Intervention de Jean-Pierre Door

Réunion du 7 juin 2016 à 16h15
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Door, rapporteur :

Il y a bien deux visions de la médecine : la vision socialiste, administrée, et la vision libérale. Nous n'avons pourtant pas voulu chercher une opposition frontale et systématique, mais au contraire tenté d'adopter une attitude constructive en avançant des propositions. Elles sont certes en nombre assez restreint, mais cela est dû à la nature de l'examen en ordre du jour réservé, dit « niche parlementaire », qui est extrêmement contraignant quant à la durée des débats, ne permettant l'examen que de textes de huit à dix articles tout au plus. Cela peut sembler peu par rapport aux quelque 200 articles de la dernière loi relative à la santé...

En tout état de cause, nous nous sommes efforcés de formuler des propositions pour faire évoluer le système de santé. Par exemple, le fait de ne pas appliquer le tiers payant ne sera pas assorti de sanctions pour le médecin ; mais nous voulons aller plus loin et préciser expressément que le tiers payant est facultatif. J'ai moi aussi assisté à l'audition des responsables de la CNAM et des mutuelles, mais elle ne m'a guère rassuré : nous entrons dans une médecine administrée sous tutelle des caisses, bien loin du modèle de la médecine libérale. C'était déjà le cas pour le traitement des maladies chroniques et graves, requérant des soins de longue durée et pris en charge à 100 %. Mais l'extension de cette approche va à l'encontre de la médecine libérale.

Nous regrettons que les établissements privés aient été mis de côté pour l'organisation du service public hospitalier, alors que la loi HPST les laissait intervenir, dans le cadre de contrats, pour remplir des missions de service public. Certains services, tels que SOS mains ou les services de cardiologie interventionnelle, sont plutôt des établissements privés. C'est une erreur de les mettre de côté ! D'autant que, dans mon esprit, ces établissements n'interviendraient qu'à partir du moment où ils auraient signé un cahier des charges ou une convention. Comme l'a dit notre collègue Arnaud Robinet, dans certains endroits de notre territoire, le secteur privé est plus présent que le secteur public.

Quant au fait que 90 % des jeunes préfèrent le salariat, j'ai, pour ma part, rencontré les représentants de l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI) et de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (ADEMF) qui m'ont avoué mal connaître l'exercice libéral de la médecine. Les étudiants sont happés par les chefs de service hospitaliers qui ont besoin d'eux pour faire des heures, mais ils ne savent pas ce qu'est la vraie médecine libérale.

Notre idée est de leur offrir la possibilité de sortir de ce cadre pour qu'ils aillent dans des maisons de santé ou des services ambulatoires afin qu'une prise de conscience puisse s'opérer chez eux. Nous avons, par exemple, pensé aux centres ambulatoires universitaires, dont les médecins seraient leur maître de stage. Dans ces maisons pluridisciplinaires, ils pourraient rester en stage, non quelques semaines ou quelques mois, mais un an ou un an et demi. En travaillant au contact des seniors, ils découvriraient une nouvelle facette du métier et choisiraient peut-être de s'installer en libéral.

Avec nos plateformes communautaires, nous n'allons certes pas plus loin que la loi de santé. Mais nous voulons que l'organisation de ces plateformes vienne du terrain, non qu'elle soit décidée par les ARS. Hier même, je suis allé discuter avec la directrice de l'ARS dont je dépends d'un financement qui m'a été refusé parce que le projet en question n'avait pas été initié par ladite ARS. À force de rencontrer des refus, les médecins sur le terrain, c'est sûr, ne prendront plus d'initiative. Nous voulons aller dans le sens d'une déshospitalisation et d'un recours accru à la médecine ambulatoire, en poussant les choses plus loin que dans la loi Touraine.

