Intervention de Anne de Loisy

Réunion du 8 juin 2016 à 18h15
Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Anne de Loisy :

Je suis journaliste et je me suis intéressée à ce sujet lorsque je travaillais pour Envoyé spécial. Nous venions de tomber sur un rapport de la Cour des Comptes indiquant que 47 % des abattoirs étaient non conformes. On m'a demandé d'aller voir ce qu'il en était dans les faits.

J'ai commencé par demander des autorisations pour entrer dans les abattoirs, qui m'ont été systématiquement refusées. J'ai fait le tour de toutes les associations qui travaillaient autour et à proximité des abattoirs, j'ai rencontré des vétérinaires, des éleveurs ; et j'ai fini par rencontrer des abatteurs de façon non officielle – lorsqu'on est journaliste, si la porte est fermée, il faut entrer par la fenêtre.

J'ai ainsi réalisé le reportage « La viande dans tous ses états » qui a été diffusé dans l'émission Envoyé spécial en 2012. Ce travail m'avait demandé énormément de temps, et j'ai décidé de continuer à enquêter, et sur toute la filière du début jusqu'à la fin pour en comprendre les tenants et les aboutissants. Cette enquête a débouché sur ce livre, qui est presque une analyse de la société à travers le prisme de la viande. On peut faire de grandes déclarations, mais si l'on ne regarde pas concrètement ce qui est possible sur le terrain, on brasse du vent.

J'ai pu constater qu'un grand nombre d'abattoirs n'étaient toujours pas conforme. Il suffit de regarder les nombreux rapports de l'Office alimentaire et vétérinaire européen, et ceux de la brigade nationale d'enquêtes vétérinaires et phytosanitaires – des super-inspecteurs, très compétents, qui interviennent en cas de crise. Les vétérinaires eux aussi font des rapports extrêmement alarmants. Nous avons donc le constat ; il nous faut ensuite mettre les moyens en regard des besoins pour progresser dans ce domaine. Il y a de plus en plus d'intoxications alimentaires : les chiffres sont très variables, mais on estime qu'il y en a plus de 850 000 par an, et qu'elles causent 750 décès. Ce n'est pas rien. Une commission de santé publique avait produit un travail intéressant qui montrait qu'un euro dépensé en prévention entraînait une économie de cinq à six euros en réparation des préjudices et des frais médicaux. Nous avons donc tout à gagner à optimiser le point de départ pour que le consommateur retrouve dans son assiette quelque chose qui ressemble à ce qui figure sur l'étiquette.

Cela étant, j'avoue être assez perplexe, car nous nous retrouvons face à un constat assez effrayant : les Français sont totalement déconnectés de la réalité de l'élevage et de ce qu'ils mettent dans leur bouche pour se nourrir. C'est encore pire chez les jeunes : un enfant sur deux ne sait pas que le jambon est fait à partir du cochon ; qu'un nugget, c'est du poulet ; et que le steak haché, c'est du boeuf – encore que dans certains cas, ce n'est pas le cas ! Il y a urgence à reconnecter l'humain avec ce qui lui permet de se nourrir. Sans compter que si l'on mange des aliments de mauvaise qualité, il faudra aller chez le médecin ; et même si c'est la Sécurité sociale qui paie, c'est tout de même nous qui sommes malades…

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