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Bruno Le Roux
Question N° 47869 au Ministère de l'éducation nationale


Question soumise le 21 janvier 2014

M. Bruno Le Roux appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur le pluralisme linguistique de notre système éducatif et plus particulièrement sur la reconnaissance de l'esperanto comme langue vivante. Alerté par les représentants d'associations qui militent pour la reconnaissance de l'esperanto, il souhaiterait connaître la position du Gouvernement sur une possible intégration de l'esperanto en tant qu'option facultative dans l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur. Pour les « espérantistes », tout l'intérêt de cette langue, dont l'usage est reconnu par des instances internationales telles que l'UNESCO, est qu'elle n'est rattachée ni à une nation, ni à une politique, ni à une économie. Selon ses défenseurs, elle se veut universelle, compréhensible par le plus grand nombre et elle faciliterait l'apprentissage des autres langues. Il lui demande donc de lui indiquer quelle est sa position sur l'ajout de l'esperanto à la liste des langues admises en tant qu'option facultative au baccalauréat, et sur sa validation comme langue acceptée par les jurys de concours de recrutement de personnels enseignants.

Réponse émise le 22 juillet 2014

L'espéranto est une langue porteuse d'un idéal de fraternité et de neutralité. Parlé par des millions de locuteurs dans le monde, l'espéranto ne réunit néanmoins pas les conditions nécessaires pour faire l'objet d'un enseignement institutionnalisé à l'école. Enseigner l'espéranto en vue de former des locuteurs qui puissent communiquer à l'international implique que cette langue soit suffisamment diffusée dans le monde pour en permettre une utilisation effective et pratique, dispose d'un statut officiel et soit porteuse d'une culture et d'un patrimoine culturel riche. L'espéranto n'est actuellement pas en mesure de concurrencer certaines grandes langues internationales comme l'anglais, l'arabe, l'espagnol, le russe et le français, dont la maîtrise s'avère aujourd'hui essentielle, aussi bien dans les domaines de l'économie, de la diplomatie, du tourisme que de la recherche. En outre, l'espéranto n'est pas reconnu comme langue de travail dans les grandes organisations internationales. La place de la culture, prépondérante dans l'enseignement des langues vivantes en France, impose par ailleurs que la langue étrangère ou régionale enseignée soit porteuse d'un patrimoine culturel riche et vivant. Il s'agit pour l'élève de mettre en perspective sa propre culture, afin de mieux appréhender les autres cultures et l'apport qu'elles constituent dans la compréhension du monde et la relation à l'autre. L'élève est ainsi sensibilisé aux variations linguistiques (accents, patois, registres de langue...) qui, par l'accès qu'elles donnent à la complexité d'une culture et à la richesse interne d'une langue, rendent l'apprentissage particulièrement motivant. À titre de rappel, 58 langues sont offertes au choix des candidats en épreuve facultative au baccalauréat général ou technologique : allemand, anglais, arabe, chinois, danois, espagnol, grec moderne, hébreu moderne, italien, japonais, néerlandais, polonais, portugais, russe, basque, breton, catalan, corse, créole, occitan, tahitien, langues mélanésiennes, gallo, langues régionales d'Alsace, langues régionales des pays mosellans, albanais, amharique, arménien, bambara, berbère, bulgare, cambodgien, coréen, croate, estonien, finnois, haoussa, hindi, hongrois, indonésien-malais, laotien, lituanien, macédonien, malgache, norvégien, persan, peul, roumain, serbe, slovaque, slovène, suédois, swahili, tamoul, tchèque, turc, vietnamien, langue des signes française. Avec un tel éventail, le système éducatif français est l'un de ceux qui, en Europe et dans le monde, propose aux candidats le choix de langues le plus ouvert. Les langues proposées aux candidats ont été retenues, soit parce qu'elles répondent à une forte demande des candidats et font ainsi l'objet d'un enseignement, soit parce qu'elles permettent de valoriser la maîtrise d'une langue étrangère notamment chez certaines personnes issues de l'immigration et qui font la richesse culturelle de notre pays. Or l'espéranto n'est ni une langue répondant à une forte demande des candidats et faisant l'objet d'un enseignement, ni une langue maternelle. Néanmoins, rien ne s'oppose à ce que d'ores et déjà des établissements scolaires qui le souhaiteraient mettent en place une initiation à l'espéranto dans le cadre d'activités péri-éducatives locales. Pour toutes ces raisons, il n'est pas envisagé d'accroître à ce stade la diversité des langues évaluées au baccalauréat.

3 commentaires :

Le 15/08/2014 à 23:24, Lavarenne a dit :

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Nous nous réjouissons de ce que Monsieur le ministre de l'Éducation nationale n'a pas jugé nécessaire de revenir, dans cette réponse, sur la seconde partie de la question ("validation comme langue acceptée par les jurys de concours de recrutement de personnels enseignants").

