Intervention de Amiral Charles-Henri du Ché

Réunion du 29 juin 2016 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Amiral Charles-Henri du Ché, directeur général adjoint des relations internationales et de la stratégie du ministère de la Défense :

Je remplace aujourd'hui M. Philippe Errera, directeur général des relations internationales et de la stratégie. C'est un honneur pour moi, d'autant plus qu'il s'agit de mon avant-dernier jour en tant que directeur général adjoint. Je serai bientôt remplacé par un autre marin, l'amiral de Bonnaventure. Comme je l'indiquais tout à l'heure à Mme la présidente je commets une infidélité car, alors que j'étais adjoint au préfet maritime de Brest il y a trois ans, je vais devenir préfet maritime à Toulon. Mais j'ai été bien formé à Brest ! (Sourires)

Il est d'ailleurs intéressant de noter que, dans le cadre de mes nouvelles fonctions à Toulon, je vais passer à l'application d'un certain nombre de sujets que je vais aborder aujourd'hui et dont je me suis occupé au niveau politico-militaire – je pense notamment à l'opération Sophia. Après m'être occupé des pathologies, je vais donc participer aux thérapies.

Je vous propose de débuter mon intervention en commençant par l'OTAN, même si le ministre de la Défense viendra vous en parler la semaine prochaine et que les choses auront avancé d'ici là puisque nous sommes dans la dernière ligne droite de certaines négociations. Je vais donc faire une sorte de point d'étape sur les négociations en cours, sur la façon dont la France intervient et sur ses préoccupations. Je passerai ensuite aux relations entre l'OTAN et l'Union européenne, puis je finirai par l'aspect purement européen, même si je suis un peu embarrassé car le Conseil est en cours ; comme vous l'indiquiez, Mme Mogherini a présenté sa stratégie globale hier, mais elle sera discutée plus en détail lors du Conseil du mois d'octobre. Je précise que je suis accompagné de M. Olivier Landour, chef du service Europe, Amérique du Nord et action multilatérale – OTAN, ONU, Union européenne –, et de son adjoint le colonel Fabien Mandon.

Le sommet de l'OTAN aura lieu les 8 et 9 juillet. Il s'agit d'un sommet très important du fait d'une conjoncture internationale tendue. Les 28 États membres ont donc le devoir de montrer leur solidarité et leur unité. Nous ne pouvons arriver divisés, ce qui n'est pas évident car tous les membres ne partagent pas les mêmes attendus. Comme au sein de l'Union européenne il s'agit de trouver des compromis. Les Français sont légitimes à peser sur les décisions car ils sont opérationnellement légitimes et n'hésitent pas à faire valoir leur propre vision. Certes nous nous exposons ainsi, mais nous sommes respectés car nous sommes souvent l'ombre portée d'un certain nombre d'autres pays.

Le sommet de Varsovie fait suite au sommet de Newport au cours duquel un certain nombre de décisions avaient été prises, notamment sur le RAP (Readiness Action Plan – plan d'action pour la réactivité) qui, en substance, vise à ce que l'Alliance soit moins statique et plus flexible. Cela convient bien aux Français, dont le système de défense est l'un des seuls à être aussi réactif, flexible et efficient avec ses différents systèmes d'alerte. En somme, on a essayé de transposer cette vision française au sein de l'OTAN. Ce RAP a été décliné via un certain nombre d'initiatives. Nous avons ainsi renforcé la NRF (NATO Response Force – Force de réaction de l'OTAN) en lui donnant plus de réactivité et en faisant en sorte qu'elle soit plus longtemps en alerte. Nous avons également inventé le concept de VJTF (Very High Readiness Joint Task Force – Force opérationnelle interarmées à très haut niveau de préparation) qui est un peu l'équivalent du dispositif Guépard. Plus récemment, nous avons mis en place les GRP (Graduated Response Plan), qui sont des plans de réaction graduée : six sont envisagés, deux sont actuellement en cours de création dont un pour la Bulgarie et la Roumanie, démontrant ainsi la volonté de prendre en compte les problématiques du flanc sud est de l'OTAN. Enfin, vous avez tous entendu parler de l'eFP (Enhanced Forward Presence – présence avancée renforcée) qui consiste à positionner des forces limitées dans des pays particulièrement exposés, notamment les États baltes et la Pologne. Il s'agit d'un sujet d'attention car nous devons nous assurer que cette présence reste à niveau raisonnable.

