Intervention de Nadine Randon

Réunion du 5 juillet 2016 à 9h30
Commission d'enquête sur la fibromyalgie

Nadine Randon :

FibromyalgieSOS est une association de type loi de 1901, fondée en avril 2005 et agréée en 2014 au niveau national par le ministère de la santé. Elle a été créée pour sortir de l'isolement les malades atteints de fibromyalgie et les renseigner au maximum, au moyen d'un forum et d'un site très documenté conçus par l'ancien président : internet permettait d'aider efficacement les malades en manque de renseignements et bien souvent incapables de se déplacer.

En 2008, nous avons mis en place un numéro d'appel unique, avec une permanence téléphonique de grande amplitude, tenue par des bénévoles toutes atteintes de fibromyalgie et formées à l'écoute – cette permanence reçoit environ 1 000 appels par an. Nous organisons des réunions locales et des permanences dans les hôpitaux – bien entendu ouvertes à tout malade, ainsi qu'à sa famille et ses amis, et gratuites. Nous répondons quotidiennement à tous les mails sans distinction.

Nous apportons aide administrative, soutien et écoute à tout malade et à sa famille, que ces personnes adhèrent ou non à notre association. Nous diffusons une newsletter à plus de 6 500 contacts et envoyons très régulièrement des informations à nos adhérents : comptes rendus de toutes les actions, réunions, congrès, conférences, articles médicaux, journaux, etc.

Nous mettons aussi à la disposition de nos adhérents une liste de contacts sur laquelle sont inscrites les coordonnées réduites des adhérents qui ont accepté d'y figurer – bien entendu, il ne s'agit pas du fichier des adhérents, dont les informations sont protégées par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Cette liste classée par régions et départements favorise les échanges d'informations médicales régionales, ainsi que d'éventuelles rencontres.

Vous l'avez compris, notre but est d'informer, aider et soutenir les malades, mais aussi de faire connaître la fibromyalgie. Pour cela, nous avons également publié un livret d'information, constituant la synthèse de documents médicaux et de recherche ; créé en 2008, mis à jour en 2010 et en 2013, il a été relu et corrigé par le professeur Perrot, du centre d'évaluation et de traitement de la douleur (CETD) rattaché à l'Hôtel-Dieu et à Cochin.

Il est distribué gratuitement à chaque adhérent, ainsi qu'à deux thérapeutes de son choix – car nous savons que nombre de médecins se trouvent démunis devant la fibromyalgie. Dans toute pathologie, mais sans doute encore plus pour la fibromyalgie, la relation patient-médecin est importante : il est donc appréciable que l'un et l'autre puissent engager le dialogue sur la base du même support d'information, ce qui nous est confirmé par les très bons retours qui nous parviennent. Ce livret a été remis à chacun des membres de la commission.

Nous organisons des conférences et participons à des congrès et salons. Depuis 2010, nous tenons notamment un stand au salon des Thermalies. Durant quatre jours, nous renseignons environ mille personnes et avons des contacts avec les établissements thermaux. Nous nous informons sur les nouveaux programmes de cures thermales spécifiques à la fibromyalgie et les informations recueillies sont mises à jour sur notre site et envoyées à nos adhérents, qui disposent ainsi d'informations détaillées et actualisées.

Nous travaillons en étroite collaboration avec les établissements thermaux, mais en complète indépendance vis-à-vis d'eux. Nous avons participé aux groupes de travail sur le programme d'éducation thérapeutique du patient (ETP) pour les cures « fibromyalgie » avec le Conseil national des établissements thermaux (CNETh) et l'Association française pour le développement de l'éducation thérapeutique (AFDET). Nous pourrons approfondir le sujet des cures thermales si vous le désirez car nous avons remarqué, lors des auditions précédentes, que les informations sur ce point semblaient faire défaut.

La prise en charge multidisciplinaire étant recommandée pour la fibromyalgie, nous mettons l'accent sur les cures thermales, mais aussi sur d'autres formes de prise en charge telles que les thérapies cognitivo-comportementales (TCC), la balnéothérapie, l'ostéopathie, l'hypnose, le reconditionnement à l'effort, sans oublier la sophrologie, la relaxation, la méditation, la naturopathie, la nutrition, etc. Certaines de ces thérapies ne sont malheureusement pas remboursées par les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) et les mutuelles ; aussi de nombreux malades ne peuvent-ils y avoir accès faute de moyens financiers. Je précise que de nombreuses structures antidouleur ne proposent pas ces programmes, soit par choix, soit par manque de dotations financières ; nous avons donc négocié avec certains thérapeutes des tarifs préférentiels pour nos adhérents, bien entendu sans en tirer aucun bénéfice : seul compte pour nous de permettre un accès plus facile à ces soins pour les malades.

