Intervention de Jean-Paul Bigard

Réunion du 15 juin 2016 à 18h30
Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Jean-Paul Bigard, président du directoire du groupe Bigard :

Effectivement, ce n'est pas toujours facile. Il faut beaucoup de travail et faire les bons choix stratégiques. Une fois que vous avez fait cela, comment progresse-t-on ? La grande distribution est un univers difficile. J'ai été le premier dans la profession et dans la filière agroalimentaire à dire aux distributeurs que je ne les livrerais pas au prix qu'ils me proposaient. Cela m'a coûté cher, mais c'est un peu comme la bombe atomique : vous ne l'employez qu'une seule fois. Je ne citerai pas leurs noms ; vous les connaissez bien. Les distributeurs se disent que, si M. Bigard a sauté le pas une fois, il risque de recommencer et de ne plus les livrer. Effectivement, j'étais capable de faire cela.

Nous avons racheté la société Socopa il y a huit ans. Ma première mesure a été de faire disparaître 15 % du chiffre d'affaires. Je suis moi-même allé voir tous les gros clients et je leur ai dit : « Messieurs, cela ne peut plus durer, ce prix-là ne correspond à rien. On peut trouver une phase d'adaptation, mais voilà le prix auquel nous serons d'ici à deux mois. Si vous n'êtes pas d'accord, nous arrêtons de travailler ensemble ; si vous êtes d'accord, nous trouverons un arrangement. » Ce n'est rien d'autre qu'une réorganisation, une rationalisation dans les services. Ce que je vous dis là concerne la phase aval.

S'agissant de la phase amont, on peut nous critiquer, mais, quand on achète 25 000 bovins par semaine, il faut obligatoirement les acheter au moins aussi cher que nos concurrents. Je rappelle que notre règle d'or a toujours été de payer nos apporteurs à dix jours. C'est certainement l'aboutissement de quarante années de travail. J'ai travaillé pendant vingt ans avec mon père, qui est parti de zéro, à développer une structure qu'il possédait déjà au début des années quatre-vingt-dix, à Quimperlé – je l'avais rejoint en 1975. Pendant une quinzaine d'années, nous avons densifié, comme une entreprise familiale est capable de le faire, en travaillant beaucoup. Nous avions la volonté d'investir, de croître. À l'époque, nous utilisions les possibilités offertes par la collectivité, c'est-à-dire l'État et l'Europe, pour investir, ce qui nous a beaucoup aidés. Ensuite, dès lors que nous avons atteint un certain niveau, nous avons pu passer à de la croissance externe. Nous n'avons pas hésité à racheter des entreprises deux fois et demie plus grosses que nous, avec toujours une exigence, une rigueur, et peut-être une certaine dureté dans l'application des règles avec les fournisseurs, les clients et le personnel. Au début des années quatre-vingt-dix, nous avons eu des problèmes avec la « pause pipi » – cela vous dit certainement quelque chose. Ce fut un épisode épouvantable avec un délégué CGT. Pour ma part, j'ai une méthode : je ne vois jamais la presse, je m'interdis de communiquer. Et j'ai un leitmotiv : le personnel est bien payé et travaille dans de bonnes conditions. Les 5 000 salariés, qui étaient dans le périmètre Socopa et que nous avons repris, trouvent formidable d'être payés sur la base du travail qu'ils font. Je ne sais pas si nous avons un secret : en tout cas, nous ne faisons pas de folies. Nous travaillons beaucoup.

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