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Laurence Arribagé
Question N° 63095 au Ministère de l’environnement


Question soumise le 19 août 2014

Mme Laurence Arribagé interroge M. le ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique sur les perspectives offertes par le développement scientifique et industriel de réacteurs nucléaires alimentés au thorium et refroidis au sel fondu. La communauté scientifique internationale et française, en particulier celle du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), et notamment de Grenoble, a pu mettre en évidence que le minerai du thorium est à 99,6 % utilisable, contrairement à l'uranium dont seule une infime partie (0,7 %) est exploitable. Ces centrales au thorium seraient également moins dangereuses et offriraient de meilleures garanties en termes de sécurité que les centrales classiques à l'uranium. L'utilisation du circuit à sel fondu, contre l'eau à l'heure actuelle, fonctionnant à pression ambiante, réduirait effectivement les risques de surpression auxquels sont soumises les enceintes des réacteurs nucléaires. Par ailleurs, selon le rapport d'activité 2013 de l'Autorité de sécurité nucléaire (ASN), la France disposerait de 8 500 tonnes de réserves de thorium sur son sol, qui lui permettraient de fournir ses besoins en électricité pendant plusieurs décennies et de parvenir, notamment, à sécuriser son indépendance énergétique. À l'heure où les puissances industrielles de premier plan, telles que les États-unis, la Chine ou l'Inde, en font un enjeu prioritaire et investissent des fonds colossaux dans la recherche nucléaire à base de thorium, il serait opportun que la France prenne la décision de s'investir plus en avant dans ce domaine stratégique si elle entend rester l'un des leaders mondiaux dans la filière nucléaire. Aussi, elle souhaiterait connaître sa position sur le développement de cette technologie qui, aussi bien en termes de rendement énergétique, de remplacement des centrales nucléaires vieillissantes, de sécurité et d'emploi présentent des intérêts déterminants.

Réponse émise le 11 octobre 2016

Le ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargé des relations internationales sur le climat, ainsi que le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, suivent avec beaucoup d'intérêt les travaux de recherche concernant les réacteurs nucléaires de 4ème génération fonctionnant sur le cycle du combustible thorium sous forme de sels fondus. La France est ainsi engagée dans les recherches sur cette filière, notamment au travers du centre national de la recherche scientifique (CNRS) qui, fort de plus de 20 années de recherches conduites dans ce domaine, contribue à la réalisation du projet SAMOFAR (Safety Assessment of the Molten Salt Fact Reactor) du programme européen Horizon H2020 aux côtés du CEA, d'EDF, d'AREVA et de l'IRSN. L'objectif de ce projet est de démontrer les paramètres clés de sûreté de ce concept de réacteur en s'appuyant sur une validation expérimentale des principes de sûreté. Il vise à réaliser une première conception du réacteur et identifier les partenaires intéressés dans ses développements. Les travaux de recherche doivent être aussi l'occasion de fournir des réponses à un certain nombre de limitations ou inconvénients de la filière. Par exemple, la ressource naturelle en thorium ne peut pas être exploitée directement et nécessite d'être irradiée au préalable dans un réacteur fonctionnant à l'uranium ou au plutonium. En outre, un cycle au thorium nécessiterait de disposer en France de nouvelles unités de retraitement du combustible. Par ailleurs, dans un réacteur à sel fondu, le combustible ne reste pas confiné dans la cuve et doit circuler sous forme « liquide » dans une boucle externe au réacteur. Les démonstrations de sûreté d'un tel processus sont plus complexes à réaliser que pour les réacteurs à eau actuels. Enfin, du point de vue de l'inventaire radiotoxique des déchets, les cycles à l'uranium et au thorium sont assez proches. En l'absence de l'identification de bénéfices déterminants apportés par le cycle du thorium, mais aussi parce que la France dispose d'un accès à l'uranium naturel et d'une réserve conséquente en uranium 238 permettant d'alimenter des réacteurs à neutrons rapides dont la maturité technologique est plus élevée que celle de réacteurs fonctionnant sur le cycle du thorium, l'opportunité de changer de cycle du combustible nucléaire à court terme n'est pas démontrée. Toutefois, le thorium pourrait constituer à plus long terme un complément, ou une alternative notamment en cas de raréfaction de la ressource en uranium naturel. En conséquence, les études et recherches dans le domaine des réacteurs au thorium doivent être poursuivies pour en démontrer les avantages, tant sur les plans de la sûreté, de la gestion des déchets et de l'économie du cycle des matières. Ce programme sera en particulier mené dans le cadre du forum international génération IV qui vise à coordonner au niveau international les recherches à mener pour développer un réacteur de 4ème génération.

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