Parmi les problèmes rencontrés par les personnes atteintes de fibromyalgie, il y a la mauvaise prise en charge et le scepticisme des médecins, notamment des médecins-conseils. Notre association a vocation à renseigner les malades et à leur faire prendre conscience que les médicaments ne sont pas la panacée, et nous avons été ravies de constater que ce dernier point semblait faire l'objet d'un consensus au cours des auditions précédentes. Nous sommes bien souvent effarées des cocktails de médicaments prescrits : comment se prendre en charge quand on est transformé en zombie ? Comme cela a été dit, ces prescriptions à long terme de médicaments peuvent même aggraver l'état des fibromyalgiques.

Une bonne prise en charge peut éviter la perte de travail, l'invalidité, voire le fauteuil roulant. La fibromyalgie seule ne doit pas mener au fauteuil roulant, car elle ne provoque pas de lésions, mais il arrive que certaines personnes se trouvent réduites à cette extrémité en raison d'autres pathologies ou d'une mauvaise prise en charge. Il est cependant possible de recourir au fauteuil roulant lorsqu'une personne a des difficultés pour rester debout ou pour marcher longtemps, et que cela la gêne dans sa vie sociale – pour accompagner sa famille lors de sorties ou pour visiter des expositions, par exemple. Seulement 1 % des personnes ayant répondu à une enquête que nous avons menée, et dont je parlerai tout à l'heure, utilisent quotidiennement le fauteuil, et 5 % de façon occasionnelle. Quant à la canne et au déambulateur, 17 % ont répondu en faire usage.

La fibromyalgie ne provoquant pas d'inflammation, il est surprenant de constater des prescriptions d'anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) dans 54 % des cas, et de corticoïdes dans 13 % des cas. Dans 9 % des cas, il est prescrit de la kétamine, alors même qu'il n'existe aucune étude démontrant sa supériorité sur un placebo dans le traitement de la fibromyalgie et en dépit des effets secondaires non négligeables que peut avoir cet anesthésiant – hallucinations, changement de personnalité, paranoïa, voire idées suicidaires. Il est très difficile de se sevrer de ce produit classé parmi les stupéfiants et nous avons malheureusement connu, au sein de notre association, un cas de passage à l'acte sous kétamine. Il faut « être acteur de sa maladie » et ne pas attendre le médicament miracle qui n'est malheureusement pas près d'être mis sur le marché.

Il est également important d'arriver à vivre avec une pathologie chronique : c'est, avec le sommeil, la qualité de vie ou les médicaments, l'un des thèmes abordés dans les programmes d'éducation thérapeutique du patient. Au sein de l'association, nous développons notre capacité à participer aux programmes d'ETP, puisque trois de nos bénévoles ont suivi la formation de patients experts, et deux d'entre elles interviennent dans les programmes d'ETP en cure thermale, dont Mme Baron, ici présente.

En ce qui concerne les médecins très « fibrosceptiques », notamment certains médecins-conseils, ils peuvent détruire un malade. Certes, ces médecins-conseils sont là pour étudier un dossier et défendre les intérêts de l'État, mais en principe ils sont aussi – et même avant tout – médecins, et devraient donc être à l'écoute du patient ! Il est totalement aberrant et révoltant que certains puissent se montrer odieux envers des malades, au point de les déstabiliser totalement et de les pousser au suicide, comme cela a malheureusement déjà été le cas.

Le suicide est une blessure qui reste ouverte en permanence au sein de notre association, car ce drame nous a frappés à plusieurs reprises, qu'il soit provoqué par la prise de kétamine, à cause de l'attitude d'un médecin-conseil ou simplement parce que les souffrances physiques et morales ont eu raison de la résistance d'un malade – nous avons connu une personne qui a demandé un suicide assisté en Suisse.

Notre enquête permet d'avancer des chiffres sur la question du suicide. Bien entendu, les chiffres réels sont certainement plus élevés que ceux résultant de notre enquête, puisque seules les personnes ayant survécu à leur tentative de suicide ont pu répondre à notre questionnaire… Quoi qu'il en soit, 20,5 % des répondants déclarent avoir des idées suicidaires peu fréquentes ; ces idées sont fréquentes pour 15,6 % et très fréquentes pour 3,5 %. Par ailleurs, 7,7 % des personnes ayant répondu à notre enquête ont fait au moins une tentative de suicide, contre 5,5 % pour l'ensemble de la population française selon le Baromètre santé 2010.

