Intervention de Catherine Rémy

Réunion du 8 juin 2016 à 16h30
Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Catherine Rémy, chercheuse au Centre national de la recherche scientifique, CNRS :

Je reviens sur la direction des services vétérinaires avec les personnels de laquelle j'ai beaucoup discuté au cours de mon enquête. On insiste sur la difficulté pour les tueurs d'accomplir leur travail, mais il faudrait également évoquer celle des agents de la DSV. Au long de mon enquête, j'ai rencontré trois agents, deux permanents et un dépêché pour effectuer un contrôle pendant quelques mois. Or je me souviens de la très grande difficulté de ces agents pour s'approcher de l'espace souillé dans l'abattoir mais aussi pour entamer la discussion sur la question, en particulier, du bien-être animal. Il faut donc bien comprendre que pour ces agents, c'est très difficile. Aussi, comment les aider dans leur mission de contrôle ?

Cela renvoie au fait que les abattoirs sont issus d'un processus d'occultation : on a voulu cacher la mise à mort. On a donc créé un espace que la société ne veut plus voir ; du coup, toutes les personnes qui y travaillent sont porteuses, d'une certaine manière, du stigmate d'une activité honteuse. Il est donc très difficile pour les agents de la DSV de soulever un certain nombre de sujets du fait de la force de la culture du combat mais aussi du secret, du confinement, qui règne dans les abattoirs.

Au début de mon enquête ethnographique, j'ai voulu tout voir. Or j'ai senti, après plusieurs semaines passées au sein de l'espace souillé, que mon regard posait énormément de problèmes. Aussi, dans un deuxième temps, me suis-je tenue à distance, me comportant de fait comme les agents de la DSV : je n'observais plus la mise à mort, tâchant d'en comprendre les conséquences dans mes rapports avec les travailleurs – et, en effet, cet éloignement a été un facteur d'apaisement.

Enfin, pour ce qui sous-tend mon positionnement, je ne suis pour ma part pas du tout philosophe mais sociologue. Mon approche est donc celle de la sociologie, de l'ethnographie du travail. J'essaie de pointer la convergence ou bien le décalage entre des discours, des règlements et l'action au quotidien.

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