Intervention de Olivier Maguet

Réunion du 22 juin 2016 à 9h00
Commission des affaires sociales

Olivier Maguet, responsable de la campagne « Prix des médicaments » de Médecins du monde :

Nous sommes aujourd'hui à un point de rupture, qui révèle une logique de maximisation du profit s'appuyant sur une certaine conception de la valeur de la vie par l'industrie pharmaceutique. Il y a rupture aussi quant à la population concernée par ces médicaments innovants. Jusque-là, il s'agissait de marchés de niche ne concernant que quelques centaines ou quelques milliers de personnes. L'hépatite C touche plusieurs centaines de milliers de patients, et l'on compte 400 000 nouveaux cancers par an : je vous laisse en imaginer l'impact sur les comptes sociaux. Aujourd'hui, pour la première fois dans notre histoire, des critères d'inclusion concernant des traitements efficaces sont déterminés par des considérations budgétaires. Voilà ce qui nous a poussés à agir.

Je présenterai clairement à la représentation nationale les demandes de Médecins du monde. La première vise à modifier les articles du code de la sécurité sociale relatifs à l'organisation, au fonctionnement et aux mécanismes utilisés par le Comité économique des produits de santé (CEPS), afin de permettre une réelle participation des usagers du système de santé et des professionnels de santé. Je soulèverai également la question du secret industriel : nous débattons aujourd'hui sans pouvoir obtenir les sources ni les preuves des coûts réels effectivement supportés par l'industrie pharmaceutique – coûts qui doivent être légitimement pris en charge. Aujourd'hui, c'est parole contre parole. Il convient donc de renforcer la transparence.

La deuxième proposition que nous soumettons au législateur consiste à assortir le vote de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) d'une incitation forte à utiliser tous les outils juridiques à sa disposition, dont la licence d'office. Nous renouvelons notre demande que l'exécutif émette une licence d'office sur les antiviraux à action directe contre le virus de l'hépatite C, pour réagir au problème de rationnement auquel nous sommes confrontés, et, au-delà du cas de l'hépatite C, qu'il utilise cet outil pour envoyer un signal politique fort de remise à plat du mécanisme de fixation du prix des médicaments.

Enfin, nous demandons à la représentation nationale de créer une commission d'enquête – et non pas une mission d'information – sur la fixation du prix du médicament, comme l'ont fait vos collègues du Sénat des Etats-Unis. Cette commission d'enquête pourrait éventuellement être conjointe entre l'Assemblée nationale et le Sénat.

Nous croyons aux outils du droit. C'est pourquoi nous sommes très heureux que vous nous auditionniez. Nous avons utilisé le seul de ces outils qui était à notre disposition : une opposition au brevet. Nous informons donc que le procès opposant Médecins du monde au laboratoire Gilead aura lieu les 4 et 5 octobre à l'Office européen des brevets. C'est une première, dans l'histoire de la brevetabilité, qu'une organisation issue de la société civile – dans les pays de l'OCDE, en Europe et en France, en particulier – s'oppose à un brevet. L'audience sera publique car le magistrat de l'Office européen des brevets a considéré notre requête comme recevable. Nous ne contestons pas l'innovation mais le caractère d'inventivité d'un médicament breveté – qui est l'un des trois critères de la brevetabilité. Nous dénonçons aussi l'instrumentalisation du mécanisme de la brevetabilité par l'industrie pharmaceutique.

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