Puisque "qui ne dit mot consent", il me paraît entériner par là lui aussi l'arrêté de ses prédécesseurs (du 31 mai 2010, "fixant les titres, diplômes, certificats, attestations ou qualifications équivalentes attestant des compétences en langues (...) exigés de candidats ayant subi avec succès les épreuves des concours de recrutement de personnels enseignants", article 2 de la "Version consolidée au 12-10-2012") :

"Est également admis[e] TOUTE AUTRE certification délivrée en France ou dans un autre État membre de l'Union européenne (...) par une administration ou par un établissement ou un organisme public ou privé, notamment à la suite d'un examen ou d'un test standardisé, et attestant de la maîtrise d'une langue étrangère à un niveau de qualification correspondant au moins au niveau B2 du cadre européen commun de référence pour les langues." (NOR : MENH1014357A)

Mais je m'étonne donc que l'un de ses subordonnés ait pu écrire, sans guillemets il est vrai, moins de deux semaines plus tard (le 4 août, réf. DGRH D1 n° 14-063, p. 1) :

"Sont également admises D'AUTRES certifications délivrées en France ou dans un autre État membre de l'Union européenne (...) par une administration ou par un établissement ou un organisme public ou privé, notamment à la suite d'un examen ou d'un test standardisé, et attestant de la maîtrise d'une langue étrangère à un niveau de qualification correspondant au moins au niveau B2 du CECRL."

Cette discrète restriction, indubitablement contraire au moins à la lettre de l'arrêté (dont la "Version consolidée au 12 octobre 2012" et toujours en vigueur au 15 août 2014, reste pourtant identique sur ce point au texte originel), lui permet alors de se risquer à une réponse DISCRIMINATOIRE à l'encontre de l'espéranto (et de diplômes en bonne et due forme régulièrement délivrés par l'Université de Budapest et attestant explicitement de la maîtrise de cette langue aux niveaux B2 et C1 du CECRL), pour d'obscures raisons qui ne sauraient prévaloir sur le caractère EXPLICITEMENT NON RESTRICTIF de l'arrêté cité, et ne semblent donc que de mauvais prétextes :

"L'esperanto, langue neutre dépourvue d'assise territoriale, ne présentant pas les caractéristiques d'une langue maternelle et rarement enseignée comme langue vivante dans les cursus universitaires, ne répond pas aux motifs ayant présidé aux dispositions statutaires et réglementaires précédemment évoquées."

LA QUESTION, en effet, n'est pas là mais se pose en ces termes :

Y A-T-IL OU NON UNE CERTIFICATION délivrée dans un État membre de l'Union européenne et attestant de la maîtrise de l'espéranto langue étrangère, "à un niveau de qualification correspondant au moins au niveau B2 du cadre européen commun de référence pour les langues" ?

La réponse est OUI :

par le "Centre for Advanced Language Learning of the Eötvös Lorand University" ITK (Idegennyelvi Továbbképző Központ : "Centre Supérieur de Langues étrangères"), institut intégré à l'Université ELTE (Eötvös Loránd Tudományegyetem / Universitas Budapestinensis de Rolando Eötvös nominata, surnommée "la Sorbonne hongroise") ;

et les examens d'espéranto ont été officiellement intégrés par "l'Accreditation Center for FOREIGN Language Examinations", de "l'Educational Authority" hongroise, dans la liste des "Certified language exams according to languages", où il est précisé :

« The languages listed below [parmi lesquels figure l'espéranto] – with the exception of Latin, Ancient Greek and Biblical Hebrew – all belong to the category of "modern languages". » *

La France peut-elle s'arroger le droit d'exclure de "TOUTE AUTRE certification", une certification hongroise officiellement accréditée par la plus haute autorité compétente de ce pays de l'UE ?

Nous voulons croire qu'il ne s'est agi là que d'un simple dérapage au creux de l'été et que tout reviendra naturellement dans l'ordre dès la rentrée.

Christian Lavarenne, agrégatif de lettres et docteur en histoire

(thèse soutenue à Paris 13, avec félicitations unanimes, sur l'espéranto).

* www.nyak.hu/doc/akk_nyelvek-eng.asp

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Le 27/08/2014 à 11:05, Henri Masson a dit :

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La proposition de loi n° 1550 du Parti Socialiste et apparentés, en date du 19 décembre 1979, devrait être revue, corrigée, actualisée et représentée. Beaucoup de choses se sont passées depuis.

Extrait pour rappel : "N’est-ce pas à la France, dont le rôle humanitaire ne peut être contesté, de donner l’exemple en propageant l’étude d’une langue auxiliaire neutre, tant recherchée depuis des siècles, pour rendre faciles et meilleurs les rapports, à travers le monde, entre les hommes de toutes origines ?

L’admission de la langue internationale Espéranto comme langue à option dans les programmes de l’enseignement secondaire et de l’enseignement supérieur est l’objet de la présente proposition de loi que nous vous demandons de bien vouloir adopter."

Texte complet : http://www.esperanto-sat.info/article918.html

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Le 27/08/2014 à 15:39, Louis v. Wunsch-Rolshoven a dit :

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Avec une grande surprise j'ai dû constater que M. le ministre de l'éducation nationale a donné une réponse sur l'espéranto où se trouve l'affirmation fausse que l'espéranto ne serait pas une langue maternelle. Ceci est faux depuis déjà un siècle.

Aujourd'hui on compte quelques milliers de gens avec l'espéranto comme langue maternelle, dans le monde entier et quelques-uns en France. Le fait est bien connu parmi les linguistes. On sait aussi que M. Ulrich Brandenburg, ancien ambassadeur de l'Allemagne à Moscou, parle l'espéranto comme langue maternelle.

Comment ce fait-il qu'une telle erreur peut se trouver dans une réponse ministerielle ?

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