Intervention de Anouar Kbibech

Réunion du 23 juin 2016 à 9h00
Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Anouar Kbibech, président du Conseil français du culte musulman, CFCM :

Pour le halal, nous nous finançons grâce aux ressources liées à la certification du sacrificateur par l'une des trois grandes mosquées agréées : mais à raison de 100 à 150 euros par an et par carte, cela ne va pas chercher très loin. De leur côté, les organismes du contrôle du halal (OCH) passent des accords privés avec les abattoirs : le pourcentage prélevé varie de 80 centimes à 1,20 euro par kilogramme.

Au-delà, vous avez certainement entendu parler de la volonté du CFCM de mettre en place une sorte de redevance du halal pour financer le culte musulman ; cette proposition a été reprise par certains hommes – voire par certaines femmes – politiques, étant entendu que le chiffre d'affaires global généré par l'ensemble du halal en France est de 5 à 6 milliards d'euros. Cette taxe ou redevance prendrait la forme d'un certain pourcentage qui viendrait s'ajouterait au prix au kilogramme, à l'image de ce qui se fait avec les produits que l'on trouve dans les rayons consacrés à l'« économie éthique » dans les grandes surfaces : moyennant un surcoût de 10 à 15 centimes, le consommateur a la garantie que les produits en question ne sont pas fabriqués par des petits Chinois ou par des mineurs employés dans des conditions un peu particulières. Un prélèvement de 5 à 10 centimes par kilogramme nous permettrait de lever des fonds conséquents pour financer les oeuvres de l'islam. Mais pour le moment, un tel système paraît encore un peu compliqué. En attendant, nous semblons plutôt nous orienter vers un système de contribution forfaitaire annuelle des acteurs du halal, notamment des trois grandes mosquées, qui serait collectée par une fondation ou un organisme spécialisé, ce qui éviterait d'avoir à éplucher les chiffres d'affaires des uns et des autres. L'idée commence à faire son chemin.

Vous m'avez ensuite interrogé sur la rémunération des sacrificateurs. Il faut bien les distinguer des contrôleurs dont il est hors de question – et c'est écrit noir sur blanc dans la charte du CFCM – qu'ils soient salariés par les abattoirs : ils ne sauraient être juge et partie, ils doivent conserver une certaine indépendance d'action et de jugement. Les sacrificateurs, en revanche, dans la mesure où ils participent à la chaîne d'abattage, peuvent être salariés de l'abattoir ; cela ne pose aucun problème dès lors qu'ils répondent aux conditions requises : être musulman, avoir été formé et être certifié par une des trois grandes mosquées agréées. Mais rien n'interdit qu'ils soient salariés par un OCH plutôt que par l'abattoir. Dans l'un ou l'autre cas, cela ne pose aucun problème déontologique. Les contrôleurs en revanche doivent conserver leur indépendance.

Vous constatez par ailleurs, monsieur le député William Dumas, qu'il y a de plus en plus de boucheries halal. Nous vivons dans un pays libéral où prévaut la règle de l'offre et de la demande. Or on observe un accroissement constant de la demande d'un halal certifié, rigoureux ; cela participe d'un regain de religiosité qui n'est du reste pas propre au seul culte musulman. Qui plus est, le consommateur musulman est sans doute de plus en plus averti : il existe désormais deux ou trois associations de défense des consommateurs musulmans, qui participent aux travaux du CFCM sur la charte halal. Elles ont par conséquent contribué à sensibiliser les fidèles et les consommateurs musulmans de plus en plus regardants quant à la traçabilité du halal.

J'en viens à votre dernière question sur l'abattage pendant les trois jours de l'Aïd. On constate alors, en effet, une très forte demande à laquelle nous faisons face en mettant en place des procédures de certification spécifiques. Un certain nombre d'imams, pourvus de la formation religieuse requise, suivent une formation préalable pour se mettre au niveau des exigences d'un sacrificateur et ils sont certifiés ponctuellement, pour les trois jours de l'Aïd, par une des trois grandes mosquées agréées. Sans cette certification, ils n'ont pas le droit d'exercer dans un abattoir. Il faut à cet égard saluer l'évolution opérée grâce, notamment, au travail de pédagogie du CFCM pour inciter les musulmans de France à étaler l'abattage de l'Aïd sur les trois jours et à ne plus le réserver au seul premier jour, afin de disposer d'une capacité d'abattage suffisante. Enfin, les conditions d'hygiène et de sécurité étant désormais assurées, les musulmans n'ont plus recours qu'à des abattoirs agréés – le mythe de l'abattage dans les baignoires est heureusement derrière nous.

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