Intervention de Marie-Françoise Bechtel

Réunion du 8 juin 2016 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Françoise Bechtel :

La question de société dont nous traitons met en jeu des principes éthiques : aussi, chacun est amené à exercer sa liberté de conscience, et c'est ce qui explique la diversité des positions. L'un d'entre nous a dit que le vrai sujet était le don d'enfant et non pas le don de soi. Je ne le crois pas. En fait, il y a deux sujets : le don de soi, celui du ventre acheté à la mère ; le don d'enfant, qui pose des problèmes délicats en ce qui concerne les droits de l'enfant.

S'agissant du don de soi, la GPA est l'exemple même d'une conception si extensive de la liberté individuelle, caractéristique des sociétés occidentales développées, qu'elle finit, ici comme en d'autres domaines, par rejoindre le libre marché. Sans vouloir être polémiste, je m'étonne de l'illogisme de certains défenseurs de la condition féminine qui sont extrêmement susceptibles vis-à-vis du moindre acte dit sexiste, et qui ne s'offusquent guère devant la marchandisation du ventre féminin. De même, je m'étonne que d'aucuns estiment qu'il faut protéger les prostituées contre elles-mêmes et contre leur tentation de faire commerce de leur corps, sans faire le lien avec le sujet dont nous débattons. N'est-ce pas la même problématique ? Ne faut-il pas protéger des femmes qui vont être tentées de vendre leur corps pour des raisons dans lesquelles la précarité qu'elles subissent peut jouer un rôle ?

En ce qui me concerne, je ne suis pas choquée par les articles 1er et 2 de la proposition de loi présentée par Mme Boyer, sous réserve, lorsque nous en débattrons, de veiller à leur juste rédaction pour prévenir d'éventuels effets pervers. La pénalisation plus précise du don de soi ou de l'incitation au don de soi – c'est-à-dire du don du ventre féminin – mérite certainement d'être prise en compte dans le code pénal.

Plus difficile est la question du don de l'enfant. Diverses jurisprudences avaient embrouillé les choses. La circulaire de la ministre de la justice a eu le mérite d'exprimer la contradiction qui existe entre, d'une part, l'interdiction prévue par la loi française et, d'autre part, les droits de l'enfant qui pourraient rendre nécessaire la transcription de l'acte de naissance sur le registre d'état civil avec l'octroi de la nationalité à la clef.

On nous propose de régler ce problème en passant par la Constitution. Sur le principe, la démarche est juste, puisque seule la Constitution a une valeur supérieure aux traités. Si la révision constitutionnelle était assez précise pour faire pièce aux jurisprudences de la CEDH, ce serait sans doute la voie à suivre, mais cela ne réglerait pas la dimension sociologique, sociétale, de la question. En tout état de cause, la rédaction qui nous est proposée ne me paraît pas suffisante pour qu'un juge dise qu'elle fait obstacle aux arrêts de la CEDH.

En outre, il faut souligner un risque : les juges pourraient s'appuyer sur le texte, tel qu'il est actuellement rédigé, pour remettre en cause certains droits comme l'IVG. La révision constitutionnelle – seul moyen de faire obstacle à l'intrusion du droit étranger dans notre droit par la transcription de l'acte de naissance – n'est pas mûre. Et, même si ce point était résolu, il resterait la question douloureuse des droits de l'enfant. J'avoue ne pas avoir de réponse. Autant ma position est extrêmement ferme sur le don du ventre féminin, autant j'admets qu'il y a de vraies difficultés en ce qui concerne les droits de l'enfant.

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