Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 29 janvier 2013 à 16h15
Commission des affaires économiques

Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur :

Ma démarche vise à favoriser l'internationalisation de nos entreprises : comment faire plus et mieux ?

Les trois paramètres qui assurent la cohérence de la politique économique du Gouvernement sont les suivants : le désendettement compétitif, conduit par M. Pierre Moscovici ; le pacte de compétitivité, présenté par le Premier ministre au mois de novembre, et l'accord sur la réforme du marché du travail, conclu par les organisations syndicales et patronales et qui sera bientôt inscrit dans la loi. Cette politique économique a évidemment besoin de temps pour porter des fruits, d'autant que les prévisions de croissance de la zone euro ne sont pas bonnes. Or la zone euro représente 50 % de l'export français et l'Union européenne dans son ensemble 60 %. Il est donc nécessaire de trouver à court terme des relais de croissance. Le FMI prévoit, pour 2013, une croissance mondiale de quelque 3,5 % ; la Chine pourrait renouer avec une croissance de 8 % et l'Afrique avec une croissance de 5 % – il faut toutefois savoir que la croissance africaine, inégalement répartie, est essentiellement le fait de cinq pays.

Le Premier ministre m'a assigné pour objectif le retour à l'équilibre de la balance commerciale, hors énergie, d'ici à la fin du quinquennat. Il faut donc gagner 26 milliards, grâce à l'accroissement de nos exportations, et non en raison de la diminution de nos importations comme c'est le cas en période de récession.

Il convient, premièrement, de disposer d'une bonne organisation territoriale : c'est la première priorité de mon action. J'ai déjà effectué onze déplacements régionaux – j'étais hier encore en PACA. Auparavant, j'ai réuni en septembre 2012 les présidents de région – la région ayant la compétence du développement économique et de l'innovation. Nous avons pris ensemble l'engagement de faire des régions les pilotes de l'export. Je devrais signer les premiers plans régionaux d'internationalisation des entreprises en mars 2013, notamment avec les Pays-de-la-Loire et la Bretagne. L'Acte III de la décentralisation devrait, par ailleurs, renforcer la compétence économique des régions. Celles-ci ont toute leur place dans l'organisation territoriale qui se déploiera autour de la Banque publique d'investissement (BPI), laquelle tiendra son premier conseil d'administration le 21 février en Bourgogne. Dès que la Commission européenne aura donné son imprimatur et que nous aurons réglé les relations entre la Caisse des dépôts et l'État sur la question de la valorisation, les régions pourront se positionner autour de cet acteur majeur qu'est la BPI avec leurs partenaires, les chambres de commerce et d'industrie, qui sont désormais régionalisées.

Je me suis en effet beaucoup battue cet été pour doter la BPI d'un volet international. Je compte sur elle pour distribuer les financements et la garantie COFACE. Elle disposera de développeurs à l'international, issus d'Ubifrance – une trentaine dès l'année 2013. Elle distribuera également les services d'Ubifrance qui accompagnent les PME à l'étranger.

Je n'ai toutefois pas attendu la mise en place de la BPI pour réformer les procédures en matière de financements. J'ai déjà commencé à le faire dans le cadre de la loi de finances rectificative de la fin de l'année 2012. Il suffit néanmoins d'aller sur le site d'OSEO pour s'apercevoir qu'il est encore bien difficile pour nos entreprises de s'y retrouver, et elles s'en plaignent. Notre offre commerciale à l'international est, d'une façon générale, encore trop compliquée à comprendre. Il convient à la fois de diminuer et de rationaliser les offres de crédit. Trop de produits se font concurrence : il serait préférable d'en avoir moins, mais qui correspondent à la demande des entreprises. De plus, il convient de bien sélectionner les entreprises : toutes ne sont pas aptes à faire de l'export.

