Intervention de Anne de Loisy

Réunion du 8 juin 2016 à 18h15
Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Anne de Loisy :

Je suis journaliste, je vais aussi plaider ma cause. Je pense qu'il est important de communiquer aux Français et de leur expliquer la face cachée de l'agriculture. On leur a trop longtemps caché les réalités de l'élevage, de l'agriculture, de l'abattage, et l'on s'étonne ensuite qu'ils soient choqués. Peut-être devrions-nous faire comme au Danemark, où les enfants vont en visite scolaire dans les abattoirs. On leur montre le plus moderne, pas le plus imprésentable. La seule chose qu'on ne leur montre pas est le moment où l'on égorge la bête, mais ils voient tout le reste.

Il ne faut pas s'étonner qu'un enfant sur deux ne sache pas de quoi est fait un nugget, une tranche de jambon ou un steak haché. Il en est de même pour les végétaux : un enfant sur quatre ne sait pas que l'on fait des frites avec des pommes de terre, un sur trois ne sait pas identifier un poireau, une courgette, une figue ou un artichaut. Et neuf enfants sur dix ne savent pas à quoi ressemble une betterave. Nous parlons du pays dont la gastronomie a été inscrite au patrimoine mondial de l'humanité ! Il est temps d'informer nos jeunes, car s'ils ne savent pas ce qu'ils mettent dans leurs gosiers, nous allons au-devant de problèmes beaucoup plus importants. Il y a urgence à ce que les jeunes aillent visiter des fermes, visiter des élevages, et se rendent compte de la réalité.

Il est d'ailleurs intéressant de constater l'impact de tout cela. La consommation de viande diminue car les gens ont du mal à associer leur steak et ce qu'ils ont vu avant. Mais par exemple, en Angleterre, sept émissions ont été faites en 2008 par de grands chefs cuisiniers pour montrer la réalité de l'élevage industriel. À la suite de ces émissions, les ventes de poulets de batterie ont diminué de 11 %, et celles de poulets de plein air ont augmenté de 17 %. Il y a donc un impact, et le poulet élevé en plein air rapporte plus à l'éleveur. Tout le monde y gagne, il est donc temps d'enclencher ce cercle vertueux.

Sur les relations entre l'humain et l'animal, peut-être avez-vous entendu parler de Temple Grandin, cette vétérinaire américaine, autiste, dont les travaux sur la communication entre l'humain et les animaux sont extrêmement reconnus dans le monde entier. Ses travaux ont apporté un grand bénéfice aux humains également, car si l'on comprend mieux les animaux et ce qui le leur fait peur, ce qui les stresse, ce qui les angoisse, il est plus facile de gérer les rapports. Dans les vidéos de L214, nous voyons un ouvrier jeter un mouton et recommencer toutes les dix minutes. C'est totalement contre-productif : pour l'ouvrier qui se fatigue à jeter un mouton ; pour le mouton qui est dans une situation de stress absolu ; et pour le consommateur qui va manger de la vieille carne. L'information passe par là, et il faut commencer tôt. On emmène les enfants voir les musées, il faut aussi les emmener voir les fermes : c'est là que l'on produit ce qui les nourrit.

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