Les principaux attendus sont donc les suivants : montrer que l'on a avancé sur les décisions prises à Newport. Je rappelle que lors du précédent sommet, les 28 États membres avaient été très allants sur la question de l'augmentation des budgets de défense, ce que l'on appelle le DIP (Defence Investment Pledge – engagement en matière d'investissements de défense). De fait, en moyenne, on a atteint – heureusement – le plancher de la baisse des budgets. Certes cela ne concerne pas tous les pays, mais plusieurs États comme la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne ou encore la Pologne ont amorcé une remontée de leur effort en la matière. C'est essentiel car lorsque les menaces se multiplient, les initiatives pour les contrer doivent l'être également. Or avec des moyens en diminution, cela devenait absolument intenable. En termes d'investissement de défense rapporté au PIB, la France est le cinquième contributeur de l'OTAN sur 28 membres. En valeur absolue, nous sommes bien au-dessus.

La France a joué un rôle moteur pour promouvoir un certain nombre d'initiatives.

En matière de défense cyber (Cyber Defence Pledge), nous avons poussé tous les États européens à renforcer leurs capacités.

Nous avons également été actifs pour ce qui concerne le cadre maritime global, qui est par ailleurs un excellent vecteur de coopération entre l'OTAN et l'Union européenne.

Nous avons aussi beaucoup travaillé, notamment avec les Américains, sur le fait que l'OTAN n'était pas uniquement tournée vers l'Est, mais qu'elle était une organisation à 360°, à 28 pour 28. Cela a conduit à redéployer sur le flanc sud – est de l'Europe mais également Méditerranée – un certain nombre de moyens qui étaient un peu artificiellement poussés à l'Est.

Nous avons par ailleurs travaillé dans le domaine des relations avec la Russie. Nous avons été de ceux qui ont poussé pour la relance du dialogue OTANRussie. À ce titre, des réunions ont eu lieu en avril, qui se sont bien déroulées. Il a été proposé aux Russes d'organiser une réunion avant le sommet de Varsovie, ce qu'ils ont décliné. Elle aura lieu après le sommet, ce qui leur permettra sans doute d'apporter un regard critique a posteriori sur le sommet.

Enfin, nous avons beaucoup poussé pour redonner à l'OTAN sa culture nucléaire. En effet l'OTAN est une alliance nucléaire. Même si nous ne participons pas au comité des plans nucléaires, nous sommes très attachés à cette culture nucléaire notamment dans les circonstances présentes. Il faut donc remettre la doctrine nucléaire de l'OTAN à l'ordre du jour. Ce n'est pas facile car un certain nombre de pays européens sont ambivalents : ils sont à la fois très contents de disposer du parapluie américain mais, parallèlement, ils passent leur temps à affirmer qu'il faut désarmer. Cela demande beaucoup de négociations pour parvenir à un message ferme sans être agressif. Je souhaiterais maintenant développer cinq points de vigilance, qui font actuellement l'objet de négociations.

Sur l'eFP, la France n'y était pas opposée, notamment pour les Pays baltes. Nous avons contribué activement aux réflexions sur ce qu'est réellement le concept A2AD (anti accessanti denial). En substance, il existe des dénis d'accès et des dénis de zone. Le déni d'accès revient à interdire l'accès à l'un des membres de l'OTAN par une autre puissance. Le déni de zone relève du niveau tactique et revient à se faire interdire l'accès à une zone. Tous les moyens de défense aérienne modernes – S300, S400 par exemple – peuvent aujourd'hui interdire un accès. À cet égard, les Baltes présentent une position particulière et il est dès lors légitime d'y positionner un bataillon – qui est une structure très légère, 1 000 hommes environ – pour affirmer notre présence, marquer le territoire. Telle est la logique du trip-wire : si quelqu'un s'en prend aux États baltes, il s'en prend en réalité à l'OTAN ; d'où la présence d'une force internationale de l'OTAN sur place.

