Intervention de Arnaud Schaumasse

Réunion du 29 juin 2016 à 18h30
Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Arnaud Schaumasse, chef du Bureau central des cultes au ministère de l'intérieur :

Les abattoirs temporaires sont particulièrement contrôlés par les 2 000 inspecteurs vétérinaires, parce que les opérations d'abattage qui y sont conduites ont un caractère symbolique fort et qu'elles obéissent à des processus moins routiniers. De plus, les sacrificateurs n'exercent pas toujours cette fonction tout au long de l'année. Il est donc indispensable de veiller au respect des règles d'hygiène et de santé animale, et ce dans la sérénité du vivre-ensemble républicain, afin de ne pas laisser prospérer les fantasmes que suscite parfois la fête de l'Aïd – on a ainsi pu entendre parler voici quelques années d'abattage dans les baignoires.

Il existe en France treize organismes de formation, dont sept ont, outre la compétence de formation des responsables de la protection animale (RPA), la compétence de formation à la mise à mort sans étourdissement. Pour le reste, les procédures sont les mêmes. Les cartes de sacrificateurs ne sont donc pas attribuées au hasard.

Les quatre organismes agréés demeurent libres de dialoguer avec les abattoirs, lesquels peuvent leur présenter des opérateurs susceptibles de répondre à leurs besoins. C'est à ces organismes qu'il appartient ou non de délivrer les cartes. Nous les aidons, quant à nous, à éviter la circulation de fausses cartes ou leur utilisation par des personnes autres que leur titulaire, et à éviter tout trafic – il s'agit, de ce point de vue, d'un pouvoir de police ordinaire. Le suivi a posteriori relève des inspecteurs vétérinaires, même si je constate comme vous qu'ils se sentent en sous-capacité pour exercer leurs fonctions. Quoi qu'il en soit, les 2 000 agents en exercice s'assurent sur le terrain que les choses sont bien faites.

S'agissant des exemples européens, madame Le Loch, je partage le regret du ministre : lorsque nous avons instauré la dérogation, nous n'aurions pas dû laisser la capacité de choisir ou non d'en bénéficier à l'autorité subsidiaire, mais plutôt choisir entre en faire ou non une compétence européenne – ce qu'elle devait être, selon moi. Les pays qui ont interdit l'abattage sans étourdissement préalable ou qui s'apprêtent à le faire, comme le Danemark, jouent tout de même une double partition, car ils interdisent ce type d'abattage sur leur territoire mais autorisent l'importation de viande provenant d'animaux abattus selon cette pratique, permettant ce faisant à leurs ressortissants de confession juive ou musulmane de consommer de la viande que les intéressés jugent conforme à leur foi. Autrement dit, cette mesure de protection du bien-être animal sert principalement à satisfaire le parti « animaliste » dont les voix sont nécessaires à la majorité, mais il n'est pas question d'aller au-delà. Cette position ne me paraît pas refléter un choix pleinement assumé.

Cependant, toutes les autorités religieuses ne sont pas sur la même longueur d'ondes : aux Pays-Bas, par exemple, les autorités musulmanes ont accepté par un contrat passé avec l'État le principe de l'étourdissement post-jugulatoire, qui permet d'abréger la période de souffrance. Si la mort de la bête n'est pas constatée dans les quarante secondes qui suivent l'incision, alors il peut lui être appliqué un choc électrique fatal. D'autres pays sont tout à fait hostiles à cette méthode. La Pologne a fait marche arrière après que le marché de la viande bovine a connu un recul de 60 % dans ce pays, sachant qu'il est un gros exportateur de viande casher. La Suisse, enfin, est le premier pays à avoir interdit l'abattage sans étourdissement, dès 1893, mais il existe naturellement des possibilités d'approvisionnement transfrontalier.

En tout état de cause, il me semble essentiel de réfléchir à la question du bien-être et de la souffrance des animaux en toute lucidité. Comme vous, je constate qu'elle fait débat entre scientifiques, qui produisent des rapports tout à fait contradictoires sur les modes d'abattage les plus violents ou qui provoquent les plus grandes souffrances. Le conseil supérieur du ministère de l'agriculture travaille sur ce sujet, qu'il faut examiner sereinement. Faut-il pour autant se réfugier derrière l'importation de produits venus d'autres pays, même si les viandes provenant de l'Union européenne présentent probablement les garanties nécessaires en matière de sécurité sanitaire ? Quoi qu'il en soit, il me semble que notre système offre un équilibre satisfaisant entre le respect des différents principes et le réalisme social et économique.

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