Intervention de Michel Combes

Réunion du 29 juin 2016 à 9h30
Commission des affaires économiques

Michel Combes, président-directeur général du groupe SFR :

Je suis très heureux de participer à cette audition, en compagnie de M. Michel Paulin, directeur général du groupe SFR, en charge des activités télécoms, et de M. Alain Weill, directeur général du groupe SFR en charge des activités média et d'Altice Media.

Vous le rappeliez, vous receviez il y a un peu plus d'un an M. Patrick Drahi. Nous venons, dans la continuité de son audition, vous présenter les étapes que le groupe a franchies au cours des mois qui viennent de s'écouler, tant au niveau d'Altice que du groupe SFR. Le groupe Altice, très entrepreneurial, a noué des partenariats stratégiques avec M. Alain Weill, qui est président de NextRadioTV ; nous avons finalisé l'acquisition de Portugal Telecom ; nous sommes devenus le quatrième câblo-opérateur aux États-Unis depuis la semaine dernière, grâce au rachat de deux câblo-opérateurs, Suddenlink et Cablevision. En l'espace d'une douzaine de mois, le groupe a changé de dimension. Sa stratégie reste pourtant la même : c'est celle que M. Patrick Drahi vous avait exposée. Conçue dans les années 2000, elle s'organise autour des télécoms et, depuis cette époque, s'appuie sur le très haut débit, d'abord fixe, grâce au réseau câblé. Cette stratégie se poursuit et se matérialise aujourd'hui avec des investissements dans le réseau mobile, et plus généralement en jouant la carte de la convergence entre les télécommunications et les médias – c'est un des moteurs principaux de l'évolution de notre secteur. Nous ne sommes pas, comme on peut l'entendre, dans une logique de construction financière : il s'agit bien d'une stratégie industrielle, dotée d'une vision d'ingénieur, et je suis fier d'y avoir participé dès ses débuts – j'accompagnais à l'époque M. Patrick Drahi comme administrateur de son groupe.

Aujourd'hui, notre stratégie est claire et lisible : bâtir un acteur mondial dans le domaine des télécommunications et des médias, et qui se développe tant en France, où il trouve ses origines, qu'au niveau européen et au niveau mondial.

En 2016, le groupe devrait générer un chiffre d'affaires de 24 milliards d'euros, grâce à 50 000 collaborateurs, ce qui en fait un des acteurs majeurs du secteur des télécoms et des médias. Le pilier du groupe est évidemment SFR pour lequel existe une vision très claire, qui consiste à en faire le principal acteur de la convergence sur le marché français avec trois priorités. La première est l'investissement dans les réseaux, en particulier le très haut débit, pour lequel SFR avait pris un petit peu de retard sur ses principaux concurrents puisque, sur le réseau mobile, il ne couvrait, lors de son rachat, que 35 % du territoire. Il a donc été décidé de mettre les bouchées doubles et, fin 2015, ce chiffre était de 60 %, l'objectif étant d'atteindre 90 % pour la fin 2017. Ces chiffres sont confirmés par l'ARCEP, qui met, depuis plusieurs trimestres, SFR en tête sur le nombre de sites 4G déployés. Il reste néanmoins des progrès à faire sur la 2G et la 3G s'agissant des zones blanches et des zones d'intérêt touristique. Nous en sommes conscients.

Concernant le haut débit fixe, SFR est aujourd'hui le premier opérateur grâce à l'héritage de Numericable, héritage que nous développons chaque jour, y compris par des investissements dans la technologie FTTH (fiber to the home – fibre jusqu'au domicile). 8 millions de foyers sont aujourd'hui couverts par nos technologies et notre engagement est de couvrir 22 millions de foyers à l'horizon 2022.

Cette priorité aux réseaux se traduit également par une implication très forte dans les réseaux d'initiative publique (RIP), dans lesquels Numericable est historiquement très présent. Nous souhaitons maintenir cette présence soit en investissement, soit en commercialisation.

