Intervention de Olivier Masson

Réunion du 5 juillet 2016 à 9h30
Commission d'enquête sur la fibromyalgie

Olivier Masson, secrétaire du collectif Fibro'Actions :

Parce que la pathologie se définit par éliminations successives, les patients atteints de fibromyalgie connaissent une errance diagnostique assez longue. Ce temps, qui a son importance puisqu'il permet de ne pas passer à côté de maladies beaucoup plus graves, va diminuant ; il est désormais de cinq à six ans en moyenne. Il peut y avoir des approches diagnostiques par l'absurde : des médecins prescrivent des médicaments « pour voir », affinant ensuite leur diagnostic selon que les médicaments prescrits ont eu un effet ou n'en ont pas eu. J'ai du mal à cautionner de telles pratiques.

Le temps nécessaire à la détermination du diagnostic peut être relativement serein pour les malades car, sur le plan administratif, ils ont tous leurs droits, mais les difficultés commencent lorsque le diagnostic est posé. À ce moment, les malades sont soumis à une loterie, leur sort dépendant des avis sur la maladie – sinon des croyances – des médecins auxquels ils ont affaire, et de leurs critères d'évaluation. Pour les médecins-conseil de l'assurance maladie, nous ne sommes pas « malades » : nous avons un « syndrome ». Cela pose un grave problème. Il en va de même pour les médecins des assurances complémentaires. Avec les médecins du travail et ceux des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), les choses, en général, se passent mieux car ils se fondent sur un handicap défini.

Ce flou artistique a pour conséquence une propension à faire valoir le diagnostic de syndrome dépressif, stratégie de contournement qui donne droit à un congé de longue durée et à une meilleure prise en charge que celle à laquelle peuvent prétendre les malades fibromyalgiques, sans que nous comprenions pourquoi. Cette pratique a été confirmée par certains des médecins que vous avez auditionnés. Des chiffres que nous avons rassemblés, il ressort que 95 % au moins des malades fibromyalgiques pris en charge le sont parce qu'ils sont déclarés dépressifs, le syndrome fibromyalgique étant considéré associé à la dépression. Il semble que nul ne soit pris en charge pour la fibromyalgie seule.

Le fait que, tels des balles de ping-pong, les malades soient renvoyés de médecin en médecin aux positionnements différents a parfois un effet tragique. Le recensement du suicide chez les fibromyalgiques échappe à la statistique, mais les données que nous avons rassemblées dans nos associations font apparaître un taux annuel de 2,5 pour mille – tentatives de suicide et suicides confondus. Pour mémoire, la prévalence du suicide est de 17,5 pour 100 000 individus dans la population générale en France.

Lorsqu'un patient fibromyalgique a la chance d'avoir une activité professionnelle, il doit entreprendre un nouveau parcours du combattant pour obtenir que cette activité soit adaptée à son état. Les travaux physiques sont d'évidence hors de sa portée, mais la difficulté n'est pas moins grande pour les travaux intellectuels car, sans que l'on sache si c'est à cause de la maladie ou parce qu'ils sont en permanence souffrants et épuisés, les malades atteints de fibromyalgie éprouvent les plus grandes difficultés à se concentrer. Outre cela, leur état varie au cours de la journée. Les employeurs doivent donc faire preuve d'une extrême souplesse ; on comprendra qu'ils préfèrent avoir affaire à un salarié atteint d'un handicap consolidé plutôt qu'à un salarié fibromyalgique dont l'affection est bel et bien consolidée mais dont les manifestations quotidiennes sont fluctuantes. La seule adaptation proposée est bien souvent le travail à temps partiel ; cela entraîne une perte de revenus qui n'est pas acceptable par tous les malades.

L'instant où le diagnostic de fibromyalgie est posé est donc un moment de grand soulagement mais aussi celui où les ennuis commencent. Ainsi, beaucoup d'assurances locatives considèrent la fibromyalgie comme une cause d'exclusion – alors même que la maladie n'est pas reconnue ! Mais, souvent les assureurs sont des précurseurs... La plupart des assurances considèrent que la fibromyalgie ne donne pas droit à compensation en cas d'arrêt de travail de longue durée ; c'est aussi le cas pour la dépression. Il est paradoxal qu'un malade soit couvert par son assurance jusqu'au jour où le diagnostic est porté, et qu'après cela il ne le soit plus.

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