Déterminer l'évolution de la demande internationale pour les dix prochaines années est ma deuxième priorité. Il faut savoir que la demande mondiale est portée à 80 % par quarante-sept pays en croissance. Leurs classes moyennes, qui connaissent un fort développement, souhaitent profiter d'une offre commerciale dans quatre secteurs prioritaires : « mieux se nourrir », « mieux vivre en ville », « mieux communiquer » (nouvelles technologies de la communication et de l'information) et « mieux se soigner » (économie du bien-être). Telles seront les exigences des consommateurs dans le monde en 2020. Les entreprises françaises, qui ne se sont pas bien insérées à la fin des années 1990 dans la première phase de la mondialisation, sont aujourd'hui bien placées pour profiter de l'évolution du marché. Elles disposent en effet de produits performants et de qualité dans des secteurs où le prix n'est pas le critère exclusif du choix. À l'export, le couple qualité-prix est essentiel.

Accompagner les entreprises au-devant de la demande mondiale, sans toutefois négliger le marché européen, qui représente une haute valeur ajoutée, est ma troisième priorité. Il convient à cette fin d'organiser les filières en familles horizontales. En effet, alors que le travail de M. Montebourg, ministre du redressement productif, vise à fédérer les filières sur le plan vertical, mon action, qui s'inscrit davantage dans le court terme, tend à regrouper l'offre commerciale de manière transversale. J'ai ainsi lancé, avec Guillaume Garot, le comité export Asie du Nord de l'agroalimentaire, qui regroupe toute la famille agroalimentaire, de la génétique aux produits transformés – « du champ à l'assiette », concept très opérationnel en Chine qui absorbera, d'ici à 2022, le tiers de la croissance du commerce agroalimentaire mondial, à savoir 30 milliards sur 100 milliards. Nous devons donc absolument être présents.

Ce comité est présidé par un chef d'entreprise – c'est une première –, à savoir le vice-président de Lactalis. Cette démarche horizontale permet de regrouper les petites entreprises comme les grands groupes, les jeunes pousses comme les entreprises en croissance ou les ETI, lesquelles nous font cruellement défaut. Au Salon Pollutec de Lyon, fin novembre, j'ai proposé aux entreprises qui peuvent se regrouper dans la famille « Ville durable » – transports collectifs, éco-industries, déchets, eau, efficacité énergétique – de travailler ensemble. Cela correspond à une demande internationale, tant turque que chinoise – c'est un des enjeux du douzième plan chinois.

Je tiens à rappeler que le FASEP (Fonds d'étude et d'aide au secteur privé) est un fonds destiné à la conception des projets : si la conception d'un projet est française, la technologie et le savoir-faire français ont effet le plus de chances de prendre le relais. Le Gouvernement s'est engagé, lors de la conférence environnementale du mois de septembre, à ce qu'il y ait au moins un démonstrateur de la ville durable en France ; 2,5 milliards d'euros du grand emprunt commencent à y être affectés. J'ai d'ailleurs découvert que la ville de Lyon accueillera un démonstrateur japonais : c'est dommage, car l'offre française est bien meilleure que celle de ses concurrents, mais les Japonais ont un temps d'avance dans l'opérationnel.

De même, en matière de sécurité numérique, la compétence française est extraordinaire. Elle est bien supérieure à la compétence allemande, notamment dans le domaine de l'intelligence embarquée. Je m'appuie beaucoup sur les pôles de compétitivité, car c'est une offre groupée territoriale qui peut se projeter à l'étranger. Chacun de mes déplacements est consacré à une famille économique.

Le commerce extérieur français en 2011 – j'aurai les chiffres de 2012 le 7 février prochain – représente 430 milliards d'euros, dont 30 milliards pour les grands contrats. S'agissant du nucléaire (lequel fait partie des grands contrats, notamment avec l'aéronautique), je me suis déjà rendue non seulement en Chine, sur le chantier de l'EPR de Taishan, qui sera achevé en 2014, et en Turquie, mais aussi en Arabie Saoudite et en Pologne. Je me rendrai prochainement en Inde avec le Président de la République. Mais les grands contrats et le commerce courant, cela va ensemble.

Ubifrance a été chargée d'accompagner mille PME et ETI dans le cadre du pacte national de compétitivité pour une période de trois ans. Il faut en effet savoir que sur dix entreprises qui exportent en année N, il n'en reste plus que trois en année N +3.