Pour illustrer le caractère prioritaire des réseaux, il faut signaler que, ces dernières années, SFR et Numericable dépensaient entre 1,6 et 1,8 milliard d'euros dans les réseaux. Cette année, nous dépenserons entre 2,2 et 2,3 milliards d'euros, niveau que nous maintiendrons les années prochaines.

La deuxième priorité du groupe est la mutation de la relation client à l'ère du numérique, afin d'en faire une expérience plus fluide et plus interactive. Aujourd'hui, nous avons encore 10 000 téléopérateurs dans le groupe alors que de très nombreux clients préfèreraient échanger avec nous grâce à leurs tablettes ou à leurs smartphones. Il y a donc une nécessité forte d'intégrer et d'adapter ces activités à ces nouvelles demandes. Nous avons hérité d'un ensemble d'entreprises très diversifiées, il est aujourd'hui urgent d'engager une phase d'adaptation et de transformation. Il n'est, par exemple, pas normal que cohabitent trois modalités différentes de commercialisation de nos services ; une rationalisation est certainement nécessaire.

La troisième priorité est de donner envie aux consommateurs de devenir clients chez SFR et pour cela, l'axe de différenciation retenu a été d'investir dans les contenus, ce sous toutes ses formes : presse, news, oeuvres de divertissement et sport.

Concernant la presse écrite, aujourd'hui dans une situation économique difficile, notre analyse est qu'il est possible de l'accompagner dans sa mutation technologique en valorisant des marques et des compétences très fortes – on peut ici citer les titres Libération et L'Express. Or, le principal problème de ces titres est la partie distribution : c'est pourquoi nous avons mis en place SFR presse, un kiosque numérique qui est intégré aux offres SFR et qui donne accès à l'ensemble des titres du groupe ainsi qu'à de nombreux autres titres, nationaux comme régionaux. 3 millions de clients ont aujourd'hui accès à cette application, dont la moitié l'a effectivement téléchargée.

S'agissant des news, je laisserai M. Alain Weil présenter notre offre puisqu'il en a été le créateur principal. Je veux toutefois souligner que nous développons l'offre télévisuelle avec, en plus de BFM et de BFM Business, BFM Sports et, à l'automne, le lancement de BFM Paris.

Concernant les oeuvres de divertissement, notre conviction est que les opérateurs de télécoms européens ont un rôle à jouer dans le financement des oeuvres audiovisuelles, qu'il s'agisse de films ou de séries, faute de quoi ce seront les opérateurs américains qui rempliront cette tâche avec des risques évidents pour la spécificité culturelle européenne et française. Nous sommes déjà un acteur majeur dans les séries en Israël et nous souhaitons faire bénéficier la France de cette expérience en coproduisant une série.

S'agissant du sport, enfin, je soulignerai qu'il s'agit d'un produit d'appel évidemment essentiel et il ne vous aura pas échappé que nous avons procédé à l'acquisition de nombreux droits sportifs.

Notre groupe est donc engagé dans une logique entrepreneuriale forte et audacieuse, confirmée par la nouvelle aventure américaine dans laquelle nous nous sommes lancés. Dans cette perspective, il est pour nous essentiel que l'Europe facilite l'émergence de champions européens capables de rivaliser avec les GAFA américains (Google, Apple, Facebook, Amazon) qui sont aujourd'hui en position dominante, ce qui risque de faire perdre à l'Europe son autonomie numérique.

Ainsi, le Brexit est-il une mauvaise nouvelle pour l'Europe et pour son économie, sauf à ce que cet événement permette à l'Union européenne de prendre conscience de la grave crise qu'elle traverse et provoque un salutaire sursaut. Je considère, en particulier, que la politique de la concurrence conduite actuellement est tout simplement suicidaire en ce qu'elle empêche la consolidation du secteur et ainsi l'émergence des acteurs puissants, que j'appelle de mes voeux.

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