Intervention de Françoise Descamps-Crosnier

Séance en hémicycle du 15 juin 2016 à 15h00
Exercice par la croix-rouge française de sa mission statutaire de rétablissement des liens familiaux — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançoise Descamps-Crosnier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui un texte d’intérêt général qui fait consensus, comme l’a prouvé son adoption à l’unanimité par notre commission le 8 juin dernier.

Déposée à l’initiative du groupe socialiste, écologiste et républicain, et inspirée par notre collègue Françoise Dumas – dont je tiens à saluer le travail de rapporteure –, cette proposition de loi vise à faciliter le travail de la Croix-Rouge dans l’une de ses missions statutaires qu’elle tient des conventions de Genève du 12 août 1949 : le rétablissement des liens familiaux.

Chacun d’entre nous connaît l’importance du rôle multidimensionnel de la Croix-Rouge. Nous avons célébré, il y a près de deux ans, son 150e anniversaire, et chacun d’entre nous s’est associé, localement, à ce temps fort. Dans mon territoire, nous avons fait coup double en le célébrant en même temps que les dix ans de l’Institut de formation de la Croix-Rouge de Mantes-la-Jolie.

L’exécutif est également conscient de ce rôle, comme en témoignent tout à la fois l’engagement du Président de la République de faciliter la mission de la Croix-Rouge en matière de rétablissement des liens familiaux – auquel ce texte donne consistance – et le choix par le Gouvernement d’engager la procédure accélérée sur cette proposition de loi, le jour même de son dépôt.

Notre collègue Françoise Dumas l’a rappelé en commission : la Croix-Rouge française est la première association dans notre pays, tant par la diversité de ses missions que par son maillage territorial. Elle accompagne régulièrement les pouvoirs publics dans l’accomplissement de leurs missions et les collectivités territoriales connaissent tout particulièrement l’importance et la qualité de ses activités. À chaque événement local important, la Croix-Rouge et ses bénévoles sont présents auprès des élus, des agents publics et des citoyens.

En dépit de cette place privilégiée d’auxiliaire des pouvoirs publics, l’association n’en rencontre pas moins des difficultés dans sa mission de rétablissement des liens familiaux : tel est le constat tiré par notre rapporteure des auditions qu’elle avait menées dans le cadre de la commission d’enquête chargée d’étudier les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle.

La suppression en 2013 de la procédure de recherche dans l’intérêt des familles qui existait dans les préfectures – suppression légitime puisque cet outil était tombé en désuétude – a toutefois laissé la Croix-Rouge seule face aux autorités publiques susceptibles de l’appuyer dans sa mission de rétablissement des liens familiaux.

Bien qu’une autorisation lui ait été accordée par la Commission nationale de l’informatique et des libertés pour mettre en oeuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel, nombre d’administrations – aussi bien territoriales qu’étatiques – font montre d’une grande frilosité lorsqu’il s’agit de donner suite à ses demandes, en raison du caractère personnel et sensible des informations recherchées.

En dépit de ces difficultés, la Croix-Rouge mène une action efficace, comme en témoignent les résultats des demandes adressées à son service chargé du rétablissement des liens familiaux. On apprend dans le rapport de la commission qu’en 2015, sur 922 demandes, 66 % ont pu être satisfaites, et en 2014, 62 % sur 988.

Afin que ces résultats progressent – car derrière ces chiffres, ce sont autant de situations individuelles, parfois tragiques –, il est demandé au législateur d’accorder à la Croix-Rouge ce qu’il est convenu d’appeler des dérogations ciblées au droit commun afin de lui permettre d’effectuer efficacement sa mission.

Les membres de la commission des lois regardent toujours ce type de démarche avec suspicion : le jacobinisme a la vie dure !

Je pense que la solution trouvée dans la proposition de loi présente un caractère très calibré qui la rend pleinement souhaitable. Elle vise clairement le rétablissement des liens familiaux et rien d’autre. Notre rapporteure l’a souligné en commission, les recherches de personnes disparues dans des conditions suspectes ainsi que les recherches généalogiques ou celles qui résultent d’une procédure d’adoption ne sont pas concernées par le texte soumis à notre discussion.

Il nous appartiendra cependant d’accompagner les dispositions que nous prenons aujourd’hui dans les évolutions ultérieures de la loi en ce qui concerne quelques-uns des champs sur lesquels elle s’aventure.

Ainsi, en matière de consultation des listes électorales, le travail mené sur plusieurs propositions de loi rénovant les modalités d’inscription sur ces listes et que notre Assemblée a récemment examinées à l’initiative de nos collègues Élisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann, devrait amener à la création d’un répertoire électoral unique tenu par l’INSEE en relation avec les mairies. Aussi, les dispositions de l’article 3 de la proposition de loi, prévoyant que la Croix-Rouge puisse saisir le représentant de l’État dans le département afin de vérifier si une personne est inscrite ou non sur les listes électorales, pourraient devoir être modifiées afin d’en tenir compte d’ici à la mise en place de ce nouvel outil.

Grâce au travail que nous effectuons aujourd’hui, ce sont des enfants, séparés de leurs parents par la guerre, qui retrouveront peut-être une famille. Des couples dont les membres ont été éloignés l’un de l’autre pourraient être réunis à nouveau.

Nous espérons tous, bien sûr, que de telles situations soient de moins en moins nombreuses, mais nous sommes aussi conscients du caractère tragique de l’Histoire, comme nous le rappelait Raymond Aron. La simple perspective de pouvoir, ponctuellement, et même tardivement, réparer les blessures de l’Histoire suffit à nous encourager et à nous rappeler, ainsi qu’à nos concitoyens, que, derrière la loi, c’est la vie, parfois la plus intime et personnelle, qui peut être directement concernée.

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