Nous avons donc collectivement accepté la mise en place de quatre bataillons avec une nation-cadre pour chacun des quatre pays concernés. Les choix ne sont pas encore totalement arrêtés mais je peux vous indiquer que pour l'Estonie, le Royaume-Uni devrait être nation-cadre ; pour la Lettonie il s'agirait du Canada ; pour la Lituanie ce serait l'Allemagne ; et pour la Pologne, ce devrait être les États-Unis. La nation-cadre sera le siège du bataillon qui sera une force multinationale tournante, et pas statique, ce qui constituerait presque une provocation vis-à-vis de la Russie. C'est tout un équilibre subtil qu'il s'agit de mettre en place : de la fermeté, mais pas de provocation inutile.

La France envisage de mettre à disposition l'équivalent d'une compagnie – de quel type, nous verrons. Nous travaillerons avec les Britanniques ou les Allemands, sans doute successivement avec les uns puis les autres. Les choses ne sont pas encore clairement arrêtées, ce sera le cas les 8 et 9 juillet prochains. Nous sommes par ailleurs très vigilants par rapport aux dérives financières que ce genre de nouvelle contribution pourrait entraîner. Comme vous le savez, la France s'inscrit dans la logique d'une OTAN crédible, c'est-à-dire une OTAN qui ne multiplie pas ses dépenses de manière inconsidérée, en particulier en créant des divisions, des brigades et des bâtiments pour les abriter. Nous sommes pour une OTAN qui dispose de forces vives capables d'être projetées partout à 360°, pour une OTAN flexible. Aussi l'aspect financier est-il pour nous très important, sachant que les dérives financières peuvent rapidement survenir.

Le deuxième sujet concerne la posture nucléaire de l'Alliance. Comme vous le savez, la posture nucléaire française se fonde sur une crédibilité de bout en bout : crédibilité des moyens, des systèmes, mais aussi de la façon dont notre pays accepte cette posture. Nous avons besoin de la même chose au niveau de l'OTAN si nous voulons qu'elle soit crédible ; sinon il s'agira d'une coquille vide. Nous avons donc plaidé pour l'adoption d'un langage ferme en ce sens dans le cadre du communiqué final. Ce langage est en cours de discussion entre les 28, avec les difficultés que j'évoquais tout à l'heure. Un certain nombre de pays sont en effet des « désarmeurs ». La France est évidemment favorable au désarmement, qui reste le but final. Mais dans l'intervalle, nous sommes partisans d'un langage ferme et équilibré.

Troisième point de vigilance : la défense antimissile balistique. Il s'agit d'une volonté américaine relevant de « l'Obama legacy » : le président américain souhaite à tout prix faire prononcer par l'OTAN, avant son départ, ce que nous appelons l'IOC (Initial Operational Capability), c'est-à-dire la première capacité opérationnelle de la défense antimissile balistique au profit des pays européens. La France a toujours souscrit à cet objectif, mais à une condition : que nous avancions sur le Command & Control (commandement et contrôle) – le C2 – avec un contrôle politique au bon niveau. Les négociations avancent, notamment en bilatéral avec les Américains auxquels nous faisons valoir notre conception de l'autonomie stratégique et l'importance d'un certain nombre de garanties sur la mise en place du C2. Les Américains se sont montrés assez ouverts et comme, par ailleurs, il est très important pour eux que le sujet soit présenté dans le cadre du sommet de Varsovie, nous devrions parvenir à une solution satisfaisante.

