Intervention de Florence Burgat

Réunion du 8 juin 2016 à 16h30
Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Florence Burgat, philosophe et directrice de recherche à l'Institut national de la recherche agronomique, INRA :

Pourquoi, à un moment donné, la société française a-t-elle ressenti le besoin de cacher la mise à mort ? Il s'agissait d'abord de faire baisser le niveau de violence des hommes entre eux, comme l'a bien montré Maurice Agulhon dans un article pionnier du début des années 1980. Mais dans le même temps, il y a toujours eu une tradition de pensée, et pas seulement chez les philosophes – j'aurais pu évoquer également des écrivains, des hommes politiques… –, pour s'interroger de façon plus approfondie, plus radicale sur ces questions.

Ainsi, deux points de vue, on pourrait presque dire deux humanités, cheminent parallèlement. C'est l'anthropocentrisme qui triomphe et une sorte d'enjeu identitaire de la part de l'humanité – si l'on peut employer ce concept – de garder la mainmise sur l'animal, comme le droit positif, du reste, l'illustre parfaitement. Les uns, s'appuyant sur la notion de sensibilité qui serait au fondement des droits aussi bien humains qu'animaux, souhaitent, depuis des siècles et des siècles, faire valoir les conséquences de ce point de vue sur notre comportement ; les autres entendent borner les considérations morales et les relations de justice au seul monde humain. Cette controverse se répète d'âge en âge, et l'anthropocentrisme demeure.

Philosophiquement, la nécessité est ce qui ne peut pas ne pas être. En ce sens, on le sait, l'alimentation carnée n'appartient pas, du moins aujourd'hui, à la catégorie de la nécessité. D'un point de vue historique, elle a pu être une nécessité dans certaines situations et elle peut l'être encore dans certains cas, cela n'est pas douteux.

Comment, cependant, alors que nous savons que l'alimentation carnée n'est pas une nécessité physiologique, un certain nombre de discours, en particulier de discours médicaux, ont-ils installé dans nos esprits l'idée qu'il s'agissait bien d'une nécessité ? Tout un travail de communication reste à mener.

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