Intervention de Nicolas Vignali

Réunion du 5 juillet 2016 à 9h30
Commission d'enquête sur la fibromyalgie

Nicolas Vignali, vice-président du collectif Fibro'Actions :

Lorsque nous avons été reçus par la cellule d'écoute du Conseil national de l'Ordre des médecins, en décembre 2015, voici ce qui nous a été dit : « C'est une sorte de déni de la part des médecins. Il ne faut pas essayer de faire connaître la maladie mais combattre ce déni. Le médecin a horreur de l'échec : ce n'est pas la connaissance de la maladie qui est en cause, c'est son déni, et les médecins vont même jusqu'à simuler la méconnaissance. » Et encore : « C'est une responsabilité énorme pour le médecin de coller l'étiquette de fibromyalgie à un patient, car cela signifie maladie non curable et très difficile » Mais aussi : « Le médecin évite de pêcher par excès. Il est difficile pour un médecin de diagnostiquer une fibromyalgie – contrairement à une spondylarthrite ankylosante, pour laquelle il y a des marqueurs ; cela peut aussi contribuer à nier la maladie. »

Non seulement les généralistes n'osent pas prononcer le diagnostic, mais certains, nous a-t-il été dit clairement, ne veulent pas de nous dans leur patientèle car recevoir un fibromyalgique suppose de lui consacrer une quarantaine de minutes quand une consultation « ordinaire » dure entre sept et huit minutes en moyenne. Le temps étant de l'argent, ces médecins font tout pour que nous partions et, en nous disant que nous ne sommes pas malades, ils sont certains que nous ne reviendrons pas, si bien que nous errons de généraliste en généraliste. Pour ma part, j'en ai consulté vingt-deux pour avoir un diagnostic ; les quatre derniers ont confirmé le pré-diagnostic que j'avais établi en faisant mes propres recherches sur Internet. On comprend que, dans l'intervalle, n'importe qui puisse entrer en dépression… De nombreux médecins ne veulent surtout pas nous prendre en charge parce qu'ils ne savent comment nous aider et qu'ils ne supportent pas d'être en échec. Il est plus facile de soigner une gastro-entérite ou une grippe qu'un patient fibromyalgique, et cela prend moins longtemps : il y faudra des années, et les résultats ne seront pas excellents.

Au moins faudrait-il que les médecins généralistes qui ne veulent pas de nous nous dirigent vers un centre anti-douleur mais ils ne le font pas systématiquement, soit qu'ils ignorent leur existence, soit qu'ils sachent que certains sont en passe de fermer ou que la faiblesse de leur budget ne leur permet pas de proposer la prise en charge pluridisciplinaire qui, au moins, fonctionne un peu, mais seulement un traitement médicamenteux.

Une fois le diagnostic posé, nous nous trouvons donc à nouveau en errance. L'injonction principale s'apparente à un « débrouillez-vous », quand on ne s'entend pas dire que la fibromyalgie n'existe pas et que tout est « dans notre tête ». Renvoyer ainsi la « faute » de son état à un malade dont la vie est chamboulée et qui n'a vraiment pas besoin de cette épreuve supplémentaire me paraît douteux sur le plan déontologique.

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