Le but de FibromyalgieSOS est également d'aider la recherche clinique. Pour ce faire, sous le parrainage de l'Association française de lutte anti-rhumatismale (AFLAR), à laquelle nous sommes affiliés, nous avons mis en ligne une grande enquête ; des scientifiques tels que les professeurs Serge Perrot, Pascale Vergne-Salle, Christian-François Roques, Françoise Laroche, et d'autres médecins nous ont aidés dans l'établissement du questionnaire.

Une partie importante est consacrée à la place du travail chez les fibromyalgiques, une interne en médecine du travail faisant sa thèse de doctorat sur le sujet. Le questionnaire de notre enquête inclut également des items du Questionnaire d'impact de la fibromyalgie (QIF –FIQ en anglais) et du Fibromyalgia rapid screening tool (FiRST). Ces questionnaires proposent une aide au diagnostic pour une prise en charge meilleure et plus précoce, mais aussi en vue d'une utilisation en recherche clinique.

Le QIF a été recommandé par l'Académie de médecine dans son rapport de 2007 et le FiRST a été mis en place en 2010 par les professeurs Serge Perrot et Didier Bouhassira du Cercle d'étude de la douleur en rhumatologie (CEDR). Vous pouvez retrouver ces questionnaires sur notre site web, où ils ont leur place depuis leur création, et nous les mentionnons également dans nos documents d'information.

L'enquête comprenant 423 questions a été mise en ligne par la société Sanoïa, symboliquement lors de la journée mondiale de la fibromyalgie le 12 mai 2014 et jusqu'au 15 septembre 2014 ; en quatre mois, dont deux mois d'été, nous avons recueilli 4 536 réponses dont 4 522 exploitables, ce qui prouve que les personnes atteintes de fibromyalgie sont très désireuses d'apporter leur témoignage afin d'aider la recherche, comme nous l'avons déjà constaté lorsque nous proposons des participations à diverses études.

Cette importante base de données, unique à ce jour en France, intéresse les chercheurs, et des publications scientifiques sont en cours, comme l'a indiqué le professeur Perrot lors de son audition, notamment en ce qui concerne l'impact de la fibromyalgie sur le travail. Ces résultats ont été présentés par FibromyalgieSOS aux Rencontres nationales sur les rhumatismes (RNR) de décembre 2015 ; chaque membre de votre commission a été destinataire de cette présentation qui en fait ressortir les grandes lignes.

La partie « travail » y a été très peu abordée, car elle faisait partie d'une présentation séparée, plus approfondie. Afin de faciliter la lecture de l'analyse et une meilleure diffusion, nous avons élaboré une synthèse des résultats sous la forme d'une collection de trois brochures « Les malades ont la parole », dont un exemplaire a également été remis à chacun d'entre vous. La brochure n° 1 concerne l'épidémiologie, le diagnostic et les symptômes, la brochure n° 2 la prise en charge, la brochure n° 3 les conséquences et répercussions. Ces brochures, offertes à nos adhérents et à deux de leurs thérapeutes s'ils le désirent, ont été distribuées à grande échelle aux établissements thermaux et lors de congrès et de salons. Elles sont aussi envoyées à tout médecin ou scientifique qui en fait la demande ; il en est de même pour l'analyse complète qui vous a été adressée par mail.

Une lettre ouverte a été adressée à tous les députés, présentant la problématique de la fibromyalgie à travers l'enquête de FibromyalgieSOS, et des campagnes de presse ont été lancées, tout ceci dans le but de faire connaître la fibromyalgie et d'informer au maximum sur le vécu des malades. Nous espérons que ces résultats vous aideront à mieux appréhender les problématiques rencontrées par les malades et nous sommes prêtes à répondre à vos questions.

En conclusion, j'aimerais vous faire part d'un témoignage recueilli hier soir sur notre forum, particulièrement révélateur des problèmes que les malades peuvent rencontrer dans leurs relations avec les médecins. Une personne qui venait de consulter son médecin afin de disposer d'un regard neuf sur sa maladie s'est ainsi entendu répondre, lorsqu'elle a évoqué le « cocktail » migraine-dépression-fibromyalgie dont elle souffre, des mots tels que ceux-ci : « cette soi-disant maladie qui n'en est pas une », « si vous aviez un cancer, ça serait différent, c'est une vraie maladie », « sortez, vous oublierez vos douleurs, et si vous avez mal au moins vous saurez pourquoi », « vous vous complaisez dans votre soi-disant état de maladie », « pourquoi avez-vous besoin de la compréhension de votre entourage, vous vous en fichez s'ils ne comprennent pas »… Cela se passe de commentaires, mais la personne concernée nous a confié qu'en rentrant chez elle, elle est restée prostrée un moment avant de connaître un violent sentiment de rage et de dégoût.

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