Intervention de Matthias Fekl

Séance en hémicycle du 13 juin 2016 à 16h00
Débroussaillement — Présentation

Matthias Fekl, secrétaire d’état chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger :

Détrompez-vous !

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les députés, veuillez tout d’abord excuser l’absence de M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Actuellement retenu aux côtés des personnes sinistrées dans son département de la Sarthe, il m’a demandé de bien vouloir le représenter, ce que je fais volontiers.

La politique menée depuis quinze ans en matière de défense des forêts contre les incendies a porté ses fruits et présente un bilan positif : alors que la moyenne annuelle d’hectares brûlés en zone sud entre 1973 et 1990 était de 32 000 hectares par an, elle a été réduite à 11 000 hectares par an en moyenne entre 2000 et 2014 – un chiffre certes encore trop important. Ces bons résultats sont le fruit d’une action et d’une coordination efficaces, tant en matière de prévention que dans la lutte contre les incendies, entre les différentes parties prenantes que sont l’État, le département et les services départementaux d’incendie et de secours – SDIS –, les collectivités, les particuliers et les autres acteurs concernés. Ce bilan positif vient d’ailleurs d’être salué par un rapport conjoint du Commissariat général au développement durable, de l’Inspection générale de l’administration et du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, remis récemment au ministre de l’intérieur, à la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer et au ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Pour autant, ce rapport pointe quelques faiblesses face à la nécessité de maintenir un haut niveau de vigilance, dans un contexte où, avec le changement climatique et la prévalence croissante de sécheresses, le risque incendie augmente et s’étend sur le territoire.

Parmi les faiblesses pointées par le rapport figure notamment l’insuffisante application de l’obligation légale de débroussailler, qui joue pourtant un rôle important dans la politique de défense des forêts contre les incendies. Une telle obligation est fondée sur la responsabilisation des acteurs qui, par leurs actions ou activités, font peser un risque sur leur environnement. En faisant peser dès l’origine l’obligation légale de débroussaillement sur le propriétaire de la construction, le législateur a en effet reconnu la responsabilité dominante de ce dernier dans l’augmentation des risques d’éclosion d’incendie et son intérêt majeur à diminuer la vulnérabilité de sa construction. En effet, la maison constitue à la fois le plus grand risque de départ de feux et l’espace à protéger en priorité par les pompiers en cas d’incendie.

Cette responsabilisation a montré son efficacité, dès lors elle est appliquée : le retour d’expérience révèle que les habitations débroussaillées dans un rayon de 50 mètres sont dans leur immense majorité peu ou non touchées en cas d’incendie. Changer de paradigme pourrait s’avérer contre-productif, l’enjeu étant davantage celui de faire respecter cette obligation et de mieux en contrôler l’application. C’est ce que souligne la mission inter-inspection, qui recommande la mise en oeuvre, selon un calendrier concerté et à l’échelle du massif ou d’un ensemble de communes, d’un programme d’application de l’obligation légale de débroussaillement se déroulant en quatre étapes, de la première information et sensibilisation jusqu’à l’exécution d’office par la commune et, le cas échéant, l’intervention en substitution de l’autorité préfectorale. Elle pointe aussi la nécessité de mieux gérer l’interface « habitat-forêt », point faible du dispositif actuel.

C’est pourquoi le Gouvernement soutient pleinement la précision apportée à l’article 1er de la proposition de loi que le groupe socialiste, écologiste et républicain nous présente aujourd’hui. Il est utile en effet de compléter la notion de « combustibles végétaux de toute nature », qui figure à l’actuel article L. 131-10 du code forestier, par une référence explicite aux arbres, de façon à lever toute ambiguïté d’interprétation.

En revanche, le Gouvernement ne soutient pas la proposition formulée à l’article 2, qui vise à étendre l’obligation légale de débroussailler aux zones à urbaniser. En effet, une telle extension conduirait à faire peser une obligation de débroussaillement sur des secteurs non immédiatement constructibles, à augmenter de manière disproportionnée les surfaces et le nombre de propriétaires concernés par cette obligation, sans que leur bien ne représente de risque réel, et enfin, à faire peser un risque en efficacité sur le système de prévention actuel, alors que tous nos efforts doivent être orientés vers une consolidation et une meilleure application des obligations de débroussaillement actuelles.

Ceci étant, le Gouvernement reconnaît malgré tout que l’application de l’actuel article L. 131-13 du code forestier peut se révéler une source de difficulté. Nous partageons le constat de Mme Marie-Hélène Fabre selon lequel l’obligation de débroussailler sur le terrain du voisin est régulièrement source de confusion et de contestations, notamment en cas de superposition d’obligations de débroussaillement qui rend difficile l’identification des responsabilités, ce qui explique en partie l’insuffisante application de cette obligation.

L’amendement défendu par le Gouvernement vise à répondre de façon pragmatique au problème légitimement soulevé, pour remédier aux difficultés sur lesquelles nous sommes d’accord : il précise le dispositif prévu à l’article 2, qui soumet le propriétaire à une obligation de débroussaillement dans les zones à urbaniser, et ce même si les parcelles ne sont pas construites, pour le rendre plus équitable. Il dispose que chaque propriétaire soumis à l’obligation de débroussailler chez un tiers – celui-ci n’étant lui-même pas soumis à cette obligation – le fasse pour la partie de la zone de superposition la plus proche de chez lui, là où la rédaction actuelle de l’alinéa 2 de l’article L. 131-13 du code forestier charge du débroussaillement de l’intégralité d’une parcelle le seul propriétaire « de la construction, chantier ou installation de toute nature le plus proche d’une limite de cette parcelle », même si plusieurs autres constructions sont situées à moins de 50 mètres.

Cette modification attendue par les acteurs de terrain en charge de la lutte contre l’incendie serait de nature à améliorer le dispositif en précisant le champ des responsabilités des propriétaires. Mais, pour être vraiment efficace, ce type de modification devra être expliquée et relayée par l’ensemble des acteurs locaux, ce qui renvoie à l’exigence déjà évoquée de renforcer les campagnes de sensibilisation et d’information avant même la période où le risque d’incendie s’accroît. C’est en effet d’abord par une amélioration de l’information et de la pédagogie à destination des particuliers, par un renforcement des contrôles et par la mobilisation en particulier des maires concernés, que des progrès sensibles pourront être obtenus en matière de débroussaillement, et donc de lutte contre l’incendie. Telle est la position du Gouvernement sur la présente proposition de loi.

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