Intervention de Jacques Lamblin

Réunion du 8 juin 2016 à 16h30
Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Lamblin :

Vous avez dit la vérité en affirmant qu'on ne voulait plus voir la mise à mort des animaux, mais vous n'avez pas dit toute la vérité : dans nos sociétés, on ne veut plus voir la mort, sous toutes ses formes, en particulier dans l'espèce humaine.

Vous avez beaucoup insisté, madame Rémy, sur la symbolique de la mise à mort qui conférait un statut à l'exécutant. Cependant, je connais moi aussi le fonctionnement des chaînes d'abattage et je souhaite que vous précisiez à quel moment cette valorisation de la mise à mort peut être ressentie par le tueur – dans une chaîne d'abattage de bovins où tout se déroulerait comme le règlement l'exige, s'entend.

L'animal ne sait pas ce qui va lui arriver. Il est acheminé dans un couloir d'amenée, mis en cage et étourdi ; instantanément il tombe et, inconscient, son corps est alors suspendu par les membres postérieurs. Le tueur donne à ce moment-là le coup de couteau afin de saigner l'animal. Pour l'avoir moi aussi observé, il me semble que le tueur est surtout préoccupé par la précision de son geste pour qu'il soit « parfait », le plus efficace possible. La chaîne suit son cours avec « l'habillage » de la carcasse, à savoir le dépeçage et l'éviscération. Si l'on ajoute à cela que le poste de tueur n'est pas toujours occupé par le même individu du fait d'une rotation impliquant qu'il sache effectuer tous les gestes de la chaîne – selon une logique de taylorisation –, je ne vois guère à quel moment le tueur peut ressentir cette mise en valeur de la mise à mort.

En revanche, lorsqu'il s'agit d'abattage rituel, l'animal est contenu et, suivant la manière dont il l'est, on peut noter des difficultés et une souffrance avérée puisqu'il est conscient au moment où il reçoit le coup de couteau fatal. Il me semble donc que si l'abattage conventionnel respecte bien les règles, l'animal n'a pas conscience de sa finitude – même si, n'étant pas dans son cadre de vie habituel, il peut être un peu inquiet – et il y a peu de risque qu'il souffre.

Aussi, que pensez-vous de l'abattage rituel ?

Quant à vous, madame Burgat, vous avez raison de considérer que le retour de l'abattage à domicile serait encore pire que l'abattage industriel. Reste que le rôle de la présente commission d'enquête n'est pas de juger du bien-fondé ou non de la consommation de viande, mais d'examiner ce qui ne fonctionne pas dans les abattoirs. Notre sujet ne recoupe par conséquent pas vraiment celui que vous vous proposez de traiter. Toutefois, votre exposé m'a paru particulièrement intéressant. Vous concentrez votre réflexion sur le moment précis où l'on abat l'animal pour le manger ensuite. Mais, au moment d'arriver à l'abattoir, l'animal a déjà un vécu : l'homme l'a fait naître, l'a élevé, l'a protégé et l'a nourri. Aussi l'homme – je fais ici abstraction de l'élevage industriel – l'a-t-il protégé de ses préoccupations d'animal – manger et ne pas être mangé – et s'est-il efforcé de lui mener la vie la meilleure possible, même si, nous en sommes d'accord, cela se termine plutôt mal pour l'animal.

Supposons que l'homme n'exploite pas l'animal, ce dernier se développerait en toute liberté, comme les corbeaux, pratiquement sans prédateur. Il risquerait dès lors de devenir un concurrent de l'homme ; il ne serait plus chassé mais probablement pourchassé.

Quel est votre sentiment sur une telle conception, dans laquelle l'homme n'élèverait pas l'animal pour le manger mais le laisserait vivre sa vie en toute liberté ?

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