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Catherine Troallic
Question N° 67965 au Ministère de la défense


Question soumise le 4 novembre 2014

Mme Catherine Troallic interroge M. le secrétaire d'État, auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire, sur l'indemnisation des victimes des 210 essais nucléaires français. Commis entre 1960 et 1996 au Sahara et en Polynésie, ces essais -au-delà des conséquences environnementales et sociales- ont impacté la santé des populations, des personnels de l'État civils et militaires exposés aux radiations sans bénéficier de protections suffisantes. Grâce à l'action de la majorité sous le gouvernement de Lionel Jospin, un système d'indemnisation a été initié. Depuis sa mise en œuvre, le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires n'a pourtant procédé qu'à 16 indemnisations pour environ un millier de dossiers examinés quand le nombre de victimes est estimé par l'association des vétérans des essais nucléaires (AVEN) à environ 150 000 personnes. Ce faible nombre d'indemnisations résulterait du fait que le CIVEN indexe celle-ci à la quantité de rayons ionisants à laquelle un individu a été exposé. Quelle que soit la solidité scientifique et la reconnaissance internationale de ce mode de calcul, cette étape semble empêcher l'indemnisation de milliers de victimes et de leurs familles. Pour autant, le Gouvernement prévoit une enveloppe budgétaire conséquente dans le projet de budget 2015. Elle l'interroge donc pour savoir si les victimes d'une maladie radio-immune, présentes sur les territoires concernés par les essais nucléaires, pourraient être systématiquement indemnisées sans passer par le logiciel de calcul américain du National Institute for Occupational Safety and Health.

Réponse émise le 23 décembre 2014

Le Gouvernement suit avec la plus grande attention le dossier relatif aux conséquences sanitaires des essais nucléaires français et a, notamment, décidé l'indemnisation des personnes atteintes de maladies radio-induites provoquées par les essais nucléaires réalisés par la France, entre 1960 et 1996, au Sahara et en Polynésie française. La loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 modifiée relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français a ainsi créé un régime de réparation intégrale des préjudices subis par les victimes des essais nucléaires français, quel que soit leur statut (civils ou militaires, travailleurs sur les sites d'expérimentations et populations civiles, ressortissants français ou étrangers). Ce cadre juridique permet à toute personne atteinte d'une pathologie radio-induite figurant parmi les vingt-et-une maladies listées en annexe du décret n° 2014-1049 du 15 septembre 2014 relatif à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français de constituer un dossier de demande d'indemnisation. A ce titre, il convient d'observer que la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale (LPM) a étendu à toute personne atteinte de l'une de ces pathologies, et ayant résidé ou séjourné sur la globalité du territoire de la Polynésie française, entre le 2 juillet 1966 et le 31 décembre 1998, la possibilité de solliciter une indemnisation. Au regard de cette évolution, il sera procédé à un nouvel examen des demandes d'indemnisation ayant fait l'objet d'une décision de rejet sur la base des délimitations concernant la Polynésie française par l'article 2 de la loi du 5 janvier 2010 dans sa version antérieure. Les demandes individuelles d'indemnisation sont soumises à un comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN). Ce comité instruit au cas par cas les dossiers de demande d'indemnisation afin d'éviter d'instaurer une automaticité de la réparation, contraire au droit de la responsabilité. Si les conditions de l'indemnisation sont réunies, l'intéressé bénéficie d'une présomption de causalité, à moins qu'au regard de la nature de la maladie et des conditions de son exposition, le risque attribuable aux essais nucléaires puisse être considéré comme négligeable. Pour mener à bien sa mission, le CIVEN a élaboré une méthode d'examen s'appuyant sur les méthodologies recommandées par l'agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et l'ensemble de la documentation scientifique disponible relative aux effets de l'exposition aux rayonnements ionisants. Chaque fois que cela est possible, le comité utilise le logiciel de calcul mis au point aux États-Unis par le National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH-IREP), lui-même élaboré et régulièrement tenu à jour, conformément aux recommandations de l'AIEA. Le comité retient comme probabilité de causalité la valeur médiane calculée au moyen de ce logiciel. Une probabilité de causalité supérieure ou égale à 1 % conduit à la décision de retenir la demande. Enfin, dans les dossiers présentant un cancer primitif non défini, les scientifiques du CIVEN ont parfois retenu le modèle du cancer pulmonaire primitif du fait de sa plus forte radiosensibilité pour le calcul de la probabilité, mais sans affirmer qu'il soit à l'origine des métastases retrouvées. C'est donc là aussi un calcul majorant au bénéfice du requérant. Ainsi, il peut être retenu que la méthodologie d'évaluation des risques appliquée par le CIVEN se fonde, d'une part, sur une méthodologie universellement reconnue, approuvée internationalement, et appliquée par les pays les plus avancés ; d'autre part, qu'il s'agit d'un modèle reposant sur les résultats scientifiques les plus aboutis, synthétisés dans les rapports du comité scientifique des Nations unies pour l'étude des effets des rayonnements ionisants (UNSCEAR). En outre, eu égard à la situation du demandeur au moment des essais nucléaires, aux conditions de son exposition aux rayonnements ionisants et à sa maladie, l'indemnisation est accordée dès lors qu'il peut être établi un lien entre la maladie et l'exposition avec une probabilité supérieure à 1%. Il convient de noter que les dispositifs d'indemnisation étrangers retiennent quant à eux un seuil, moins favorable, de 50%. Les conditions de calcul sont elles-mêmes d'autant plus favorables aux requérants que les hypothèses maximales sont retenues pour le niveau d'exposition pris en compte. La LPM a élevé le CIVEN au rang d'autorité administrative indépendante, dotée d'un rôle décisionnel en matière d'indemnisation, et inséré dans la loi du 5 janvier 2010 des dispositions relatives à la composition de cet organisme, aux modalités de désignation de ses membres et d'exercice de leur mandat, propres à garantir son indépendance. Le CIVEN sera ainsi désormais constitué de 9 membres, nommés par décret, parmi lesquels au moins 5 médecins, dont l'un d'entre eux sera proposé par les associations représentatives de victimes, après avis conforme du Haut Conseil de la santé publique. Le CIVEN sera présidé par un conseiller d'État ou par un magistrat de la Cour de cassation, qui aura qualité pour agir en justice au nom du comité. Le requérant aura quant à lui la possibilité de défendre sa demande devant le CIVEN, en personne ou par l'intermédiaire d'un représentant. Par conséquent, lorsque les décrets de nomination des membres du CIVEN prenant en compte la nouvelle composition de cet organisme définie par la LPM auront été signés, il n'appartiendra plus au ministre de la défense de décider d'attribuer ou non des indemnisations aux demandeurs sur le fondement des recommandations du CIVEN. Le CIVEN lui-même statuera sur les demandes.

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