Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Séance en hémicycle du 13 juillet 2016 à 15h00
Validité des habilitations des clercs de notaires — Présentation

Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice :

Monsieur le président, madame la rapporteure de la la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mesdames et messieurs les députés, cette proposition de loi répond à une inquiétude partagée sur tous les bancs. Plusieurs parlementaires ont en effet saisi le Gouvernement et il ne doute pas qu’à l’Assemblée nationale, comme le 29 juin dernier au Sénat, elle fera consensus.

Le sujet a d’ailleurs déjà été traité par votre assemblée à l’occasion de l’examen du projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, et plus particulièrement de son article 51 ter B. Mais si cet article répondait aux difficultés rencontrées, l’échec de la commission mixte paritaire l’a rendu caduc.

Quels sont les faits ? Où réside le problème ?

La loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, a abrogé l’article 10 de la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat. Ce faisant, elle a supprimé la possibilité pour les notaires d’habiliter certains de leurs clercs de notaires assermentés à l’effet de donner lecture des actes et des lois ainsi que de recueillir les signatures des parties. En effet, dans certaines études notariales, les clients ne voient jamais le notaire et n’ont de contacts qu’avec les clercs habilités.

L’objectif de cette abrogation était de susciter dans les offices un accroissement du besoin de notaires en exercice et, corollairement, une intégration progressive à la profession de notaire des clercs habilités.

Au 1er janvier 2015, on dénombrait 9 558 clercs habilités dans les offices, soit 20 % de l’effectif total des salariés, hors notaires salariés ; 3 992 d’entre eux ne remplissaient pas les conditions pour être nommés notaires, dont 1 330 n’étaient pas non plus titulaires du diplôme de premier clerc ou d’un diplôme de l’Institut des métiers du notariat. Ces clercs habilités ne remplissant pas les conditions pour être nommés notaires sont généralement des femmes, habilitées pour la plupart depuis une dizaine d’années.

Pour que ces personnes accèdent à la profession de notaire, il était nécessaire de prendre des mesures réglementaires d’accompagnement, notamment avec un dispositif de validation des acquis de l’expérience – VAE.

Dans cette perspective, le Gouvernement a défini une passerelle ouverte aux clercs habilités qui remplissent certaines conditions de durée d’expérience et, le cas échéant, de diplômes. Cette passerelle permet l’accès aux fonctions de notaire aux personnes justifiant avoir exercé les fonctions de clerc habilité pendant une durée significative, ou pendant une durée plus réduite mais sous réserve de réussir un examen portant sur les connaissances techniques.

Cette passerelle permettra donc d’ouvrir l’accès à la profession et constituera une alternative sociale pour les clercs habilités. La fin de l’habilitation signifierait en effet pour ces personnes le retrait d’une partie de leurs compétences, et pour leurs employeurs la privation de personnels compétents. Cela risquerait d’induire des problèmes sociaux, notamment en termes de licenciement ou, à tout le moins, de rétrogradations. L’accès à la profession de notaire est au contraire la valorisation certaine d’une expérience professionnelle réelle et d’une véritable expertise dans des domaines spécifiques – droit de l’immobilier, droit de la famille, droit rural. Ce savoir-faire est renforcé par des stages de formation continue.

Étant donné son objectif, ce dispositif ne peut toutefois avoir qu’une durée limitée. Le Gouvernement a donc prévu que ces dispositions ne seraient applicables que jusqu’au 31 décembre 2020. Il est cependant nécessaire de leur permettre de déployer leurs pleins effets sans que la situation professionnelle des personnes concernées soit mise en péril. Or, la loi a prévu, à titre de disposition transitoire, que les habilitations conférées avant le 1erjanvier 2015 continuent à produire leurs effets « jusqu’au premier jour du douzième mois suivant celui de la promulgation de la présente loi », c’est-à-dire jusqu’au 1eraoût 2016. Aussi, afin de donner sa pleine efficacité à la passerelle, il est nécessaire de prolonger le délai de validité des habilitations, qui court donc jusqu’au 1eraoût 2016, jusqu’à la date du 31 décembre 2020, de façon à assurer une continuité entre la période d’habilitation et l’entrée dans le notariat.

Cette proposition de loi est un texte de bon sens, et d’une exceptionnelle brièveté, puisqu’il ne comprend qu’un seul article. Elle a été déposée au Sénat le 9 juin 2016 par le sénateur Jacques Bigot, que je veux remercier. C’est un texte de consensus qui a bien évidemment le soutien du Gouvernement et qui a été adopté par le Sénat le 29 juin dernier.

Mesdames, messieurs les députés, vous l’aurez compris, le calendrier est contraint : une adoption conforme dans les deux assemblées avant la fin du mois de juillet permettrait une entrée en vigueur de la loi avant le 1er août. Les clercs habilités l’attendent. C’est un texte pragmatique qui répondra à leurs inquiétudes légitimes et leur apportera des solutions.

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