Intervention de Jean-Pierre Marguénaud

Réunion du 8 juin 2016 à 16h30
Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Jean-Pierre Marguénaud, professeur à l'Université de Limoges :

L'ajout à l'article 515-14 du code civil d'une référence aux impératifs biologiques de l'espèce, madame Abeille, n'aurait pas changé grand-chose pour les animaux d'abattoir : une fois qu'ils en ont franchi la porte, les conditions compatibles avec lesdits impératifs ne me paraissent pas devoir revêtir une signification pendant bien longtemps… Je pense même que l'absence à cet article de référence aux impératifs biologiques de l'espèce est une bonne chose dans la mesure où, du coup, l'article L. 214-1 du code rural n'a pas été abrogé. Le fait que l'article 515-14 précise que « les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité », sans autre précision, permet la protection de la sensibilité des animaux sauvages, sans propriétaires et d'ores et déjà placés dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de leur espèce. Vous l'avez d'ailleurs fort bien compris, puisque je crois me souvenir qu'en 2014 vous aviez fait voter par la commission du développement durable un amendement étendant, au nom de la cohérence avec le futur article, la répression des actes de cruauté envers les animaux sauvages.

Le Québec a lui aussi modifié son code civil, le 4 décembre 2015, en s'inspirant directement de la réforme française et l'article correspondant se réfère aux impératifs biologiques de l'espèce. Seulement, ce pays était tellement en retard qu'il n'avait pas l'équivalent de l'article L. 214-1 de notre code rural. Cela consolide notre avance…

On a également évoqué la nécessité. Du point de vue strictement juridique un point me paraît assez intéressant. Jusqu'en 1999, les actes visés par l'article 521-1 du code pénal qui, aujourd'hui, réprime « le fait, publiquement ou non, d'exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal […] », étaient les actes commis « sans nécessité ». Si cette dernière disposition a été supprimée en 1999, elle subsiste dans les contraventions pour mauvais traitements et atteintes volontaires à la vie des animaux domestiques, apprivoisés ou tenus en captivité. Par souci de cohérence, il conviendrait de supprimer, dans ce dernier cas, la référence à la nécessité, à l'occasion de la réforme du code pénal.

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