Intervention de Yves Nicolin

Réunion du 1er juin 2016 à 10h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi Égalité et citoyenneté

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Nicolin :

Je souhaite apporter un témoignage contrastant avec les propos tenus par nos invités, car il serait bon que le texte présenté prenne en compte une réalité : la France n'est pas uniforme. Madame la présidente, vous êtes élue de la grande ville qu'est Paris ; pour ma part, je le suis d'une ville plus petite qui se nomme Roanne et compte 38 000 habitants. La loi SRU ne devrait pas s'appliquer de la même façon à l'une et à l'autre, mais c'est pourtant le cas.

En 1975, la ville de Roanne comptait 55 000 habitants ; aujourd'hui, elle en compte 36 000, et avec un taux de 30 %, nous avons trop de logements sociaux. Des villes plus petites, de 10 000 habitants, sont venues se greffer alors qu'elles n'avaient pas rempli leurs obligations SRU. À chaque fois que le préfet demande à ces communes de remplir leur quota, cela a pour effet de retirer des bénéficiaires de logements sociaux de ma ville, et je suis dans l'obligation de démolir les habitations devenues inutiles.

J'apprécierais donc, et cela n'est pas incompatible avec ce que vous avez dit, madame la présidente, qu'un amendement permette à tout le moins de conduire une gestion à l'échelon intercommunal. Je préside une communauté d'agglomération comptant 100 000 habitants et 40 communes, dont un faible nombre compte plus de 5 000 habitants et doit satisfaire à des taux de logements sociaux légalisés. Il conviendrait de donner aux préfets la capacité d'adapter la réglementation aux territoires. M. Robert a évoqué des préfets ne prenant pas assez de constats de carence : cela est heureux ! Dans mon agglomération, les deux communes de Riorges et de Villerest comptent respectivement 10 000 et 5 000 habitants : si elles venaient à remplir leurs obligations en termes de logements sociaux, elles désorganiseraient ceux de Roanne. Qui plus est, nous avons, d'un côté, un schéma de cohérence territoriale (SCOT) qui interdit de construire davantage de logements, et, d'un autre côté, un préfet qui oblige à construire des logements sociaux : c'est la quadrature du cercle !

Je souhaiterais que vous preniez en considération que la France n'est pas Paris et ne se résume pas aux grandes villes. Il existe d'autres territoires dont les problématiques de logement sont différentes et qui tentent de traiter les problèmes de pauvreté autrement.

En revanche, je partage vos vues au sujet de l'implication du parc privé : dans ma ville, 4 000 logements sont vides, dont la moitié est insalubre. Je suis mille fois d'accord pour remettre sur le marché des logements du parc privé, y compris en les transformant en logements sociaux, mais avec quels moyens ? Mon intercommunalité va consacrer 3 millions d'euros à aider des propriétaires à remettre sur le marché, après travaux, des logements totalement inadaptés, véritables passoires énergétiques parfois au bord de l'écroulement. Mais de son côté, l'État ne me donne pas grand-chose pour lutter contre l'insalubrité.

Je m'en suis ouvert à la ministre ainsi qu'à beaucoup d'autres personnes : tous reconnaissent la justesse de mes propos, mais tous persistent à me dire que mes deux communes devront atteindre le taux de logements sociaux prescrit : nous allons dans le mur ! Il est indispensable de prévoir des possibilités de dérogation préfectorale, sur la base d'un bilan global du nombre de logements disponibles sur l'ensemble d'un territoire et non pas seulement sur une seule ville de plus de 5 000 habitants.

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