Les pays émergents exigent désormais des partenariats industriels. Nos entreprises doivent donc s'internationaliser autant qu'elles exportent en trouvant des partenaires locaux et parfois en s'implantant pour être au plus près du marché. Elles doivent développer des partenariats stratégiques de long terme, ce qui n'est pas contradictoire avec leur activité en France : l'installation d'une entreprise française à l'étranger rejaillit sur son activité nationale, ce qui se traduit en termes d'emploi. Certes, il convient d'accompagner les relocalisations, mais ce sont les entreprises elles-mêmes qui font leurs arbitrages économiques.

Reste la question des transferts de compétence (savoir-faire et technologies). Il faut les maîtriser et les encadrer, notamment dans le domaine nucléaire, qui est hautement stratégique.

Ma quatrième priorité est l'attractivité. Les entreprises étrangères implantées en France représentent deux millions de salariés et 42 % de nos exportations. En tant que centre de production industrielle, la France est le pays européen le plus attractif, mais elle est concurrencée par l'Allemagne et le Royaume-Uni. Nous devons donc garder notre première place. C'est pourquoi Arnaud Montebourg, Pierre Moscovici et moi-même avons présenté au conseil des ministres du 9 janvier un plan visant à mieux accueillir les investisseurs, les étudiants et les chercheurs étrangers avec la mise en place d'un « passeport Talent ». En effet, si l'on accueille bien ces personnes en France, nous serons à notre tour mieux accueillis dans le pays où nous cherchons à faire un volume d'affaires.

Il faut également augmenter le nombre des volontaires internationaux en entreprises (VIE). Ubifrance s'occupe de leur sélection et les contrats sont portés par les régions comme par les grandes entreprises. Eurocopter a ainsi signé quarante-cinq contrats en 2012 et portera ce chiffre à soixante-cinq en 2013. Parfois, les grandes entreprises portent de tels contrats pour les plus petites de leurs filières. Chaque année, 47 000 demandes parviennent à Ubifrance qui en sélectionne 7 400. Le pacte de compétitivité prévoit de porter ce chiffre à 9 000 dans trois ans.

Il convient évidemment d'aplanir les obstacles au départ de ces jeunes, en termes de sécurité sociale et de complémentaire santé – j'ai alerté Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, et Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur le sujet –, sans oublier de lever les barrières douanières, notamment chinoises et brésiliennes – il appartient à nos ambassades de s'en occuper.

Ma cinquième et dernière priorité concerne la politique commerciale de l'Union européenne, notamment en termes de réciprocité, un concept qui n'est pas universellement partagé. L'ouverture des marchés européens à des pays tiers doit être réciproque. Nos alliés sont différents selon les secteurs. Pour la première fois, la France a obtenu que le mandat de négociation de la Commission européenne avec le Japon sur la baisse des droits de douane comprenne une clause de réciprocité. Quant aux barrières non tarifaires, les progrès existent également. Ainsi le Japon a-t-il décidé hier d'ouvrir de nouveau son marché à notre viande bovine, laquelle était interdite sur son sol depuis la crise de la vache folle. J'en attends autant s'agissant du secteur ferroviaire car le marché public japonais est très verrouillé, à la différence du secteur européen. Le dernier contrat signé avec le Japon par un groupe européen, en l'occurrence Siemens, date de 1999. Deux entreprises européennes sont actuellement sélectionnées. Je mène le combat pour la réciprocité en parcourant les capitales européennes. J'irai bientôt à Copenhague et retournerai prochainement à Berlin ; les Allemands sont les plus réticents au concept de réciprocité par peur des représailles.

Par ailleurs, des négociations importantes s'ouvriront bientôt avec les États-Unis, notamment en matière d'exception culturelle, d'indications géographiques ou de propriété intellectuelle, tous domaines où nos positions leur sont incompréhensibles. Je rappellerai que l'Europe est le premier marché mondial, suivi des États-Unis. S'il aboutit, cet accord, négocié par la Commission européenne, structurera le commerce mondial – d'où mon travail auprès de ladite Commission !

Ma conviction est que la France peut et doit trouver sa place dans la mondialisation. Elle le peut, car elle en a les potentialités, et elle le doit, car c'est nécessaire au retour de la croissance. En 2012, le commerce extérieur a contribué à la croissance à hauteur de 0,6 point.

Le Gouvernement est mobilisé dans son ensemble pour relever l'économie française. Ma partition est de porter nos entreprises à l'international et de les aider à y gagner toute leur place. Je m'y emploie.

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