Intervention de Géraldine Chalencon

Réunion du 1er juin 2016 à 10h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi Égalité et citoyenneté

Géraldine Chalencon, directrice générale de l'Agence nationale pour l'information sur le logement, ANIL :

L'Agence nationale pour l'information sur le logement anime le réseau des agences départementales pour l'information sur le logement, dont la mission est l'information et le conseil personnalisé auprès des ménages sur toutes les questions liées au logement. L'ANIL est un organisme neutre et partenarial ; la plupart des acteurs du logement, ainsi que ceux qui y concourent, sont associés à la gouvernance des agences départementales. Le réseau des ADIL est présent dans soixante-dix-neuf départements et réalise environ 840 000 consultations par an. Par le biais de ces consultations, nous avons un contact privilégié avec le terrain, et nous tenons ainsi un rôle d'observatoire des pratiques et des marchés susceptible d'alimenter la réflexion des acteurs et d'apporter une compétence à nos partenaires.

Afin de compléter les éléments d'ores et déjà à votre disposition, j'orienterai mon propos vers des sujets intéressant le parc privé, qui tient une place importante dans le domaine de la mixité sociale, et dont les atouts comme les difficultés sont peut-être moins perceptibles et moins connus que ceux du parc social.

Le parc privé, qu'il soit locatif ou occupé par des propriétaires, participe à la mixité sociale dans l'acception générale de ce terme. La mixité des statuts d'occupation peut d'ailleurs constituer l'un des critères d'évaluation de la mixité dans les quartiers.

Ainsi, selon l'enquête nationale « Logement 2013 » diligentée par l'INSEE, qui constitue une mine d'informations, le taux de chômage en zone urbaine sensible (ZUS) est de 15,4 % chez les locataires du parc privé et de 12,4 % chez les propriétaires occupants, alors qu'il est de 22,4 % chez les locataires du parc social. En termes de ressources, le niveau de vie médian en ZUS est de 1 203 euros pour les locataires du parc privé, 1 043 euros pour les locataires du parc social et de 1 875 euros pour les propriétaires. Toutefois, il est important de relever que le niveau de vie du premier quartile – c'est-à-dire le niveau de ressources en deçà duquel se situent 25 % des ménages – est identique pour les parcs locatifs privé et social, se situant aux alentours de 700 euros. Cela révèle aussi l'existence d'un parc privé très paupérisé en ZUS, très souvent corrélé avec des problèmes de qualité de l'habitat.

La prise en compte des enjeux spécifiques du parc privé par les acteurs publics est de plus en plus importante. C'est d'ailleurs l'une des missions dont est investi le Forum de l'habitat privé, dont votre collègue Nathalie Appéré est la présidente. Cependant, du fait de la faiblesse des données disponibles, les politiques qui le concernent souffrent d'un réel handicap.

Cette difficulté ne concerne pas le parc social, pour lequel on dispose de données aussi bien sur les logements que sur les occupants et sur la demande, même s'il reste toujours des points à améliorer. Le projet de loi comporte d'ailleurs des dispositions en ce sens. Des outils performants ont été développés au cours des dernières années, qui permettent de disposer de données territorialisées, mais aussi de les mettre plus largement à disposition. Ils jouent un rôle important pour améliorer la connaissance ainsi que la transparence de l'action publique. Je pense, par exemple, au système national d'enregistrement de la demande (SNE) ou au répertoire sur le parc locatif social (RPLS).

S'agissant du parc privé, les données sont parcellaires et très peu territorialisées. Or, en la matière, la territorialisation est fondamentale, car les questions qui se posent sont très différentes d'un territoire à l'autre.

Le développement des observatoires locaux des loyers du parc privé est en cours. L'animation du réseau est assurée par l'ANIL, ainsi que le traitement des données qui est en partie réalisé avec l'Observatoire des loyers de l'agglomération parisienne (OLAP). Les données produites seront utiles aux bailleurs sociaux et au monde du logement social afin de mieux calibrer et positionner leur offre. Elles permettront aussi de mieux calibrer les politiques publiques portant sur les différents segments allant de l'investissement locatif au conventionnement dans le parc privé. .

Les travaux des observatoires commencent déjà à être utilisés à titre expérimental afin de mieux fixer les plafonds dans le cadre du conventionnement de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), qui constitue un outil important au service de la mixité sociale, car il favorise une offre à loyers bas ou à coûts maîtrisés dans des quartiers plus favorisés, et cela de manière assez rapide.

Son couplage avec l'intermédiation locative, sous forme de mandat de gestion, de location ou sous-location, en fonction des besoins des ménages et des réalités des territoires, favorise la contribution du conventionnement ANAH à cet objectif de mixité sociale. L'inscription de ces logements dans le cadre de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) a débuté avec l'article 34 de la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite ALUR. Le projet de loi « Égalité et citoyenneté » poursuit cette logique, ce qui traduit bien la prise en compte progressive du parc privé dans les politiques en faveur de la mixité sociale.

L'accession sociale dans les quartiers en difficulté constitue également un levier d'action pour la mixité sociale. Le travail mené par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) en la matière porte ses fruits dans un certain nombre de quartiers, de même que le développement d'opérations mixtes et du prêt social location-accession (PSLA). L'accession sociale peut aider les ménages attachés à leur quartier à y rester en accédant à la propriété, mais aussi à faire venir de nouveaux ménages.

Si le parc privé peut être facteur de mixité sociale, il peut aussi devenir source de problèmes particuliers, tels ceux que présentent les grands ensembles de copropriétés en difficulté des années 1970. Ces difficultés, qui font l'objet de nombre de politiques publiques, ne sont pas propres à ces seules grandes copropriétés. Pour les petites copropriétés dans des centres anciens marqués par un niveau de pauvreté important et qui n'ont plus de gouvernance, les moyens d'action sont différents. Les derniers chiffres du ministère de la justice montrent que les contentieux en paiement des charges formés devant les juridictions du premier degré ont connu en dix ans une hausse de 38 %, pour atteindre près de 30 000 procédures en 2014. On voit là que le sujet des copropriétés et de leur gestion nécessite des réponses en termes d'information, de prévention et d'action.

C'est pourquoi, en matière d'accession, il nous paraît important d'agir le plus en amont possible et de sensibiliser les futurs accédants à ce qu'implique le fait d'être copropriétaire. Dans ce domaine, on constate une prise de conscience importante de la part des collectivités locales, comme des promoteurs, qui conduisent des actions de sensibilisation auprès des futurs accédants. Les ADIL participent à des réunions destinées à ces derniers et s'attachent, dans le cadre du conseil personnalisé, à appeler l'attention des intéressés sur les enjeux juridiques et financiers du fonctionnement d'une copropriété. Certaines collectivités couplent également leurs aides à l'accession avec un passage par l'ADIL afin de s'assurer que le ménage a bien été sensibilisé à l'ensemble de ces questions.

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