Intervention de Paul Hébert

Réunion du 22 juin 2016 à 18h15
Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Paul Hébert, directeur adjoint à la direction de la conformité de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, CNIL :

Les dispositifs vidéo peuvent être soumis à deux régimes juridiques distincts : celui de la vidéosurveillance et celui de la vidéoprotection.

La vidéosurveillance, mise en oeuvre dans des lieux qui ne sont pas ouverts au public, comme les bureaux ou les entrepôts, est soumise aux dispositions de la loi du 6 janvier 1978, dite « informatique et libertés », alors que la vidéoprotection concerne la voie publique ou des lieux ouverts au public et relève du code de la sécurité intérieure. Mon propos sera évidemment centré sur la vidéosurveillance.

Au quotidien, la CNIL accompagne divers acteurs, notamment les entreprises et l'administration, dans la mise en place de dispositifs de vidéosurveillance. Pour répondre à la demande, elle a publié, sur son site internet, des fiches qui expliquent aux employeurs les précautions à prendre pour installer des caméras dans leur entreprise en respectant les dispositions de la loi informatique et libertés. En 2015, nous avons reçu 12 500 déclarations de la part d'employeurs, relatives à l'installation de systèmes de vidéosurveillance. Nous sommes également destinataires de plaintes de citoyens, de salariés ou de syndicats. Sur un total d'environ 7 900 plaintes enregistrées en 2015, cinq cents concernaient la vidéosurveillance dans des lieux de travail. La CNIL a également pour mission d'opérer des contrôles de l'application de la loi de 1978, et de prononcer des sanctions en cas de manquement à la loi.

Je rappellerai les grands principes à respecter en cas d'installation d'un système de vidéosurveillance, comme c'est le cas pour tout traitement informatique de données à caractère personnel.

Le premier est le principe de finalité. La finalité de la mise en place d'un système de vidéosurveillance doit, aux termes de la loi, être « déterminée, explicite et légitime ». Il s'agit très fréquemment de la sécurité des biens et des personnes, par exemple lorsque l'on installe des caméras dans un entrepôt pour lutter contre le vol, mais il en existe d'autres – la formation peut constituer une finalité en tant que telle. Même si les animaux ne sont juridiquement ni des biens ni des personnes, par extension, la préservation de leur sécurité, pour tout ce qui touche aux mauvais traitements, me paraît être une finalité tout à fait légitime.

J'insiste sur le principe de finalité car la loi informatique et libertés exclut que des images soient utilisées pour une autre finalité que celle qui est initialement prévue. Un employeur qui aura, par exemple, installé des caméras pour surveiller un stock de matériels coûteux ne peut pas en visionner les images pour s'assurer de la productivité de ses salariés. Il est donc essentiel que les finalités d'un dispositif vidéo soient parfaitement établies. Peut-être serez-vous amenés, dans les conclusions de vos travaux, à déterminer les finalités qui pourraient être poursuivies par des systèmes de vidéosurveillance installés dans les abattoirs.

Deuxième principe : la proportionnalité. Tous les dispositifs qui relèvent de la loi de 1978 doivent être « proportionnés » par rapport à la finalité qui leur a été assignée. Quelle que soit cette dernière, la CNIL considère en général que ces dispositifs ne doivent pas conduire à placer des salariés dans un système de surveillance constante et permanente, sauf si des circonstances particulières le justifient, par exemple en raison de la nature de la tâche à accomplir. Très concrètement, et de façon assez casuistique, la délégation de la CNIL qui viendrait s'assurer du respect de ce principe vérifiera l'orientation des caméras, leur nombre, leurs horaires de fonctionnement, leur capacité à conserver les images, à enregistrer le son, la possibilité de visionnage à distance, etc..., autant d'éléments qui lui permettent d'apprécier la proportionnalité du dispositif par rapport à la finalité poursuivie et la nature des opérations effectuées. Par exemple, si l'objectif consiste à surveiller qu'il n'y a pas de vol à une caisse, la caméra doit être davantage orientée vers la caisse que vers le caissier lui-même. On pourrait tenir un raisonnement similaire si un dispositif de vidéosurveillance visait à éviter les maltraitances sur les animaux. En tout état de cause, le dispositif retenu doit évidemment limiter au maximum les atteintes à la vie privée des salariés.

Troisième principe : il est impératif d'informer les personnes filmées, qu'il s'agisse des salariés ou des visiteurs éventuels. Cette information se fait par affichage ou de manière individuelle. Le droit du travail prévoit également que les représentants du personnel sont consultés. Il ne peut y avoir de surveillance à l'insu des personnes qui doivent être informées des finalités du dispositif, ainsi que de leurs propres droits. Toute personne filmée dispose, au titre de la loi informatique et liberté, d'un droit d'accès à ses propres données, comme c'est le cas pour tous les fichiers. Elle peut demander à consulter les images où elle apparaît, voire à en obtenir une copie.

Dernier principe essentiel : la sécurité des données et la limitation du nombre de personnes habilitées à visionner les images enregistrées. Le responsable d'un dispositif de vidéosurveillance doit garantir la confidentialité de toutes les informations collectées qui ne doivent pas être diffusées. À l'instar de nombreuses autres obligations imposées par la loi informatique et libertés, la violation de ce principe de sécurité est sanctionnée pénalement. Il appartient au responsable en question de prendre des mesures, telles que la mise en place de codes d'accès ou de systèmes de traçabilité, afin d'éviter l'accès de tous aux images et leur circulation incontrôlée.

Selon la finalité de la vidéosurveillance, finalité qui constitue la pierre angulaire du dispositif, une réflexion devra donc être menée sur ceux qui seraient amenés à visionner d'éventuelles images filmées dans les abattoirs. S'il s'agit d'assurer la sécurité des travailleurs, on pourrait imaginer que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ait accès aux images ; s'il s'agit davantage de lutter contre la maltraitance subie par les animaux, les autorités sanitaires pourraient être compétentes.

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