Quatrième point de vigilance : les affaires financières. Avec le groupe des pays dits réformateurs, comme le Royaume-Uni et le Canada par exemple, la France plaide en faveur d'un allègement de la structure de commandement de l'OTAN, la NATO Command Structure. Cette structure de commandement, que certains voient comme une « usine à gaz », compte encore 8 000 agents aujourd'hui contre 13 000 il y a quelques années et l'expérience française montre que l'on peut aller plus loin dans ses efforts d'« amaigrissement ». Ce que l'on a fait chez nous, pourquoi ne pourrait-on pas le faire à l'OTAN ? La France préfère que l'OTAN dispose de davantage de chars et de bateaux, et de moins d'effectifs dans les états-majors. Les pays réformateurs le comprennent bien, mais il y a aussi des pays qui « vivent de l'OTAN ». La France est en pointe sur ces questions, avec des arguments solides. Le déploiement de nouveaux bataillons comporte à cet égard des risques : avec la création de ces bataillons, la tentation est forte de développer aussi des structures supplémentaires d'état-major et de soutien. L'enjeu est de montrer que l'on peut mettre en oeuvre des modèles flexibles, plutôt que des modèles plus rigides, comme les pays de l'Est le voudraient pour leurs bataillons.

Cinquième sujet de préoccupation : le « flanc sud » de l'Alliance. Avec le soutien des Américains, nous plaidons pour que l'on ne présente pas l'OTAN comme tournée vers l'Est, mais « à 360 degrés ». Or ce « flanc sud » est un espace dans lequel l'Union européenne a vocation à intervenir en première ligne, notamment pour les affaires maritimes, et si l'OTAN n'a pas à la remplacer, elle n'en a pas moins une place complémentaire à celle de l'Union. C'est une situation parfois difficile à expliquer, mais nous avançons en ce sens. D'où, par exemple, la coopération que nous essayons de mettre en oeuvre entre l'opération européenne EUNAVFORMED Sophia et l'opération de l'OTAN Active Endeavour.

Le « flanc sud », c'est aussi l'Irak et l'Afghanistan. Aujourd'hui, une large part des moyens de formation des armées irakiennes est en Jordanie, mais avec les progrès du gouvernement irakien dans la maîtrise de son territoire, l'OTAN envisage de déplacer en Irak son dispositif de formation des forces irakiennes ; la France n'y est pas opposée. En Afghanistan, à dire vrai, la situation est différente. L'OTAN prolongera donc jusqu'en 2017 au moins son opération Resolute Support, avec un format de 10 000 à 15 000 hommes. Ce n'est pas rien, et cela aura un coût, car même si la France n'y participe pas, elle supporte environ 10 % de ce coût.

Voici les cinq sujets principaux de préoccupation pour la France dans l'actualité de l'OTAN. D'autres négociations en cours ne suscitent pas d'inquiétude particulière de notre part, comme celles sur la résilience. Reste, en général, à savoir comment le communiqué final du sommet de l'OTAN reprendra nos éléments de langage sur le nucléaire et le désarmement validés en format « quad », c'est-à-dire à quatre, mais pas encore adoptés à vingt-huit.

J'en viens à la coopération entre l'Union européenne et l'OTAN. Les Français sont, si j'ose dire, assez « en pointe » sur le sujet. Nous suivons une approche pragmatique, une démarche par petites touches, plutôt qu'une approche « top down », sur plusieurs sujets de discussion.

Le premier sujet concerne la coopération globale dans le domaine maritime. En la matière, comme en tout domaine, il faut garder à l'esprit le fait que quelle que soit la bannière sous laquelle ils sont engagés ‒ nationale, européenne ou de l'OTAN ‒, les moyens mis en oeuvre sont de toute façon les mêmes : une frégate engagée dans une opération française, une opération de l'Union ou une opération de l'OTAN, c'est toujours la même frégate… La duplication des moyens n'aurait donc pas de sens : nous n'en avons pas les moyens, et tout le monde s'en rend compte.

