cependant pas inintéressants : je pense à l'obligation d'informer les utilisateurs sur le niveau des émissions, à la mise en place de mécanismes simples de désactivation des accès sans fil, à la création de commissions départementales de concertation ou encore à l'information des maires sur l'installation d'antennes-relais. Par une série d'amendements, notre groupe entend néanmoins redonner à cette loi tout ce qui faisait son intérêt : nous poursuivrons notre travail, quoi qu'il arrive.

Ne nous y trompons pas : l'enjeu de cette loi est important. Elle est d'ailleurs très attendue par nombre de nos concitoyens, qui risquent, à l'issue de cette soirée, d'être très déçus : c'est un risque grave, que je vous invite à bien mesurer.

Ce projet de loi est en cohérence avec la Constitution. La Charte de l'environnement, qui est intégrée à celle-ci, assure en effet, dans son article 1er, que « chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ». Elle précise, dans son article 5 que « lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. »

Ce principe s'applique justement dans les cas où nous n'avons pas de certitude scientifique absolue. En sciences, c'est du reste de façon tout à fait rationnelle que l'incertitude est appréciée, encadrée, voire mesurée. Ce principe ne relève nullement de peurs irrationnelles, mais de la simple prudence raisonnable, par opposition à l'attitude de l'apprenti sorcier. Il appelle une prévention par précaution, un contrôle en amont, et non pas a posteriori. Si nous l'avions appliqué, nous aurions évité un certain nombre de vrais scandales sanitaires, comme ceux de l'amiante, de la vache folle ou encore de l'empoisonnement au mercure industriel – et cette liste n'est pas exhaustive.

Le Parlement européen a d'ailleurs adopté en 2008 une résolution, qui a été réitérée en 2009, pour rappeler que les normes régissant les ondes électromagnétiques, qui dataient d'une dizaine d'années, étaient dépassées. L'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a émis le même avis en 2011, sur les bases des conclusions du rapport BioInitiative de 2007 ; celui de 2012, qui synthétisait 1 800 études, a confirmé la nocivité de ces ondes. L'Organisation mondiale de la santé a, quant à elle, classé ces ondes comme potentiellement cancérogènes en 2009, de même que le Centre national de recherche contre le cancer.

Sur ces bases, nous pouvons dire qu'en France, les seuils maximums réglementaires, situés entre 41 et 61 volts par mètre, sont obsolètes. Les expertises internationales proposent de fixer le niveau des émissions auxquelles nous sommes exposées à 0,6 volt par mètre : une telle adaptation ne présente pas de problème technique, mais suppose, il est vrai, des investissements complémentaires pour installer davantage d'antennes moins puissantes, ce qui ne pourrait être que favorable à l'emploi. Il ne faudrait pas qu'une fois de plus, la rentabilité et les profits immédiats passent avant la santé à moyen terme, d'autant plus que les opérateurs font de confortables profits, contrairement à ce qu'ils prétendent.

Nous avons ainsi déposé, à l'article 1er, des amendements qui suggèrent des solutions concrètes pour réduire l'exposition aux ondes électromagnétiques : nous proposons par exemple d'imposer le filaire dans les crèches, les écoles maternelles et, si possible, dans les écoles primaires. De très nombreuses études démontrent clairement la sensibilité particulière des jeunes, et particulièrement des très jeunes enfants, aux effets des ondes électromagnétiques. À l'école maternelle, les enfants ont davantage besoin, selon nous, de vivre dans un environnement sain, que d'avoir des connexions internet.

Précisons que le 27 mai 2011, le Conseil de l'Europe a adopté une résolution recommandant les connexions internet filaires dans les écoles et la création de zones libres de rayonnement, afin de protéger les personnes électrosensibles. Il convient, en effet, que l'électrohypersensibilité soit reconnue comme une maladie. Nous souhaitons aussi que les établissements qui reçoivent du public informent, par voie d'affichage, ceux qui les fréquentent, ainsi que les riverains, qui doivent être informés de l'existence des antennes relais.

Pour compléter ce dispositif, une étude préalable au déploiement de la 4G est indispensable : elle permettrait d'écarter les difficultés et les contestations à venir.

Pour conclure, j'invite la représentation nationale à redonner à ce texte toute sa portée et, bien entendu, à accepter de l'examiner. Son adoption serait tout à fait cohérente avec celle du texte que nous venons d'examiner sur les lanceurs d'alerte. Tout renvoi à plus tard présenterait un risque de santé publique. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et RRDP.)

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