Intervention de Philippe Lamoureux

Réunion du 22 juin 2016 à 9h00
Commission des affaires sociales

Philippe Lamoureux, directeur général des Entreprises du médicament, LEEM :

En premier lieu, il faut remettre en perspective la question du coût des médicaments dans la problématique globale du remboursement des médicaments. Depuis le début de la législature, les dépenses de remboursement sont restées stables et, si l'arrivée des nouveaux traitements contre l'hépatite C a suscité beaucoup d'inquiétude, la bosse financière qu'ont générée ces nouveaux traitements s'est quasiment résorbée en dix-huit mois. Autrement dit, le système a fonctionné, avec une enveloppe budgétaire parfaitement maîtrisée.

En deuxième lieu, quand nous raisonnons non plus en dépenses remboursées mais en chiffre d'affaires, force est de constater que celui de l'industrie pharmaceutique en France décroît. Je rappelle ici que le Parlement vote chaque année, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative (PLFSS), le fameux « taux L », fixé à -1 % depuis deux ans. On a ainsi inventé le concept de taxation de la croissance négative puisque, quand notre chiffre d'affaires baisse de 0,5 %, nous sommes amenés à verser une contribution, alors même que nous sommes en récession !

Enfin, le coût des traitements anticancéreux, qui mobilise beaucoup l'opinion aujourd'hui, ne représente que 2 % des dépenses de l'assurance maladie, et il est donc excessif de prétendre qu'ils la mettent en péril, d'autant que le médicament est la plupart du temps une solution efficiente en termes de coût, le prix des médicaments étant en France extrêmement bas ou du moins à un niveau concurrentiel par rapport aux quatre autres grands marchés européens que sont l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Italie et l'Espagne. Il n'y a pas d'exception française en matière de prix des médicaments.

Par ailleurs, les derniers PLFSS de la législature précédente comme ceux de la législature en cours témoignent d'une véritable « addiction » à la baisse du prix des médicaments pour boucler le budget : ne représentant que 15 % de la dépense de l'assurance maladie, nous assumons pourtant 50 % des plans d'économies votés chaque année par le Parlement. C'est une tendance qui, selon nous, touche à sa fin, car nous sommes au bout de la « falaise des brevets » ; de nombreux brevets vont tomber en 2017, après quoi le mouvement va se tarir. On sait en outre que le modèle du biosimilaire ne permettra pas des économies de même ampleur et que la baisse des prix, réitérée d'année en année pour un montant d'un milliard d'euros, menace aujourd'hui notre attractivité industrielle. Tandis que l'Allemagne et le Royaume-Uni ont renoué avec la croissance grâce aux innovations thérapeutiques, la France, dans un mouvement contracyclique, est en perte de vitesse.

Il nous faut donc trouver de nouveaux mécanismes. C'est ce à quoi nous avons réfléchi pour nourrir nos propositions. Nous venons d'abord de renégocier avec les pouvoirs publics un accord-cadre dans lequel nous avons essayé d'introduire un certain nombre de dispositions nous permettant d'aborder de façon plus sereine la problématique de l'innovation. Cela passe, d'une part, par le développement des études d'impact budgétaire, afin de mesurer, en marge de leur coût, l'efficience globale des médicaments dans le système de soins ; cela passe, d'autre part, par le développement d'une boîte à outils qui nous aide à adapter nos mécanismes de régulation aux différents traitements, selon qu'ils guérissent une pathologie mortelle, qu'ils transforment en maladie chronique une maladie grave ou qu'ils améliorent la qualité de vie des patients dans la durée. Nous entendons ainsi développer les contrats de performance, des mécanismes de remise adaptés au profil des produits, voire un système de fixation des prix ou du niveau de remboursement en fonction des indications thérapeutiques, sachant que les innovations thérapeutiques posent au système de santé un problème global en transformant en maladies chroniques des pathologies qui, jusqu'à présent, étaient fatales à très court terme.

Nous proposons ensuite que le Parlement vote demain un objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) pour le médicament qui soit au niveau de l'ONDAM général, c'est-à-dire 1,75 % : cela nous dispenserait sans doute d'évoquer comme nous le faisons aujourd'hui la question du coût de l'innovation. En effet, une telle révision de l'ONDAM injecterait dans le système de quoi financer les produits innovants.

J'insiste enfin sur le fait que, si l'innovation a un coût, elle est aussi une formidable chance de moderniser notre système de soins, pour peu qu'on aborde la question sous un angle plus large que celui du seul prix des médicaments innovants, car nous ne trouverons aucune solution en raisonnant en silo.

J'en veux pour preuve l'étude que nous avons menée sur l'introduction des anti- TNFα en Allemagne et en France, qui montre que l'Allemagne est parvenue à baisser sensiblement ses coûts de production en restructurant ses services de rhumatologie et en étendant l'usage de ces traitements à la médecine de ville, tandis que la France n'a pas touché à l'organisation de la rhumatologie et réservé l'usage des anti-TNFα à l'hôpital. En fin de compte, le coût de prise en charge des patients a baissé de 6 % en Allemagne, contre seulement 0,5 % en France. Une étude prospective de ce type sur le cancer de la prostate montre que, grâce à l'innovation, des gains d'efficience de l'ordre de 12 à 15 % sont possibles en matière de prise en charge des patients, dès lors que notre système se montre capable de capturer les économies générées par les innovations dans l'organisation des soins.

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