L'efficacité de l'opération Sophia était limitée au départ. Aux yeux des Français, l'objectif véritable de l'opération consistait à démanteler les réseaux de trafics d'êtres humains en Libye, où se joue une véritable catastrophe humanitaire. Pour prendre le problème à la source, il faudrait traiter le problème dans le milieu terrestre, en y démantelant les réseaux de passeurs ; ce serait la phase 3 de l'opération, or nous n'en sommes même pas encore en phase 2B, à savoir l'intervention dans les eaux territoriales libyennes. En effet, des États de droit comme le nôtre ne sauraient pénétrer sur le territoire d'un État, y compris dans ses eaux territoriales, sans son accord ou, à défaut, un mandat du Conseil de sécurité de l'ONU. Or Daech progresse en Libye – en partie du fait de son recul au Levant – avec ceci de particulier que Daech en Libye comporte une proportion de combattants étrangers encore plus élevée qu'au Levant, et reçoit des armes, en particulier par voie maritime.

Dans une telle situation, nous ne pouvions pas nous résoudre à ce que la force constituée pour l'opération Sophia n'intervienne pas. Nous avons donc soutenu la rédaction par les Britanniques d'une proposition de résolution du Conseil de sécurité, adoptée il y a deux semaines sous le numéro 2292, qui nous autorise à intervenir en haute mer sur les navires susceptibles de se livrer au trafic d'armes en direction ou en provenance de Libye. Désormais, nous pourrons inspecter un bateau même lorsque l'État du pavillon s'y opposera. De même, sous réserve d'un accord avec le gouvernement de Libye, nous pourrons assurer la formation des garde-côtes libyens.

La coopération entre l'OTAN et l'Union européenne sur le « flanc sud » passe notamment par l'échange de renseignement. L'OTAN conduit en effet une opération, appelée Ocean Shield, sur l'ensemble de la Méditerranée ; elle peut donc travailler main dans la main avec Sophia, notamment pour le renseignement. De même, l'agence FRONTEX travaille déjà avec l'opération de l'OTAN Active Endeavour.

Ainsi, l'Union européenne possède un éventail large d'outils, qui font d'elle la mieux placée pour intervenir en Méditerranée, tandis que l'OTAN dispose de moyens de renseignement : c'est là que se joue la complémentarité entre leurs actions. Cela ne concerne pas seulement la Méditerranée, mais aussi, par exemple, l'océan Indien, où la force de l'opération européenne Atalanta a travaillé régulièrement avec celle de l'opération de l'OTAN Ocean Shield, et continuera de travailler avec l'OTAN même après la fin prochaine de cette dernière opération.

Il y a d'autres domaines dans lesquels la coopération entre l'OTAN et l'Union européenne est fructueuse, comme la cyberdéfense et les menaces dites hybrides, pour lesquelles les réflexions croisées entre l'OTAN et l'Union européenne sont particulièrement riches.

Ainsi, de nombreux tabous sont tombés dans la coopération entre l'OTAN et l'Union européenne, à la faveur de liens noués sur les théâtres d'engagement.

Cela me conduit à aborder la « stratégie globale de l'Union européenne en matière de politique étrangère et de politique de sécurité », présentée hier par Mme Federica Mogherini, Haute Représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. S'il ne rend certes pas ce travail caduc, le contexte du Brexit a conduit le Conseil européen à demander à la Haute Représentante de poursuivre ses travaux pour en présenter le résultat à une date ultérieure, vraisemblablement au Conseil européen du mois d'octobre prochain.

Nous avons aussi apporté notre soutien à Mme Federica Mogherini dans la rédaction de cette stratégie, car ce document constitue un cadre utile et nécessaire, qui doit être adapté aux événements récents. Nous avons également besoin d'un autre cadre : ce que l'on appelle l'initiative européenne sur le renforcement des capacités des États tiers. Concrètement, il s'agit de pouvoir équiper les forces armées de nos partenaires après les avoir formées et entraînées ; aujourd'hui, l'Union consacre beaucoup d'énergie et de moyens à former des armées, mais elle n'a pas la possibilité juridique de pourvoir à leur équipement en aval de leur formation. Le blocage tient à une position de principe de certains services de la Commission chargés de la politique de développement, même lorsqu'il s'agit de matériels de protection, comme des gilets pare-balles. Cette situation est très regrettable ; j'ai moi-même discuté avec un colonel centrafricain, qui a regretté que son bataillon ne puisse pas opérer avec les mêmes matériels que ceux avec lesquels nous l'avions formé. Tous les États européens soutiennent cette initiative franco-allemande, et le Service européen d'action extérieure (SEAE) nous soutient également ; tous comprennent que notre objectif n'est pas de vendre des armes, mais de mettre en place pour l'Afrique une véritable démarche de ce que l'on appelle le « train and equip » (démarche cohérente d'entraînement et d'équipement).

