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Jean-Luc Laurent
Question N° 94968 au Ministère des affaires étrangères


Question soumise le 12 avril 2016

M. Jean-Luc Laurent attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères et du développement international sur la position de la France dans les négociations syriennes. Alors qu'un cycle de pourparlers de six mois a été ouvert à Genève fin janvier 2016, sous égide de l'ONU, la diplomatie française a été particulièrement discrète. Dans une négociation qui réunit, d'un côté le régime syrien soutenu par la Russie, de l'autre le Haut conseil des négociations soutenu par les États-Unis, la place de la France est désormais incertaine. Après avoir défendu depuis le début du conflit une position intransigeante vis-à-vis du régime et le soutien à une opposition dite modérée, la France est aujourd'hui marginalisée. Le peu de mystère que fait le président des États-Unis de sa volonté de désengager les États-Unis du Moyen-Orient affaiblit les rebelles modérés au profit des factions soutenues par les puissances du Golfe. Ce retrait diplomatique américain affaiblit la position défendue jusqu'ici par la France. Le désengagement militaire russe en trompe-l'œil, concomitant d'une offensive menée par le régime, montre bien que le régime et son allié russe sont en position de force. La chute annoncée du régime, et attendue par le Gouvernement français depuis le début de la crise, est devenue très improbable. Les intérêts de l'Arabie Saoudite et des monarchies du Golfe persique, pas plus que les intérêts des Russes ou des Iraniens, ne sont ceux de la France. Au vu de cette nouvelle donne, il souhaiterait connaiîre les principes et les intérêts qui guident désormais la diplomatie française en Syrie. Alors que l'Europe est plus que jamais collectivement menacée par un terrorisme djihadiste, alimenté par la guerre civile syrienne, il demande à connaître la position du Gouvernement sur la négociation en cours et la situation en Syrie cinq années après le début du conflit.

Réponse émise le 16 mai 2017

La crise syrienne a un impact direct et grave sur la France, sur ses partenaires européens et sur les pays de la région. Les intérêts de la France en Syrie sont constants : stabiliser le pays, lutter contre le terrorisme, mettre fin au calvaire des réfugiés. La France, engagée militairement contre Daech et dans la bataille pour la libération de Raqqa, œuvre aussi sans relâche pour une paix réelle et durable en Syrie, qui seule nous permettra d'éradiquer la menace terroriste et de tarir les flux de réfugiés. Pour cela, elle soutient depuis près de six ans que la solution à la crise ne peut être que politique. L'ensemble des acteurs, y compris le régime, qui est aujourd'hui un conglomérat de régiments et de milices soutenu à bout de bras par la Russie et l'Iran, sont incapables de remporter militairement la guerre. Les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre dont se sont rendus coupable le régime et ses soutiens ont laissé des fractures profondes dans la société syrienne. Leur intransigeance et leur brutalité n'ont fait que consolider l'emprise des groupes terroristes. Pour qu'il y ait une paix juste et durable, il faut donc que régime et opposition puissent s'entendre sur une transition politique. C'est la voie qui a été tracée par la communauté internationale par le Communiqué de Genève. Cette voie a été entérinée à l'unanimité par le Conseil de sécurité avec la résolution 2254. Depuis 2012, la France a soutenu sans relâche les négociations entre le régime et l'opposition sous l'égide des Nations unies. La France n'a cessé de mobiliser ses partenaires affinitaires en soutien à cette solution politique. Les négociations sous l'égide des Nations unies ont repris le 23 mars 2017 à Genève. La France apporte son plein soutien à la médiation de l'envoyé spécial des Nations unies Staffan de Mistura. La France a aussi constamment encouragé l'opposition à se montrer constructive en vue de la reprise des négociations. Cette dernière a fait preuve de pragmatisme et de sens de responsabilités lors des dernières discussions. Les négociations se sont constamment heurtées au refus de négocier et aux offensives du régime. Depuis 2012, la France a donc mobilisé ses partenaires européens de manière à exercer une pression sur le régime. L'UE exerce ces pressions par le biais des sanctions, qui ont récemment été renouvelées pour viser les responsables de l'utilisation d'armes chimiques. La France a aussi obtenu au sein de l'UE une position ferme sur le financement de la reconstruction : l'Union européenne, rejointe par l'ensemble des pays de la Ligue arabe et par le Japon, ne financera pas la reconstruction du pays en l'absence d'une transition politique. C'est une position politique, mais aussi pragmatique : le régime détourne déjà massivement l'aide humanitaire, les financements de la reconstruction ne bénéficieront pas à la population en l'absence de transition. La France continuera avec détermination à défendre une transition politique conforme aux termes de la résolution 2254 du CSNU. Seule une solution politique juste et inclusive permettra de mettre un terme au martyre du peuple syrien.

1 commentaire :

Le 13/04/2016 à 23:21, chb17 a dit :

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Voilà une question qui vaut son pesant de pétrodollars.

Le "retrait américain" laisse la France un peu seule effectivement pour assumer de gros mensonges (la chute imminente du régime, le sarin contre son propre peuple, l'attribution systématique des horreurs sans fin au seul Assad, un recueil de photos de torture, l'innocuité des rebelles aidés par le Quai, la légitimité du gouvernement offshore, etc), et trop faible pour assumer à la fois de la propagande anti-régime syrien et la gestion d'une "guerre au terrorisme" qui peine à canaliser l'Organisation Etat Islamique.

Endossera-t-on tous les crimes commis pour le compte de la coalition impérialiste, maintenant que le PotUS Obama en bout de mandat compose avec les russes ? Parmi ces crimes, la fourniture d'armes à des factions putschistes - y compris issues d'al Qaeda - et la mise en place d'un gouvernement fantoche violaient nos engagements devant l'ONU. La France a une large part de responsabilité, donc, dans la destruction d'infrastructures, de dizaines de milliers de bâtiments et de millions de vies (les morts, les blessés, les déplacés y compris ceux que nous refusons d'accueillir) : il faut être fou ou négociant en armement pour y voir le bien du peuple syrien. Nous avons, à l'abri de la puissance dollar, mis de l'huile sur le feu du conflit et entravé les négociations de paix. Nous soutenons une curieuse démocratie turque qui de nouveau réprime violemment ses concitoyens kurdes ou opposants, et continue sans doute de trafiquer du pétrole avec Daesh et d'approvisionner ses troupes.

Après avoir encouragé des jeunes à partir au jihad, "brigade internationale" en Syrie, nous jouons les décontenancés quand s'affiche leur sectarisme violent et quand des attentats meurtriers atteignent (marginalement) l'Europe. Quel foutage de gueule !

Tout cela, encore une fois, sous un prétexte humanitaro démocratique. Ce prétexte fallacieux, l'utilisera-t-on bientôt contre Qatar ou Saoudie ? Contre les dirigeants africains dictateurs mais conciliants ? L'accepterait-on si un pays tiers s'avisait d'appeler "illégitime" notre régime, et de renverser notre gouvernement de (fausse) gauche qui a floué ses électeurs et ne recueille plus qu'une approbation marginale dans l'opinion ?

Je doute que notre très cynique diplomatie ait des éléments de langage convaincants pour répondre à M. le Député d'ici la St Glinglin.

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