M. Liebgott a sorti les résultats de la Commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS). Tant mieux si le déficit se réduit, mais, en lisant attentivement ces résultats, on voit que ce n'est pas sur les soins de ville ni sur l'hôpital qu'a lieu cette réduction ; c'est sur les retraites, grâce à la loi Fillon qui a reporté le départ à soixante-deux ans, sur la famille, depuis la modulation des allocations familiales, et sur l'AT-MP, car il y a eu moins d'accidents de travail – peut-être parce que le chômage est élevé.

Mme Dormont a de bonnes idées, monsieur Sebaoun, mais il y en a d'autres que je n'accepte pas du tout. Elle souligne que le système français laisse peu de place à « la comparaison et à la concurrence, ce qui n'est pas propice à un service de qualité », et elle a raison. Nous demandons plus de concurrence, donc plus d'autonomie. Je suis évidemment, comme vous, contre la coercition.

C'est vrai que la médecine libérale est en panne. Nous cherchons des solutions, vous aussi, mais nous n'allons pas dans la même direction.

M. Bapt a parlé des communautés territoriales. Si elles sont construites par les professionnels de santé sur le terrain, elles peuvent présenter des avantages formidables. Il faut laisser les médecins travailler ensemble plutôt que sous la tutelle parfois trop rigide de l'ARS. Certaines maisons de santé n'ont pas de financement. L'ARS se tourne vers les collectivités et celles-ci refusent les paiements si le projet n'est pas validé par l'ARS.

Nous allons plus loin dans la prévention, car c'est le parent pauvre de la politique sociale, à 4 % de nos dépenses, contre 15 à 20 % dans les pays nordiques ou le Canada. C'est la prévention tout au long de la vie, dès le plus jeune âge, qui permettra de limiter l'explosion des maladies chroniques. C'est là une demande des associations de patients, par exemple des patients du diabète, qui nous parlent trop souvent du manque d'observance, d'arrêts de traitement…

La prévention doit être contractuelle entre le patient et les organismes payeurs. Si quelqu'un ne respecte pas son traitement dans le cadre d'une prise en charge d'affection de longue durée (ALD) à 100 %, il faut qu'une alerte soit possible. Il ne s'agit pas d'interdire, à l'anglaise, les interventions cardiaques à ceux qui continuent de fumer, comme il en a été question un moment, mais nous pouvons envisager des contrats de prévention suivis par les organismes payeurs et le médecin traitant, alors qu'une personne aujourd'hui en ALD y reste toute sa vie même si elle guérit – les critères de sortie n'ont jamais été revus.

En ce qui concerne l'autonomie des hôpitaux, nous croyons à ce qui a été fait avec les universités. Il faut voir si les hôpitaux sont demandeurs. La fédération hospitalière de France n'est pas contre. Nous pourrions expérimenter une extension du statut des établissements de santé privés d'intérêt collectif, à but non lucratif, qui fonctionnent bien : certains de ces établissements marchent même mieux, à Paris, que l'AP-HP.

S'agissant du groupement hospitalier de territoire, l'erreur de la loi a été de définir les périmètres avant le projet médical. Au 1er juillet, le GHT est obligatoire, dans ma circonscription, alors que le projet médical n'est pas encore sur pied. Il faut donner aux équipes le temps de construire ce projet, alors qu'on leur impose, dans certains territoires, un périmètre dont elles ne veulent pas. Le rapport Martineau-Hubert a permis de rectifier la loi en montrant que le projet médical n'était souvent pas assez construit pour pouvoir créer un GHT. Je suis personnellement favorable au GHT, mais à condition que le projet médical soit construit au préalable.

Notre majorité, en son temps, avait souhaité la convergence tarifaire, qui devait être totale en 2018. Cette convergence est aujourd'hui arrêtée mais, quand nous reprendrons les rênes, nous la relancerons. Quant à la tarification à l'activité (T2A), elle a besoin de réforme. Le rapport Véran est favorable à la T2A à condition qu'elle soit modifiée en prévoyant parallèlement d'autres types de subsides, par exemple dans le cadre des MIGAC (missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation), et j'approuve ce point de vue, car les hôpitaux ont des niveaux d'activité différents.

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