Pour ce faire, il faut d'abord un instrument financier. Nous proposons de rendre plus souple l'emploi d'un fonds existant : l'instrument contribuant à la stabilité et à la paix (IcSP), mettant en avant le fait qu'il s'agit essentiellement de matériels de sécurité, et non de matériel de guerre. Je tiens à souligner l'importance que nous attachons à ce sujet, car c'est pour nous un sujet de mobilisation permanent, et de nombreux pays nous suivent et nous relaient dans nos demandes à la Commission. C'est un beau projet, auquel nous tenons.

Je vous propose de faire un tour d'horizon rapide des opérations en cours et des évolutions. Après le succès d'Atalanta, nous avons avec Sophia une autre opération qui devrait s'avérer efficace en Méditerranée. Un bâtiment français, l'Aconit, est en place depuis le 1er juillet et nous nous disposons à assurer une continuité pendant les mois à venir.

En République centrafricaine, nous sommes en train de terminer la montée en puissance de l'opération EUTM RCA, une mission européenne à laquelle contribuent de nombreux pays, qui devrait être opérationnelle début juillet. Elle est commandée par un Français, le général Éric Hautecloque-Raysz, et compte 170 soldats dont un bon nombre de Français. Nous en sommes à la dernière conférence de génération de forces et les choses se présentent bien. Dans le prolongement de EUMAM RCA, nous passons donc à EUTM RCA pour former des bataillons centrafricains, avec, toujours, le problème de l'équipement évoqué précédemment.

L'Union européenne a joué un rôle essentiel dans la formation de l'armée malienne et EUTM Mali est un succès. Nous souhaitons à présent y inclure les pays du G5 Sahel, Mali, Tchad, Mauritanie, Burkina Faso et Niger, au sein desquels se déroule l'opération Barkhane, afin que cette formation ne demeure pas uniquement l'affaire des Occidentaux.

Nous sommes par ailleurs dans la réforme de la partie « gestion de crise » du Service européen pour l'action extérieure. Nous menons actuellement des discussions avec le secrétaire général adjoint, M. Pedro Serrano, car, si nous souhaitons plus de cohérence, nous ne souhaitons pas que l'état-major militaire de l'Union européenne soit fondu au sein de la structure de gestion de crise de l'UE, le Crisis management and planning directorate (CMPD). Nous estimons en effet que l'expertise militaire doit rester distincte, comme c'est d'ailleurs le cas dans l'OTAN ou les opérations françaises. Il n'est pas de défense européenne sans capacités et sans industrie, tant il est vrai que la recherche et le développement dans le domaine militaire sont la base d'une BITD européenne. Les choses avancent, notamment en ce qui concerne l'action préparatoire à la recherche en PSDC avec l'attribution de 90 millions d'euros sur trois ans, alors que 80 avaient été demandés.

Nous avons également fait entendre notre voix sur le contenu du plan d'action européen pour la défense, un plan à long terme de recherche et technologie pour la défense européenne, notamment dans les domaines de la coopération spatiale et de la surveillance maritime, deux domaines consensuels.

La stratégie spatiale militaire est portée par les avancées civiles de ce secteur dual. C'est également le cas du ciel unique européen qui doit prendre en compte l'augmentation du trafic aérien civil et les besoins militaires. Sur ce point les militaires européens sont soudés pour éviter qu'une législation civile ne mette trop d'obstacles au vol et à l'entraînement des avions de chasse, voire des drones qui devront, à terme, être insérés dans le ciel unique européen.

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