Intervention de Isabelle Le Callennec

Réunion du 8 juin 2016 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Le Callennec :

À mon tour, je félicite le rapporteur pour le travail réalisé.

Dépensant quelque 25 milliards d'euros pour lutter contre la pauvreté, notre pays verse dix minima sociaux – auxquels on pourrait ajouter la trentaine de prestations versées entre la naissance et la fin de vie – dont bénéficient plus de 4 millions d'allocataires. Dans un référé de septembre 2015 sur les minima sociaux, la Cour des comptes dresse le constat douloureux que « les minima sociaux réduisent le taux de pauvreté, [mais] ne permettent pas aux allocataires de sortir de la situation de pauvreté, [malgré] une progression de près de 30 % de la dépense de 2008 à 2014 ». Pour simplifier le système, elle préconise le regroupement des minima sociaux autour de trois grandes allocations – RSA, AAH et ASPA –, autrement dit, autour de trois pôles : solidarité-insertion, handicap, vieillesse.

« La diversité des règles applicables aux allocataires, le manque d'équité global du système et sa complexité d'ensemble », comme vous l'écrivez dans votre rapport, monsieur le rapporteur, nécessitent que la représentation nationale se penche sur les évolutions souhaitables, d'autant que 25 % de nos compatriotes expriment la crainte de basculer dans la pauvreté dans les prochaines années.

Vous exposez trois scénarios de réforme. Le premier vise à mettre en oeuvre, dès le 1er janvier 2017, douze mesures de simplification de l'architecture des minima sociaux. Le deuxième vise à diviser par deux le nombre de dispositifs existants à l'horizon 2020. Le troisième, dont vous recommandez la mise en oeuvre et que le Premier ministre a commenté, consiste à créer une couverture socle commune pour remplacer les dix minima sociaux actuels. Le complément d'insertion du troisième scénario devrait être financé par les départements, dont chacun connaît la situation financière actuelle. Avez-vous mesuré l'impact en termes financiers et organisationnels de ces trois scénarios, non seulement pour l'État mais aussi pour chacune des institutions qui gèrent ces minima sociaux ?

Lors de la présentation de votre rapport au Premier ministre, les commentateurs ont surtout retenu votre proposition de créer un « RSA jeunes ». Le groupe Les Républicains est opposé à une telle mesure : nous souhaitons que les jeunes se voient offrir de meilleures perspectives qu'un minimum social pour démarrer dans la vie. L'ouverture du dispositif aux jeunes ouvrirait considérablement le champ des ayants droit – le chiffre de 5 millions de potentiels nouveaux bénéficiaires a été avancé. Vous évoquez un montant de 3,5 à 5 milliards d'euros : où trouverez-vous les économies pour mettre place ce dispositif ? Les ministères du budget, des affaires sociales et des collectivités territoriales ont-ils évalué l'impact financier d'une telle mesure ?

Au-delà de la question de son coût, cette mesure est-elle pertinente ? Sans entrer dans le débat sur l'assistanat, ne faut-il pas plutôt insister sur la réforme de l'orientation et de la formation professionnelle, privilégier l'alternance qui conduit à un emploi, et prévoir un soutien financier aux seuls jeunes qui en ont vraiment besoin ? Pour présider un fonds d'aide aux jeunes dans le département d'Ille-et-Vilaine, je vois des jeunes plongés dans la détresse en raison de l'absence de solidarité familiale. Néanmoins, la généralisation de la Garantie Jeunes ne serait pas un bon signal envoyé aux jeunes, qui souhaitent d'abord s'insérer professionnellement. Nous devons donc tout mettre en oeuvre pour leur procurer un emploi.

Votre rapport a relancé le débat sur le revenu universel. Il faudrait s'entendre sur les mots. Je dis oui lorsqu'il s'agit de faire plus efficace, plus lisible, dans le respect des deniers publics. Mais je dis non à des débats sans fin sur des concepts inadaptés à notre pays et dont la concrétisation se révélerait coûteuse pour les finances publiques – un chiffre de 8 milliards d'euros est avancé. Le revenu universel fera l'objet d'innombrables publications et autres colloques, et des candidats à l'élection présidentielle ne manqueront pas de se saisir de cette opportunité pour faire des propositions aux Français. En tout cas, votre rapport fournit quelques éléments sur le sujet, en citant des exemples d'expérimentation dans d'autres pays.

En conclusion, je réitère mes remerciements sincères pour ce travail de fond réalisé avec le concours d'un inspecteur de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et d'un administrateur de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Nous disposons là d'un outil d'aide à la décision, mais le troisième scénario n'aura pas forcément la préférence de mon groupe. En tant que membre du Conseil national de l'insertion par l'activité économique (CNIAE), je pense que les recommandations de la Cour des comptes sont plus réalistes à ce stade. En tout état de cause, nous débattrons entre nous et avec les Français sur ce que doit être dans notre pays une vraie justice sociale.

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