Intervention de Sophie Nizard

Réunion du 1er juin 2016 à 16h30
Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Sophie Nizard, chercheuse en sociologie et en anthropologie du judaïsme, associée au CéSor, Centre d'études en sciences sociales du religieux-CNRS-EHESS :

Les rapports de l'ANSES et de l'INRA indiquent que la réglementation impose pour un bovin une durée minimale de 45 secondes dans le piège rotatif pour s'assurer de la perte de conscience de l'animal, mais j'ai également trouvé dans ces rapports une durée moyenne de 19,5 secondes. Laisser l'animal pendant 45 secondes sur la zone d'affalage permet sans doute de s'assurer de l'inconscience totale de la bête avant sa suspension. Quoi qu'il en soit, j'ai l'impression que les études sont souvent faites en laboratoires, et non dans les abattoirs. Je suis donc incapable de répondre à cette question.

À ma connaissance, aucun pays ne pratique un étourdissement pré-saignée en abattage casher. Pour savoir si cela pourrait être pratiqué en France, il faudrait poser la question à des rabbins. D'après ce que je sais des normes religieuses en matière d'abattage, cela n'est pas possible. Pour l'étourdissement post-jugulation, là encore, ce n'est pas à moi de répondre, mais on peut imaginer que ce soit possible, car je sais que des débats rabbiniques au plus haut niveau ont lieu actuellement sur la souffrance animale. Ainsi, le gavage des oies est interdit depuis sept ou huit ans en Israël, et du coup de la production de foie gras, alors que ce pays figurait parmi les trois premiers producteurs mondiaux de foie gras. Cette interdiction a été obtenue grâce aux associations de défense des animaux, qui sont extrêmement actives en Israël. Des réflexions ont donc lieu sur la souffrance animale, y compris à l'appui d'arguments religieux avancés par les militants d'associations.

S'agissant de la formation des chokhatim, des sacrificateurs casher, un traité entier du Talmud est consacré à la nourriture casher, à l'abattage et au rapport à l'animal au moment de l'abattage. Le temps théorique d'apprentissage des textes est relativement long ; en général, les étudiants passent par la yechivah, c'est-à-dire une académie rabbinique. Un sacrificateur français de volailles, avec lequel j'ai discuté, m'a expliqué qu'il avait étudié plusieurs années en yechivah en Israël pour acquérir cette connaissance théorique, avant d'accompagner pendant six mois un chokhet sur les lieux d'abattage, pour enfin obtenir son diplôme par l'académie talmudique. À ma connaissance, il n'y a plus de formation pratique en France, peut-être en raison de la perte de vocation ou du manque de maîtres. À l'époque où elle existait, Emmanuel Chouchena était à la fois Grand Rabbin et chokhet, donc maître ; aujourd'hui, plus personne ne peut former des étudiants à la chekhita en France. Selon la tradition juive, le sacrificateur dépend toujours de quelqu'un pour « vérifier le couteau » : c'est l'expression consacrée pour dire que l'on dépend toujours d'un maître.

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