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Axelle Lemaire
Question N° 41445 au Ministère de l'écologie


Question soumise le 5 novembre 2013

Mme Axelle Lemaire attire l'attention de M. le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur la question des agrocarburants. En application de la directive 2009/28/CE, la production des biocarburants consommés dans l'Union européenne ne doit pas provoquer des dommages sur des terres riches en biodiversité (forêts primaires, prairies naturelles...) ni être issue de matières premières provenant de terres présentant un important stock de carbone (zones humides...). Ces critères s'appliquent également aux biocarburants produits à partir de matières premières en provenance de pays tiers. Présentés depuis plusieurs années comme une alternative crédible aux produits pétroliers, ces agrocarburants se sont largement développés en Europe et en particulier en France au cours de la dernière décennie. Néanmoins, malgré des émissions de carbone neutres à la combustion, la production de ces carburants pose de graves problèmes environnementaux tels que l'emprise sur les terres arables, la perte de biodiversité due à la monoculture et l'utilisation accrue d'engrais et pesticides, et la surconsommation en eau. Au niveau budgétaire, la Cour des comptes a estimé, dans un rapport publié en janvier 2012, que la politique de soutien aux agrocarburants depuis 2005 a profité aux industriels producteurs dans des proportions considérables. Sur la période 2005-2011, le montant des exonérations fiscales appliquées s'élève à plus de 3 milliards d'euros. La commission européenne, en modifiant la directive 98/70/CE concernant la qualité de l'essence et des carburants diesel et la directive 2009/28/CE relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, souhaite réduire de 7 % à 5 % la part autorisée des agrocarburants dans la consommation alors que le Gouvernement a annoncé vouloir plafonner le taux d'incorporation à 7 % lors de la Conférence environnementale qui s'est tenue en septembre 2012. Ainsi, elle souhaite connaître ses intentions quant aux orientations politiques choisies pour le devenir de cette filière et l'adéquation des objectifs français aux exigences posées par la future directive européenne telle qu'évoqué par la Commission dans sa proposition COM (2012) 595 du 17 octobre 2012.

Réponse émise le 28 janvier 2014

Depuis l'engagement des États Membres en 2009 à promouvoir fortement l'utilisation de biocarburants dans les transports, le phénomène de changement d'affectation des sols indirect (CASI), indirect land use changes (ILUC en anglais) a émergé. Le CASI induit un supplément d'émission de gaz à effet de serre pour les biocarburants issus de denrées alimentaires (huiles et sucres). L'objet de cette proposition de directive (novembre 2012) est de réduire l'utilisation des biocarburants issus de matières premières en concurrence avec l'alimentation, d'apporter un soutien plus important aux biocarburants avancés et de mettre en place le rapportage des émissions estimatives dues au phénomène CASI. Pour autant, en amont de ces débats, le chef du Gouvernement a, dès septembre 2012, décidé d'une pause en plafonnant à 7 % l'incorporation de biocarburants conventionnels, ce qu'il a réitéré lors de la conférence environnementale et qui constitue la position française auprès du Conseil. Conformément à la proposition de directive, cette position vise, d'une part, à assurer la protection des investissements réalisés par la filière de production de cette première génération de biocarburants et, d'autre part, à tenir compte du CASI. Ce projet de directive a, il est vrai, suscité un important débat interne au sein de la CE et les négociations se poursuivent. Entre janvier et juin 2013 ont eu lieu deux réunions du Conseil énergie (22/02 et 7/06), deux réunions du Conseil environnement (21/03 et 18/06), ainsi que plusieurs propositions de compromis de la présidence qui ont permis de faire évoluer la proposition initiale. Le Parlement ayant pris position pour un plafond à 6 % et un sous-objectif pour les biocarburants avancés (2,5 %) pour 2020. Les débats au Conseil se sont orientés dans la même direction. Les dernières propositions de compromis transmises par la présidence et présentées au Comité des représentants permanents (COREPER) du 29 novembre vont dans ce sens, puisqu'un plafond de 7 % en lieu et place du recours à des valeurs CASI encore incertaines, l'abandon du sous-objectif de biocarburants avancés et un compromis sur la prise en compte de fourchettes de valeurs (encore à l'étude) pour le calcul du rapportage de l'effet CAS ! ont été proposés. La France a porté cette proposition de fourchette de valeurs traduisant l'incertitude des études actuelles, afin que le rapportage puisse être retenu à l'issue des négociations, eu égard à la forte opposition d'une majorité d'Etats membres à l'endroit de valeurs fixes scientifiquement approximatives. Le Conseil énergie du 16 décembre a rejeté la proposition de compromis de la présidence lituanienne. La France souhaite que la présidence grecque se saisisse du dossier afin de trouver une issue rapidement. Par ailleurs, l'article 16 de la loi de finances pour 2009 a prévu une diminution progressive de la défiscalisation accordée aux biocarburants, maintenant un avantage concurrentiel pour les biocarburants tout en allégeant leur charge sur les finances publiques. Les débats parlementaires ont conduit à infléchir les propositions initiales du Gouvernement, qui visaient à supprimer complètement la défiscalisation en 2012. Après une diminution régulière, les taux de défiscalisation des biocarburants ont été stabilisés à partir de 2011. D'ici fin 2015, la réduction de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) pour les biocarburants de première génération, issus de l'agriculture sera supprimée. La loi de finances pour 2014 a simplifié le niveau de défiscalisation des biocarburants pour 2014 et 2015. De plus, les objectifs d'incorporation, dans la filière gazole, ont été modifiés et portés respectivement à 7 % pour les biodiesels issus de matières premières en concurrence alimentaire et à 0,7 % pour les autres.

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