Intervention de Joël Mergui

Réunion du 23 juin 2016 à 9h00
Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Joël Mergui, président du Consistoire central israélite de France :

Certes, mais peut-être la société imagine-t-elle que les bêtes sont endormies, alors que c'est tout de même par une tige perforante dans le crâne que les ovins et les bovins sont étourdis… Si j'ai parlé des loupés, c'est tout de même parce que la question peut se poser : alors que moins de 200 000 bêtes sont saignées chaque année par chekhita, près de 9 millions sont abattues par d'autres méthodes. Quel que soit le pourcentage, le nombre de loupés sera de toute façon supérieur à celui de bêtes abattues rituellement : la transparence exige de régler également ce problème, tout comme ceux liés à la chasse, à la corrida, etc. Et tout cela dans le même temps, et dans le cadre de la même commission, afin d'éviter toute stigmatisation.

Je fonde mon avis sur les analyses d'experts, notamment sur celles, qui remontent à moins de trois ans, du professeur Grandin. Certes, il n'est pas simple de savoir si la bête souffre ou non, d'établir avec précision la différence entre inconscience et insensibilité. Mais je pense avoir répondu techniquement en évoquant le polygone de Willis et montré que, dès lors que la saignée se fait correctement, du fait de la particularité anatomique des bêtes concernées par l'abattage rituel, le cerveau cesse immédiatement d'être irrigué ; or le cerveau étant le centre de la douleur, l'absence soudaine d'irrigation entraîne vraisemblablement l'insensibilité la plus rapide qui soit – et sans doute aussi rapide que si l'on donnait à l'animal un coup de pistolet, qui du reste pourrait provoquer d'autres dégâts en cas de raté…

Ensuite, nos experts religieux, dans l'islam comme dans le judaïsme, se concertent régulièrement sur la question. Il faut savoir qu'en Israël, où vit la plus importante communauté juive dans le monde et où il y a le plus grand abattage casher dans le monde – et où, comme ici, les députés sont régulièrement sollicités sur le sujet –, le foie gras a été interdit du fait qu'on fait souffrir les oies en les gavant. Eh bien, les mêmes députés, suivant les mêmes critères, n'ont pas interdit l'abattage rituel parce que toutes les études montrent que la saignée telle qu'elle est pratiquée selon la chekhita ne fait pas plus souffrir l'animal que dans un cadre conventionnel – indépendamment de tous les loupés dont le nombre s'élève ici, tout de même, à quelque 2 millions, soit autant de bêtes qui souffrent dans le silence général : si la tige, qui s'est enfoncée dans son crâne ne provoque pas l'étourdissement et qu'elle se prend ensuite un coup de couteau, la bête va inévitablement souffrir. Et même dans le cas d'un étourdissement réussi, j'y insiste, des études montrent qu'on ne peut pas connaître quels sont le degré d'inconscience et le degré d'insensibilisation.

Reste que la règle religieuse commande que l'animal soit vivant et conscient au moment de la saignée – et s'il est endormi, même si son coeur continue de battre, il n'est plus conscient. Du coup, elle n'est plus respectée. Or, je le répète quitte à me faire redondant, cette règle religieuse n'est pas contradictoire avec le bien-être animal.

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