Intervention de Arnaud Schaumasse

Réunion du 29 juin 2016 à 18h30
Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Arnaud Schaumasse, chef du Bureau central des cultes au ministère de l'intérieur :

C'est exact.

Pour le reste, je crois aux vertus de la pédagogie et de la persuasion. Le guide que nous allons diffuser et qui pourra être téléchargé sur le site du ministère contient une partie liée à l'exercice temporaire de l'abattage au cours de l'Aïd. Cependant, le corpus juridique comprenant un tronc commun à toutes les activités d'abattage, le guide pourra être diffusé sur le terrain par les directions départementales de la protection des populations et par les préfectures dans le cadre du dialogue qu'elles entretiennent avec les conseils régionaux du culte musulman, l'idée étant que le respect partagé de ces règles et le fait que chaque acteur assume ses responsabilités contribuent à apaiser le débat, tant sur la question des abattoirs proprement dits que sur celle de la coexistence de diverses pratiques religieuses.

Peut-être peut-on expliquer le fait que certains responsables d'abattoirs se sentent moins concernés par les pratiques des sacrificateurs s'il s'agit de vacataires ou d'intermittents, en quelque sorte, qui n'exercent que ponctuellement et ne sont pas salariés par l'abattoir en question. La démarche d'appropriation des responsabilités, des pratiques et des outils est plus aisée lorsqu'un employé permanent est affecté à l'abattage rituel et lorsque l'organisation de l'abattoir tient compte de la réalité et des contraintes – de cadence, en particulier – qui y sont liées. Elle est plus difficile dans des structures plus petites, plus anciennes ou correspondant à un modèle économique différent, qui ne font appel aux sacrificateurs que lorsqu'elles en ont besoin et qui n'ont donc pas noué avec eux une relation de même nature.

C'est l'un des aspects de la réflexion sur les vertus et les faiblesses de l'abattoir de proximité. L'un des deux abattoirs concernés par des vidéos diffusées ce matin sur le site d'un grand quotidien national est l'une des dernières structures d'abattage d'ovins dans l'arrière-pays du département où il se trouve. Si le conseil départemental décide de soutenir cette structure, même si elle n'est évidemment ni la plus moderne ni la plus performante de France, c'est en vertu d'un choix qui répond à une réalité agropastorale locale. Cela n'empêche pas d'adopter des pratiques qui doivent devenir un réflexe. C'est en portant la bonne parole que nous y parviendrons, en insistant sur le fait que la protection animale n'est pas un élément secondaire mais qu'elle va de pair avec la sécurité sanitaire : on ne saurait se préoccuper d'abord de la qualité de la viande et ensuite de la condition de l'animal lors de son abattage. Dans leur dialogue avec les entrepreneurs et le personnel, les pouvoirs publics doivent présenter simultanément toutes ces dispositions, qui sont d'égale importance. Il faudra du temps.

Compte tenu du caractère particulier – et brutal – de cette activité, il est difficile de transposer des processus de formation continue et de diffusion de l'information comme cela se fait pour d'autres métiers plus standardisés. Il faut, en effet, tenir compte de circonstances pratiques particulières. Nous y parviendrons néanmoins : il n'y a aucune fatalité à se contenter de mettre en oeuvre comme on le peut des textes par ailleurs satisfaisants. Songez que le premier décret date de 1964, le deuxième de 1980 ; ce n'est qu'en 1978, soit quatorze ans après le premier décret, que l'on s'est aperçu que les trois quarts de la viande commercialisée provenaient de bêtes abattues sans étourdissement – or l'abattage rituel ne représentait évidemment pas 75 % de la viande consommée en France à l'époque. Il s'agit d'une matière complexe, mais nous devons continuer d'avancer.

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