Intervention de Anne-Marie Brisebarre

Réunion du 1er juin 2016 à 16h30
Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Anne-Marie Brisebarre, directrice de recherche émérite au Centre national de la recherche scientifique, CNRS, membre du Laboratoire d'anthropologie sociale du Collège de France :

Les opérateurs en abattoir halal ne sont pas des personnages religieux : tout homme adulte, croyant et sain d'esprit peut pratiquer le sacrifice et l'abattage rituel halal. Dans les abattoirs où je me suis rendue, il y avait un sacrificateur habilité, c'est-à-dire envoyé par une mosquée, mais qui devait avoir passé un test auprès des services vétérinaires. Quand il fallait organiser des abattoirs temporaires pour l'Aïd el-Kébir, comme il fallait plus d'opérateurs et que la plupart de ceux opérant en abattoir étaient déjà occupés, les associations musulmanes ou les mosquées déléguaient des gens qui passaient aussi un test et qui recevaient un certificat pour la journée. Sans parler de formation, il y a donc une certification religieuse délivrée par une des trois grandes mosquées et une vérification des services vétérinaires pour les aspects techniques. Si problème il devait y avoir, cela relèverait donc plutôt des services de contrôle de l'État, non de la mosquée. J'avais également constaté dans certains abattoirs que lorsque le sacrificateur attitré était occupé, un autre salarié sur la chaîne, lui-même musulman, prenait le couteau.

Le savoir que détenaient les pères de famille musulmans pour le sacrifice de l'Aïd el-Kébir est désormais très peu partagé. Aujourd'hui, les pères de famille ne savent plus sacrifier. Dans les villes, et même au Maghreb, en Mauritanie et Sénégal où j'ai travaillé, 50 % au moins des sacrifices de l'Aïd sont réalisés par des bouchers. Par conséquent, la formation technique des opérateurs en abattoir en France ne peut relever que de l'État : c'est à lui de s'en assurer.

À propos des connaissances sur la nociception, j'ai une expérience un peu particulière. En 1980, j'ai regardé l'émission « SOS animaux de boucherie » de Brigitte Bardot, dans laquelle un vétérinaire disait « regardez cette pauvre bête comme elle souffre » en commentant des images sur l'abattage rituel de bovins casher. Mais le vétérinaire qui regardait l'émission avec moi m'a dit : « pas du tout, ce sont des réflexes, et non des signes de souffrance. » Lequel des deux avait raison ? Je l'ignore. En tout cas, même entre vétérinaires, les avis sont partagés selon qu'ils se positionnent au travers d'une association de protection animale ou de certaines représentations, ou qu'ils sont détachés…

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